Inde - Etats-Unis
L’Inde courtisée
(Photo : AFP)
« Nous sommes très impressionnés par les progrès que votre pays accomplit, monsieur le président, et beaucoup de ces progrès sont le résultat de votre leadership ». C’est ainsi que George W. Bush a complimenté le président Hamid Karzai, à l’occasion d’une conférence de presse, à Kaboul. « Dans le monde entier », a encore indiqué le président américain, « les gens regardent l’expérience qui se déroule ici, en Afghanistan. J’espère que le peuple afghan comprend que la démocratie est en marche ici ». Le président américain a profité de son voyage en Inde et au Pakistan pour faire une visite éclair à Kaboul et y inaugurer la nouvelle ambassade américaine.
Le président Bush a profité de son étape dans ce pays pour redonner la position américaine concernant cette région du monde. A Kaboul, il a dit qu’il avait confiance qu’Oussama ben Laden allait passer en justice. «J’ai bon espoir de le voir déférer devant la justice. Nous avons des forces américaines qui traquent non seulement ben Laden mais tous ceux qui travaillent et complotent avec ben Laden. Il y a des forces afghanes qui traquent non seulement ben Laden mais tous ceux qui travaillent et complotent avec ben Laden et nous avons aussi des forces pakistanaises à la traque », a insisté le chef de l’Etat américain.
Pour la première fois depuis la chute des talibans, le président américain s’est rendu en Afghanistan pour y rencontrer son homologue afghan et le contingent américain déployé dans le pays. Dans son allocution, George Bush a également parlé de l’Iran. Il « ne doit pas posséder l’arme nucléaire. La chose la plus déstabilisatrice qui puisse arriver dans cette région et dans le monde, serait que l’Iran développe l’arme nucléaire », soulignant que sur cette question, « le monde parle d’une seule voix ».
Les bonnes relations Inde-Iran
Sur cette question, le président américain aura davantage de mal à convaincre à New-Delhi où il commence jeudi sa visite officielle. Car les relations sont plutôt bonnes entre l’Inde et l’Iran. Il y a trois ans, les deux pays ont signé un accord de coopération avec un volet énergie et un autre, militaire. Et si le président américain va essentiellement parler de nucléaire, civil et militaire, l’Inde n’a pas attendu cette visite officielle pour trouver de nouvelles ressources énergétiques. L’accord Inde/Iran de 2003 a prévu, sur 25 ans, la livraison de 7,5millions de tonnes de gaz naturel liquéfié iranien. Il est également question de construire un gazoduc entre les deux pays mais le passage par le Pakistan pose problème à Inde. Et le coût du projet sous-marin reste dissuasif.
Lors de l’été 2005, lorsque le Premier ministre indien a effectué une visite officielle aux Etats-Unis, un institut américain spécialisé dans l’énergie et dirigé par un scientifique indien, disait, dans une interview diffusée sur Internet : « dans les choix stratégiques qu’elle a à faire, l’Inde doit choisir l’Iran, pas les Etats-Unis ».
L’été dernier, le chef du gouvernement indien était en effet à Washington. Et contre toute attente, il obtenait une grande concession des Etats-Unis. L’Inde n’a pas signé le Traité de non prolifération nucléaire (TNP) et a effectué des essais nucléaires. Elle subit donc un boycott international sur la fourniture de combustible nucléaire et sur d’autres produits industriels de ce secteur. Il y a quelques mois donc, l’administration Bush s’engageait donc à lever les obstacles à ce commerce, malgré l’interdit posé par la loi américaine et l’impossibilité de négocier dans le cadre du TNP.
Nucléaire politique, ou économique
Cette ouverture américaine au nucléaire indien est assortie de conditions : l’Inde doit dissocier ses installations nucléaires civiles et militaires et placer ces dernières sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA). Washington et Delhi négocient depuis des mois les noms des installations qui doivent figurer sur cette liste. Les négociations semblent achopper sur deux sites capables de produire du plutonium à usage militaire.
« On n’arrivera à un compromis que si les Américains n’insistent pas pour imposer leurs conditions à eux », commentait mercredi matin, dans le quotidien français Le Figaro, Bharat Karnad, l’un des chercheurs indiens les plus réputés dans le domaine du nucléaire. Et il indiquait que les sanctions imposées par la majorité des puissances nucléaires ont été stimulantes pour les chercheurs de son pays. « On nous parle aujourd’hui de la possibilité de rentrer dans le rang grâce à Washington. Mais nous n’en avons pas besoin. L’Ouest devrait au contraire nous imposer encore davantage de sanctions. C’est cela qui nous a aidé à développer notre programme nucléaire indépendant. C’est grâce à ces sanctions que nous sommes aujourd’hui totalement autosuffisants ».
Pendant son voyage officiel en Inde, George W. Bush doit également rencontrer des chefs d’entreprises américains et indiens. Vendredi, il se rendra à Hyderabad, l’une des villes du sud du pays spécialisée dans l’informatique et les hautes technologies dont les prix de revient attirent de nombreuses entreprises. Sur un plan commercial, les échanges ont fortement augmenté ces dernières années entre les deux pays mais pour les Américains, il reste du potentiel à exploiter.
Samedi, le président Bush finira son voyage officiel en passant une journée au Pakistan. Comme en Inde, la question du Cachemire sera certainement abordée. Les deux puissances se disputent ce territoire depuis la partition de l’Inde, en 1947. Mercredi, comme en écho au discours du président américain parlant d’Al-Qaïda à Kaboul, l’armée pakistanaise lançait une opération dans une zone tribale, à la frontière de l’Afghanistan. Les services de sécurité pakistanais annonçaient avoir tué ou blessé une trentaine de militants islamistes présumés. Bon nombre d’experts estiment qu’Oussama ben Laden, le chef d’Al Qaïda, se cache dans cette région très isolée.
par Colette Thomas
Article publié le 01/03/2006 Dernière mise à jour le 01/03/2006 à 17:01 TU