Pakistan
Bush et Musharraf contre le terrorisme
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Islamabad
« On a cru que Georges Bush allait reporter sa visite à Islamabad. Ca aurait été une catastrophe pour notre président », indique un étudiant, Mustafa. Ce jeune étudiant pro-Musharraf ajoute : « Il a certes pris le pouvoir sur un coup d’Etat, mais il a su progressivement mettre les fondamentalistes à distance et se rapprocher des pays occidentaux. C’est un libéral ». Depuis un mois, les Pakistanais manifestent. Motif : le ressentiment des musulmans après la publication des caricatures de Mahomet dans la presse européenne. « Mais ces rassemblements se sont très rapidement transformés en manifestations contre le gouvernement et son allié américain », indique un diplomate en poste à Islamabad.
Vendredi, c’est aux cris de « mort à l’Amérique » qu’ont défilé des dizaines de milliers de personnes dans les grandes villes. Une grève générale, appelée par les six partis islamistes, par ailleurs la première force de l’opposition à l’Assemblée, a paralysé le pays. Bazars clos, administrations au ralenti, écoles fermées, les fondamentalistes conservent un réel pouvoir de mobilisation. Un pouvoir qui semble avoir fragilisé le président Pervez Musharraf, pourtant traditionnellement proche de ces groupes.
« Le président avait vraiment besoin que Georges Bush lui réitère son appui. Cette visite, même symbolique, lui a permis de repositionner son image », explique le diplomate. Au cours d’une conférence de presse conjointe, les deux présidents ont rappelé leur partenariat dans la lutte contre le terrorisme. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, Islamabad avait abandonné son aide au régime fondamentaliste des talibans en Afghanistan et apporté un soutien logistique à l'intervention de la coalition internationale menée par les Etats-Unis. « Un geste important à l’époque, d’autant que le Pakistan faisait partie des trois seuls pays à avoir reconnu le régime taliban et à entretenir des contacts avec Al-Qaïda. Musharraf a organisé un revirement radical de la politique pakistanaise », confie encore le diplomate. Malgré la lutte portée au cœur des réseaux islamistes au Pakistan, autrefois base arrière d’Al-Qaïda, les terroristes ont su se réorganiser. Témoin le dernier attentat, jeudi à Karachi, devant le consulat américain : un véhicule piégé a fait cinq morts, dont un diplomate américain. L’explosion a blessé plus de quarante personnes.
Aider l’Inde et le Pakistan à résoudre la question du Cachemire
La visite du président Georges Bush avait également pour objet de rappeler au Pakistan ses devoirs : malgré de réelles actions, Islamabad est souvent taxée de laxisme en matière de lutte anti-terroriste. En janvier dernier, l’aviation américaine a bombardé le village de Damadola, dans une zone tribale du Pakistan. Treize villageois ont été tués et, selon les autorités militaires, cinq rebelles, dont un proche d’Ayman al-Zawahiri. Le numéro deux d’Al-Qaïda aurait dû se trouver aussi sur place. « Si Washington a agi dans un pays ami, c’est parce que l’armée pakistanaise peine à intervenir au moment opportun. Certes, de nombreux islamistes ont été arrêtés depuis fin 2001, mais les cellules terroristes semblent chaque jour un peu plus solides », écrivait au lendemain du bombardement un chroniqueur pakistanais dans le quotidien Daily Times.
« Le Pakistan est un pays essentiel dans notre combat. Nous gagnerons cette guerre ensemble. Mais il y a encore beaucoup à faire pour vaincre Al- Qaïda », a rappelé Georges Bush, qui a également souligné que « les Etats-Unis supportent le processus démocratique au Pakistan, un pas essentiel pour défaire le fondamentalisme ». Trois thèmes majeurs ont été abordés par les deux présidents : le terrorisme, le Cachemire et un éventuel partenariat économique. Rien sur le nucléaire, pourtant souhaité par le Pakistan, alors qu’un accord a été signé à New Delhi entre Georges Bush et le Premier ministre Manmohan Sinh. Georges Bush a par ailleurs affirmé que son pays allait continuer à aider l’Inde et le Pakistan à résoudre la question du Cachemire, source de tension entre les deux pays et l’un des moteurs de l’extrémisme. Accompagné de sa femme, Laura Bush, et de Condoleezza Rice, le président américain s’est rendu sur un terrain de criquet. Il devait participer à un dîner donné en son honneur, avant de quitter le Pakistan.
par Eric de Lavarène
Article publié le 04/03/2006 Dernière mise à jour le 04/03/2006 à 15:36 TU