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Pakistan

Arrestation du porte-parole des Taliban

Des militaires pakistanais exposent des armes saisies aux Taliban. Dans sa lutte contre les rebelles, Islamabad joue-t-elle franc-jeu ?(Photo: AFP)
Des militaires pakistanais exposent des armes saisies aux Taliban. Dans sa lutte contre les rebelles, Islamabad joue-t-elle franc-jeu ?
(Photo: AFP)
Les arrestations de plusieurs hauts dignitaires des réseaux al-Qaïda, depuis fin 2001, font du Pakistan un allié important des Américains dans leur lutte contre le terrorisme international. L’arrestation, en début de semaine, du porte-parole des Taliban dans le sud-ouest du Pakistan, est une victoire supplémentaire. Mais des experts en poste à Islamabad se demandent si les forces pakistanaises ne jouent pas un double jeu.

De notre correspondant à Islamabad

«C’est le mollah Omar qui l’a désigné, il y a deux ans, comme nouveau porte-parole des Taliban. C’était juste après une réunion houleuse entre combattants où certains reprochaient au mouvement de ne pas en faire assez contre les Américains. Pendant deux ans, il a assumé son rôle avec sérieux», confie à Islamabad un expert occidental, juste après l’arrestation mardi d’Abdul Latif Hakimi dans le sud-ouest du Pakistan. Celui qui était la voix des Taliban a été arrêté par les forces pakistanaises dans la province du Baloutchistan, non loin de la frontière afghane. Abdul Latif Hakimi serait emprisonné dans la ville de Dera Ismail Khan, au centre du pays. D’après les services de renseignement pakistanais, il détiendrait des informations sur la localisation du chef des fondamentalistes afghans. Une information cependant réfutée par les services occidentaux en poste dans la capitale qui affirment que le porte-parole des Taliban n’avait pas de lien étroit avec le mollah Omar ni avec les autres combattants.

«C’est un gros succès pour nos services», a indiqué de son côté le ministre de l’Intérieur, Aftab Sherpao, juste après l’opération des forces pakistanaises. Si la capture d’Abdul Latif Hakimi est un bon point pour Islamabad, certains se demandent pourquoi avoir attendu si longtemps pour mettre la main sur un homme qui passait beaucoup de temps au téléphone avec les médias, lorsqu’il revendiquait les actions de ses compagnons d’armes. «Il ne faut pas perdre de vue que l’homme est plus un symbole qu’un réel combattant», confirme l’expert. Apparemment, le porte-parole des Taliban passait ses coups de téléphone dans une zone autour de Quetta, capitale du Baloutchistan, ou de Peshawar, capitale de la province frontalière du nord-ouest. Deux villes réputées pour avoir accueilli un certain nombre de fondamentalistes, fin 2001, à la chute du régime afghan des étudiants en religion. «Les autorités pakistanaises doivent avoir quelque chose à demander aux Américains», ironise de son côté Latif, un étudiant de l’université islamique d’Islamabad. Il est vrai que les précédentes arrestations de fondamentalistes se sont presque toutes déroulées juste avant des rencontres ou des pourparlers entre les autorités pakistanaises et leurs homologues américains ou européens.

Pas faux. Arrêté en mai dernier à Mardan, au nord-est de Peshawar, Abou Faraj al-Libbi était considéré comme le numéro trois d’al-Qaïda. L’homme a été capturé par les commandos alors qu’il se déplaçait tranquillement à moto, vêtu d’une bourqa. Les services pakistanais avait intercepté une conversation téléphonique. Abou Faraj était impliqué dans la série d’attentats contre le président Pervez Musharraf et le premier ministre Shaukat Aziz, mais également pour ses liens avec les réseaux al-Qaïda à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne.

Ben Laden et Zawahiri toujours en fuite

En mai 2004, les autorités pakistanaises se défendaient d’accusations très lourdes portées par Washington et Kaboul qui affirmaient que le pays était un sanctuaire pour les islamistes. «Les services pakistanais avaient pistés Abou Faraj depuis longtemps déjà. Elles attendaient juste le bon moment pour l’arrêter», reconnaît un diplomate. Deux autres membres d’Al Qaïda avaient été arrêtés précédemment: en février 2002, Ahmed Omar Saeed Sheik, impliqué dans l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl et, en juillet 2004, Mohammad Naeem Noor Khan, l’expert en communication du réseau terroriste international. La capture de ce dernier permettra aux autorités pakistanaises et américaines de mettre la main sur «les informations les plus précises depuis vingt ans sur ces groupes extrémistes», expliquera quelques jours après un membre du FBI, Mohammad Naeem Noor Khan a accepté de collaborer avec les enquêteurs. Ses renseignements ont depuis permis de déjouer de nombreux attentats, notamment sur le sol européen.

Les deux principaux chefs d’al-Qaïda, Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri, sont néanmoins toujours en fuite, quelque part sur la frontière afghano-pakistanaise. Si les forces spéciales françaises présentes dans le sud de l’Afghanistan ont affirmé être passé près d’Oussama Ben Laden, fin 2003, aucune information depuis n’a filtré sur les deux hommes. Des membres de l’ISI, les services de renseignement pakistanais, avancent que les deux hommes vivent retranchés dans les zones tribales, protégés par des chefs de tribus pashtounes, l’ethnie qui a fournit au milieu des années 1990 les Taliban. Une chose est sûre: l’étau se resserre chaque jour un peu plus. Mais comme l’a affirmé il y a quelques semaines le président pakistanais Pervez Musharraf: «J’espère qu’Oussama Ben Laden ne se cache pas au Pakistan». Le Pakistan n’a certainement pas intérêt à mettre la main sur le symbole du jihad. Le pays se mettrait alors à dos tous les fondamentalistes. Un prix beaucoup trop lourd à payer.


par Eric  de Lavarène

Article publié le 05/10/2005 Dernière mise à jour le 05/10/2005 à 15:00 TU