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Bosnie

Impossible changement ?

Durant une campagne très violente, les partis politiques ont ressorti la rhétorique nationaliste et belliqueuse. Certains appellent pourtant à une « révolution citoyenne» pour sortir la Bosnie de sa dangereuse léthargie. Les électeurs doivent renouveler la présidence collégiale du pays -composée d’un membre bosniaque, un membre serbe et un membre croate -, mais aussi le Parlement de l’Etat central, ceux des deux  «entités», la Republika Srpska et la Fédération croato-bosniaque de Bosnie, et les Assemblées des dix cantons de la Fédération. Au total, 33 partis et près de 4 000 candidats vont briguer les suffrages de 2,7 millions d’électeurs.
De notre correspondant à Sarajevo

La Bosnie-Herzégovine est composée de deux «entités» : la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska (la République Serbe). 

		(Carte : Nicolas Catonné / RFI)
La Bosnie-Herzégovine est composée de deux «entités» : la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska (la République Serbe).
(Carte : Nicolas Catonné / RFI)

Les électeurs doivent renouveler la présidence collégiale du pays composée d’un membre bosniaque, un membre serbe et un membre croate, mais aussi le Parlement de l’Etat central, ceux des deux  «entités», la Republika Srpska et la Fédération croato-bosniaque de Bosnie, et les Assemblées des dix cantons de la Fédération. Au total, 33 partis et près de 4 000 candidats vont briguer les suffrages de 2,7 millions d’électeurs. Depuis les accords de paix de Dayton, signés en décembre 1995, la Bosnie-Herzégovine peut se targuer d’avoir les institutions les plus compliquées du monde. Les électeurs se sont habitué à ce véritable gymkhana électoral, mais la Bosnie semble toujours condamnée à la stagnation politique.

Il y a un an, la réforme des institutions prévues par les accords de Dayton était à l’ordre du jour, mais tout a échoué à cause de l’intransigeance des partis nationalistes. Ces réformes sont pourtant exigées par l’Union européenne pour poursuivre le processus de rapprochement de la Bosnie, timidement amorcé en décembre 2005 avec la signature d’un accord d’association et de partenariat. L’Europe exige notamment l’unification des forces de police. Les complexes institutions du pays sont, de toute manière, incompatibles avec une perspective d’intégration.

Le débat politique se réduit pourtant, comme toujours depuis dix ans, à l’alternative entre le renforcement de l’Etat central ou celui des compétences deux entités. Alors que certaines formations bosniaques, comme le Parti pour la Bosnie-Herzégovine de l’ancien Premier ministre Haris Silajdzic, font campagne pour la création d’un Etat unitaire, le Premier ministre de la Republika Srpska, Milorad Dodik, réputé «modéré», exige désormais un référendum d’autodétermination qui pourrait se solder par une sécession de cette entité et son rattachement à la Serbie.

Les vieux démons

Le Parti social-démocrate (SDP), qui a participé au pouvoir de 2000 à 2002, essaie de proposer une alternative citoyenne « bosnienne » , mais il aura du mal à mordre sur les électorats mobilisés par les partis nationalistes. Les compromissions de ce parti avec les formations nationalistes et les accusations de corruption ont beaucoup altéré sa crédibilité. De nombreux incidents ont émaillé la campagne : profanation de la tombe de l’ancien Président Izetbegovic, attaques de mosquées ou d’églises, bagarres dans un stade durant un match de football à Zvornik le week-end dernier… Une surprise pourrait peut-être venir des jeunes, dont la participation a été extrêmement faible lors de tous les derniers scrutins. Cette année, plusieurs organisations mènent de vigoureuses campagnes pour les convaincre de prendre part au vote et de faire entendre leur voix. Ces organisations ont également interpellé les partis sur leurs propositions à l’égard de la jeunesse, mais sans obtenir de réponses bien concrètes. Alors que le taux de chômage officiel flirte toujours avec la barre de 50% des actifs, les jeunes n’ont pas d’autre choix que de rêver d’exil en Europe occidentale.

Dans ce contexte délétère, certains n’ont pas hésité à recourir à des moyens radicaux pour tenter de faire entendre l’exaspération des citoyens. Mercredi, quatre activistes d’une ONG de Kakanj, en Bosnie centrale, ont aspergé de peinture la façade de la Présidence de la République, à Sarajevo. Ils ont été très violemment maîtrisés par des policiers visiblement mal préparés à une telle « attaque». Jeudi matin, près de 400 personnes se sont rassemblées pour affirmer leur soutien à ces jeunes et exiger leur libération. La presse fait depuis ses gros titres sur l’amorce d’une «révolution colorée» en Bosnie.

Cependant, la campagne électorale a, une nouvelle fois, poussé à l’extrême les réflexes communautaires, surtout dans les zones rurales. Les partis nationalistes appellent «les leurs»  à voter massivement, en agitant le risque d’une forte participation électorale des autres communautés, qui pourrait modifier les équilibres ethnico-politiques dans les différentes institutions du pays. «Cette campagne électorale est la plus mauvaise depuis le retour à la paix, il y a onze ans. Tous les partis ont repris le langage de la haine, exactement comme à la veille de la guerre», assure Srdjan Dizdarevic, le dirigeant du Comité Helsinki pour les droits de la personne de Bosnie.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 30/09/2006 Dernière mise à jour le 30/09/2006 à 14:03 TU