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Inde-Pakistan

Quelle paix pour un Cachemire divisé ?

Le président pakistanais Pervez Musharraf (G) et le Premier ministre indien Manmohan Singh (D) à New Dehli, le 18 avril 2005. L’un des responsables des séparatistes radicaux les accuse de «<EM>ne jamais tenir compte de la résolution des Nations unies</EM>».(Photo: AFP)
Le président pakistanais Pervez Musharraf (G) et le Premier ministre indien Manmohan Singh (D) à New Dehli, le 18 avril 2005. L’un des responsables des séparatistes radicaux les accuse de «ne jamais tenir compte de la résolution des Nations unies».
(Photo: AFP)
C’est en marge du sommet de l’ONU que le président pakistanais Pervez Musharraf et le Premier ministre indien Manmohan se sont entretenus de la question du Cachemire. Un conflit dont l’évolution récente est encourageante : trois mois après leur rencontre historique avec Musharraf, les leaders indépendantistes du Cachemire ont été reçus le 5 septembre par M. Singh. Le dialogue tripartite est enfin amorcé mais le Cachemire est si déchiré par ses clivages politiques que la paix semble vouée à l’impasse.

De notre envoyée spéciale au Cachemire

«La délégation de modérés qui discute avec M. Singh n'a aucune représentativité», martèlent les séparatistes radicaux et pro-pakistanais. Leur leader, Geelani, fondateur du parti Tehreek-e-Hurriyat, a refusé l’invitation du Premier ministre indien la semaine dernière – après avoir refusé celle du Pakistan en juin. Signe des tensions qui déchirent le Cachemire et sapent les efforts de paix.

Dans les environs de Srinagar, au bout d’une ruelle est indiqué sur un écriteau délabré qu’il faut deviner, le siège du parti. Là, Rooz, un bras droit de Geelani, est ravi de nous recevoir et a convoqué pour l’occasion une dizaine de membres. «Nous ne sommes pas contre le processus de paix mais la paix qu’on nous propose est une foutaise diplomatique !», dit-il d’emblée. L’«assemblée» acquiesce du regard et Rooz poursuit sur un ton déjà plus énervé : «Le bus ne résout pas le problème de la Ligne de contrôle. Les rencontres entre Musharraf et Singh ne tiennent jamais compte de la résolution des Nations unies. Et les soldats indiens continuent de tuer des innocents en mettant ces exactions sur notre dos et en nous taxant de terroristes ! Qu’ils commencent par démilitariser la zone et après on verra !». Or, New Delhi a encore rappelé le 5 septembre qu’elle ne réduirait sa présence militaire au Cachemire indien que si la violence et les infiltrations de rebelles cessaient. Que si les activistes agissant au nom du Djihad déposaient les armes. Ce que refusent catégoriquement Geelani et son parti. «Tant que l’Inde ne démobilisera pas ses troupes, nous n’abandonnerons pas la lutte armée. Le Djihad n’est rien d’autre que le combat pour la liberté. Se libérer du joug indien, c’est ce que tous les cachemiris veulent. Donc nous combattons tous au nom du jihad», clament Rooz et ses membres.

L’indépendance est un «leurre»

Les «séparatistes modérés» de la Hurriyat sont heureusement plus conciliants. Mais conscients de l’obstacle à la paix que représente l’absence de consensus politique au Cachemire. «L’obstacle majeur à la résolution du conflit tient du fait qu’il n’y a aucun consensus entre les différents partis politiques. Il est grand temps pour tous ses leaders de définir des objectifs communs, quitte à modifier leur stratégie. Sans consensus, aucune paix n’est possible», regrette leur leader Mirwaiz Farooq, interlocuteur privilégié auprès de l’Inde et du Pakistan. Comme 80% de la population, il prône l’indépendance. Contrariant la position de New Delhi pour qui cette solution est inenvisageable. Sadiq Ali, secrétaire général du Parti du Peuple Démocratique élu dans l’état du Jammu et Cachemire en 2002, l’explique ainsi : «Ni l’Inde ni le Pakistan n’accorderont l’indépendance car le Cachemire est un couloir stratégique pour deux grandes puissances mondiales : la Chine et les États-Unis dont les implications économiques dans la région sont croissantes. New Delhi et Islamabad veulent donc en garder le contrôle. Et nous ne sommes pas non plus en faveur de la résolution des Nations unies car le Pakistan est une théocratie alors que l’Inde est séculaire. L’indépendance est un leurre... Je ne vois hélas pas de solution objective à ce conflit et dans dix ans, nous en serons certainement au même point».

Seulement, les Cachemiris ne veulent plus le rattachement à l’Inde et l’indépendance est pour eux seule solution possible pour mettre un terme à cette guerre entre l’Inde et le Pakistan. En témoigne Zahid, 32 ans, qui est imprimeur à Srinagar. «Depuis que je suis né, je n’ai vu que la guerre. Ma fille qui n’a que 6 ans est terrorisée par les militaires indiens qui chaque jour m’arrêtent pour contrôler mes papiers, prêts à dégainer leurs mitraillettes. Et elle a aussi peur des Pakistanais car l’une de ses amies à l’école est morte dans une explosion perpétrée par des militants islamistes soutenus par le Pakistan. Ainsi, comment voulez vous que la future génération qui décidera certainement  du sort du Cachemire prône le rattachement à l’Inde ou au Pakistan ? Ici, tout le monde veut la paix, c’est-à-dire la fin de la guerre : donc l’indépendance».

Et si les Cachemiris s’accordent à vouloir l’indépendance, ils réclament que leurs aspirations soient prises en compte par plébiscite, conformément à ce qu’avait prévu la résolution des Nations unies... mais où le choix de l’indépendance n’est pas mentionné. «Sauf à la demande de l’Inde et du Pakistan, on ne peut modifier cette résolution. Le problème est donc sans fin...», soupire Zahid, désolé. Face à de telles divergences, qu’attendre du dialogue entre l’Inde et le Pakistan en marge de ce sommet des Nations unies ?


par Pauline  Garaude

Article publié le 15/09/2005 Dernière mise à jour le 15/09/2005 à 12:13 TU