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Etats-Unis

Washington veut améliorer son image en terre d’islam

Karen Hughes a la délicate mission de redorer l'image des Etats-Unis dans le monde arabe et musulman.(Photo : AFP)
Karen Hughes a la délicate mission de redorer l'image des Etats-Unis dans le monde arabe et musulman.
(Photo : AFP)
Guerre en Irak, scandale de la prison d’Abou Ghraïb ou encore celui de Guantanamo, l’image des Etats-Unis dans le monde et plus particulièrement dans les pays arabes et musulmans n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Cette situation a été à ce point jugée sérieuse que le président George Bush a récemment décidé de nommer l’une de ses plus fidèles collaboratrices, l’ancienne journaliste Karen Hughes, sous-secrétaire à la Diplomatie publique. Sa mission, redorer l’image déplorable dont jouissent les Etats-Unis dans le monde musulman. Avec une première tournée, qui l’a menée en Egypte, en Arabie saoudite et en Turquie, cette spécialiste de la communication a découvert l’étendue du travail qu’elle devra accomplir.

Avant même d’entamer sa visite dans trois pays musulmans considérés comme des alliés historiques des Etats-Unis, la toute nouvelle sous-secrétaire à la Diplomatie publique savait déjà que la mission que lui a confiée le président Bush était loin d’être simple. Un rapport rédigé par une commission gouvernementale américaine, qui n’a pas été rendu public mais dont le Washington Post a révélé la semaine dernière les conclusions, a en effet confirmé l’étendue du sentiment anti-américain à travers le monde. «L’image et la réputation des Etats-Unis ne sauraient être plus mauvaises à l’étranger», soulignait ce document ajoutant qu’il existait «une colère profonde et durable envers les politiques et les démarches américaines». Plus gênant encore pour l’administration américaine, le rapport révèle que des sondages réalisés en Egypte, en Arabie saoudite ou au Maroc ont montré qu’une majorité de la population de ces pays «percevait George W. Bush comme une plus grande menace qu’Oussama Ben Laden», le chef de la nébuleuse terroriste al-Qaïda.

C’est dire le défi qui attend Karen Hughes. «Je ne suis pas naïve. Je sais que de nombreuses personnes que nous allons rencontrer seront en désaccord avec nous et avec certains aspects de notre politique», confiait-elle à l’agence Reuters avant sa tournée commencée lundi en Egypte. «Il s’agit d’une tournée d’écoute destinée à faire preuve de respect et à contribuer à la compréhension, d’une part, des préoccupation des populations et, d’autre part, de nos politiques et de nos actions», avait-elle précisé. Et de fait, la sous-secrétaire à la Diplomatie publique a eu droit, que ce soit au Caire, à Djeddah ou à Ankara, à la litanie des griefs du monde arabo-musulman a l’égard des Etats-Unis. Certes aucune manifestation, aucune action violente n’est venue perturber sa visite mais partout les mêmes reproches adressés sur un ton poli mais ferme.

Dialogue entre les religions

Ainsi en Egypte, où elle a rencontré des étudiants et des enseignants, Karen Hughes a eu beau répéter que George Bush était «le seul président a s’être prononcé en faveur d’un Etat palestinien indépendant», elle n’a pas réussi à convaincre ses interlocuteurs. «Bush ne donne jamais de suite à ce qu’il affirme», lui a rétorqué une enseignante de l’université américaine du Caire ajoutant que si la politique américaine a été si négative dans la région c’est à cause de la Palestine et de l’alignement systématique de Washington sur Israël. Les questions des étudiants égyptiens sur les centres de détention d’Abou Ghraïb et de Guantanamo ont été tout aussi gênantes pour la sous-secrétaire. «Comme vous j’était horrifiée quand j’ai vu les abus qui ont eu lieu à Abou Ghraïb. Ce qui s’est passé va à l’encontre de la politique de notre gouvernement. Le fait d’être un démocratie ne nous rend pas parfaits», a-t-elle tenté de plaidé mais visiblement sans grand succès. Sa réponse sur Guantanamo jettera un froid : «les prisonniers sont traités de façon humaine, la Croix-Rouge est présente 24 heures sur 24 et de toutes façons, il ne s’agit pas de manifestants mais de tueurs».

Karen Hughes peut toutefois se targuer du succès de sa rencontre avec cheikh Mohamed Sayyed Tantaoui, l’imam d’al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite. «Je l’ai remercié car al-Azhar, sous sa direction, a été parmi les premières institutions religieuses, et selon lui la première au monde, à condamner les attentats du 11-Septembre», a-t-elle déclaré à l’issue de leurs entretiens. Confirmant que le président Bush et la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice lui avait demandé d’axer sa visite sur le dialogue des religions, elle s’est félicitée de la volonté exprimée par l’imam d’al-Azhar de «lutter contre l’extrémisme et le terrorisme».    

Haine entre Saoudiens et Américains  

En Arabie saoudite la diplomate américaine a dû se soumettre à un tout autre exercice face à des étudiantes en colère contre la vision de la femme arabe véhiculée par les médias américains. «Nous sommes heureuses et nous voulons renvoyer cette image, or l’image générale des médias est que la femme arabe n’est pas heureuse», a affirmé l’une d’elles avant d’ajouter sous un tonnerre d’applaudissements : «nous pouvons changer, nous allons changer, mais nous n’avons pas besoin qu’on nous l’impose de l’extérieur», oubliant qu’une toute petite minorité de femmes peuvent tenir ce genre de propos en Arabie saoudite. Les réponses de Karine Hughes défendant la liberté de la presse ne pouvaient donc que paraître décalées par rapport aux récriminations de ses interlocutrices.

Mais devant l’Association de la presse saoudienne, la sous-secrétaire à la Diplomatie publique s’est montrée plus offensive bien que sa visite était sensée n’être qu’une visite d’écoute. Elle a exhorté les Saoudiens à la tolérance à l’égard des autres religions. «Je sais bien que le royaume a une responsabilité particulière en tant que gardien des deux Lieux saints. Mais j'espère que les Saoudiens trouveront aussi le moyen de respecter les gens d'autres croyances et de traditions religieuses différentes», a-t-elle déclaré, rappelant que 15 des 19 auteurs des attentats du 11-Septembre étaient de nationalité saoudienne. Un de ses interlocuteurs a alors saisi l’occasion pour dénoncer le sentiment de «haine» qui existe désormais entre Américains et Saoudiens, s’étonnant notamment que le nombre d’étudiants saoudiens aux Etats-Unis ait fortement diminué. «Pourquoi les Américains nous détestent-ils tant ?», a-t-il déclaré.

Cette question pourrait résumer à elle-seule l’ampleur de la tâche qui attend Karine Hughes. Car si le sentiment anti-américain est aussi fort dans le monde arabe et musulman, c’est aussi parce que les populations dans ces pays ont le sentiment de ne pas représenter grand-chose aux yeux de l’Amérique.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/09/2005 Dernière mise à jour le 28/09/2005 à 17:04 TU