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Inde – Etats-Unis

Euphorie après l’accord sur le nucléaire

Longtemps considérée comme un paria en raison de son programme nucléaire clandestin, l’Inde est désormais acceptée comme un interlocuteur de premier plan dans les négociations internationales.(Photo : AFP)
Longtemps considérée comme un paria en raison de son programme nucléaire clandestin, l’Inde est désormais acceptée comme un interlocuteur de premier plan dans les négociations internationales.
(Photo : AFP)
Analystes et médias indiens se félicitent de l’accord « historique » signé jeudi avec Washington. Car s’il devrait permettre à l’Inde de renforcer ses capacités énergétiques, largement insuffisantes, il est aussi perçu comme une sorte de reconnaissance du statut de grande puissance auquel elle aspire tant.

De notre correspondant à New Delhi

« Nous avons créé l’Histoire », titre ce vendredi le Hindustan Times qui, comme tous les grands quotidiens indiens, consacre sa une à l’accord indo-américain sur le nucléaire civil et souligne que « M. Bush et le Premier ministre Manmohan Singh ont accompli un pas décisif pour mettre fin à trente ans de malaise (...) afin de jeter les bases d’un large partenariat ». Conclu hier par les deux chefs d’Etat, l’accord en question constitue une exception dans la législation internationale puisque l’Inde n’a jamais signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), ce qui lui interdit normalement toute assistance dans ce domaine. L’accord doit désormais être approuvé par le Congrès américain ce qui, en pleine crise iranienne, est loin d’être gagné. Hier, plusieurs congressistes ont d’ailleurs critiqué la décision de leur président, estimant qu’elle créait un dangereux précédent en matière de prolifération.

Pour l’heure, le contenu exact de l’accord n’a pas été rendu public, Manmohan Singh devant auparavant le présenter au Parlement, lundi prochain. Selon la presse, New Delhi aurait cependant accepté d’ouvrir aux inspections internationales l’intégralité de ses installations civiles – existantes ou futures -, tout en gardant au secret ses huit réacteurs à vocation militaire. Les deux programmes ayant toujours été développés conjointement, l’Inde a jusqu’en 2014 pour finaliser la séparation réclamée par Washington. En échange, les Etats-Unis se seraient engagés pour leur part à une « fourniture permanente » de combustible pour les réacteurs civils indiens. Le flou demeure cependant sur ce qui était devenu l’un des principaux points de discorde au cours des négociations : la question des surgénérateurs que les scientifiques indiens refusaient d’inscrire sur la liste des installations civiles bien qu’ils soient capables de produire du plutonium à usage potentiellement militaire. Selon les médias locaux, ils auraient finalement eu gain de cause, mais le sous-secrétaire d’Etat Nicholas Burns a affirmé hier que l’Inde s’était au contraire engagée à « mettre tous les surgénérateurs sous garantie ».

Révision des fondements géopolitiques de la région

Quoi qu’il en soit, le fait que George Bush ait signé constitue pour l’Inde un signe de reconnaissance inégalé. Non seulement parce qu’il scelle le rapprochement stratégique entamé ces dernières années avec les Etats-Unis, premier partenaire économique du pays, mais aussi parce qu’il lui accorde de facto un statut de grande puissance, tout au moins régionale. « La symbolique est énorme, c’est le début de la reconnaissance de l’Inde comme un pays avec lequel il faut compter sur la scène internationale », résume Udhay Bhaskar, du Institute for Defence Studies and Analyses, à New Delhi. « En offrant le même accès qu’à la Chine aux marchés nucléaires internationaux, et en le refusant au Pakistan, Bush vient d’un coup de revoir les fondements géopolitiques traditionnels de la région », poursuit l’analyste Raja Mohan dans les colonnes de l’Indian Express.

Pour un pays qui réclame depuis des années un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, l’accord constitue en effet une victoire colossale au niveau géopolitique. Longtemps considérée comme un paria en raison de son programme nucléaire clandestin, l’Inde est désormais acceptée comme un interlocuteur de premier plan dans les négociations internationales. Car si l’accord sur le nucléaire a été signé avec les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni ou encore la Russie avaient déjà déclaré qu’ils étaient en faveur de « l’exception indienne » au régime de non-prolifération.

Réduire la pollution

L’Inde est en effet unanimement jugée comme une « puissance nucléaire responsable » mais aussi en raison de son poids sur les marchés pétrolier : elle importe 70% de ses hydrocarbures, contribuant ainsi largement à la flambée du prix du baril sur le marché international. Le fait de développer le nucléaire devrait aussi réduire la quantité de pollution émise par ce géant en pleine croissance. Enfin, le pays représente un gigantesque marché pour les pays fournisseurs de nucléaire, notamment la France et les Etats-Unis.

En Inde, par contre, l’accord ne fait pas l’unanimité. Très attachés au statut traditionnel de Non-aligné de leur pays sur la scène internationale, les communistes, notamment, ne cachent pas leur mécontentement face au rapprochement en cours avec Washington. Bien qu’ils soutiennent le gouvernement de Manmohan Singh, ils ont d’ailleurs manifesté tout au long de la visite présidentielle au cri de « Bush, rentre chez toi ». Quant à l’accord proprement dit, ils craignent que les Américains ne s’en servent pour faire du chantage sur la politique étrangère indienne, notamment vis à vis de l’Iran, qui reste un allié énergétique de premier plan pour New Delhi.


par Pierre  Prakash

Article publié le 03/03/2006 Dernière mise à jour le 03/03/2006 à 12:09 TU

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Georges Le Guelte

Directeur de recherches à l'Iris et spécialiste des questions stratégiques nucléaires

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Jean-Luc Racine

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Bruno Tertrais

Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique

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[02/03/2006]

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