Corée du Nord
Emoi international au sujet d’un essai
(Photo: AFP)
Mardi, politisant au maximum le motif de l’expérience, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères indiquait que la Corée du Nord avait l’intention de procéder à un essai nucléaire : «La menace extrême d’une guerre nucléaire conduite par les Américains, ainsi que les sanctions et pressions, contraignent la Corée du Nord à procéder à un essai nucléaire, une étape essentielle pour renforcer la dissuasion nucléaire, en vue d’une autodéfense».
Au lendemain de cette annonce qui a déstabilisé nombre de pays de cette région et suscité de l’inquiétude un peu partout dans le monde, la Corée du Sud l’a indiqué : elle sera très vite en mesure de dire si la Corée du Nord, a procédé à cet essai. Séoul a construit des installations de surveillance sophistiquées, près de la frontière. «Nous avons installé huit postes d’observation près de la frontière intercoréenne pendant les quatre ou cinq dernières années», a précisé le responsable du Centre de recherche en sismologie de Corée du Sud.
Si la Corée du Nord réalise un essai nucléaire souterrain comme elle en a l’intention, l’explosion provoquera des ondes sismiques. Elles seront détectées et enregistrées comme les vibrations d’un tremblement de terre. Cinq à dix minutes après la mise à feu, les scientifiques sud-coréens connaitront la force de l’explosion et pourront la localiser. «Il faudra ensuite quelques heures pour déterminer si ces ondes sont naturelles ou ont été provoquées par un essai nucléaire. Mais on ne peut pas mener un essai nucléaire souterrain sans que cela soit détecté», a encore expliqué M. Chi, le patron du centre de recherche. D’autres appareils, capables de mesurer la radioactivité seront utilisés, ainsi que des satellites.
La Corée du Sud observe
L’analyste d’un institut sud-coréen spécialisé dans les questions de défense a, de son côté, indiqué que son pays surveillait actuellement deux tunnels. Il a toutefois refusé d’en dire plus. Récemment, un député sud-coréen avait donné des précisions concernant l’un de ces tunnels. Il avait indiqué que l’un des deux a été construit au nord-est du pays, au Mont Mantap, à 17 kilomètres de Punggye-Yok. Autre information donnée par Chung Hyung-Keun : la configuration de ce tunnel laisse penser qu’il a été construit en vue d’un essai nucléaire. En plus, des satellites ont permis de voir des mouvements de véhicules et le déchargement de câbles sur ce site.
Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères est moins alarmiste. Pour lui, aucune activité inhabituelle n’a été observée sur les sites nord-coréens susceptibles de servir à l’expérience. Séoul a tout de même menacé de geler son assistance économique à Pyongyang. En juillet dernier, cette aide financière s’élevant à plusieurs dizaines de milliers de dollars, avait déjà été suspendue après les tirs de missiles effectués par l’armée nord-coréenne. Mais cette aide avait très vite repris. Cette fois, estiment les observateurs, la Corée du Sud pourrait être moins indulgente. «Nous ne pourrons pas poursuivre l’aide économique si la Corée du Nord mène un essai nucléaire», a averti le ministre sud-coréen de l’Unification, Lee Jong-Seok. Choo Kyu-Ho, son collègue des Affaires étrangères, a été plus catégorique : «Le gouvernement sud-coréen ne tolérera pas la possession d’armes nucléaires par la Corée du Nord».
Comme en juillet dernier après les tirs de missiles, l’inquiétude est générale dans cette région du monde. Même du côté des alliés traditionnels de Pyongyang, on appelle à la «retenue». C’est le cas notamment de la Russie. Le ministre de la Défense, appelant, en plus, à la «responsabilité». Sergueï Ivanov a par ailleurs déclaré que «de tels essais, s’ils avaient lieu, pourraient occasionner des dommages à la Russie». Elle possède en effet une étroite frontière avec la Corée du Nord.
La Chine est probablement le pays le plus embarrassé par l’annonce nord-coréenne. Elle aussi appelle Pyongyang à la «retenue». Pékin fournit une aide alimentaire et une aide énergétique à la Corée du Nord. Bon nombre d’analystes estiment que seule la Chine est susceptible de faire revenir son alliée sur sa décision de réaliser cet essai.
En juillet dernier, lorsque les militaires nord-coréens avaient testé leurs missiles en direction du Japon, ce pays avait tout à la fois montré son inquiétude et menacé la Corée du Nord. Par la suite, la tension était retombée. Elle est à nouveau à son comble et tombe au moment où le Japon cherche à renouer des liens avec la Chine et la Corée du Sud. Le nouveau Premier ministre Shinzo Abe se rend successivement dans ces deux pays, les 8 et 9 octobre prochains. Dimanche, Shinzo Abe va rencontrer le président Hu Jintao et son homologue chinois, Wen Jiabao. Le lendemain lundi, le Premier ministre japonais sera à Séoul pour un sommet avec le président Roh Moo-Hyun.
Des raisons pour le Japon de se réarmer
La Chine et la Corée du Sud ont suspendu leurs sommets bilatéraux avec le Japon en raison des visites de Junichiro Koizumi, le précédent chef de gouvernement japonais, au sanctuaire du Yasukuni, haut-lieu du nationalisme nippon. Avant d’arriver au pouvoir, Shinzo Abe avait tenté d’apaiser la controverse. Il irait peut-être en pèlerinage au Yasukuni, mais dans la discrétion et à titre privé, à la différence de Junichiro Koizumi.
Ces contacts reprennent parce que le nouveau Premier ministre japonais subit la pression des milieux d’affaires de son pays. Ils souhaitent que les relations politiques s’améliorent avec la Corée du Sud et la Chine, cette dernière étant le premier partenaire commercial des entreprises nippones. C’est donc dans un climat de crise que Shinzo Abe va effectuer cette mini-tournée régionale. S’exprimant devant le Parlement de son pays au sujet du possible essai nord-coréen, le chef du gouvernement japonais a déclaré que «l’annonce de la Corée du Nord est extrêmement regrettable. Si elle ose le faire, cela ne lui sera jamais pardonné».
Cette escalade des tensions en Asie de l'Est pourrait du même coup donner des arguments au Japon pour faire accepter à la communauté internationale sa volonté de se réarmer. Avant même sa nomination à la tête du gouvernement, Shinzo Abe avait fait part de ses intentions : réviser la Constitution de 1947 pour donner à son pays la possibilité de se défendre. La défaite de la Seconde Guerre mondiale fait maintenant partie de l’histoire. Désormais, le Japon veut son armée, pouvoir effectuer des frappes préventives et participer à des opérations de «défense collective». Et justement, Chinois et Coréens du Sud avaient fait part de leurs craintes face à la résurgence du militarisme japonais dont ils ont souffert par le passé.
Les relations entre la Corée du Nord et le reste de la communauté internationale ont toujours été houleuses. Et malgré les efforts de la Chine, la Corée du Nord boude les négociations la concernant. Menés à six (Chine, Etats-Unis, Russie, Corée du Nord, Corée du Sud et Russie), ces pourparlers sont censés éloigner la menace de frappes américaines sur la Corée du Nord, classée par Washington sur «l’axe du mal». Depuis près d’un an, ces discussions sont gelées. En juillet dernier, après les tirs de missiles dont les plus puissants sont susceptibles d’atteindre l’Alaska, la Chine s’était pour la première fois associée au vote d’une résolution onusienne condamnant le régime de Pyongyang. En 2005, la Corée du Nord s’est proclamée puissance nucléaire et depuis, elle entretient le doute sur ses capacités technologiques dans ce domaine.
par Colette Thomas
Article publié le 04/10/2006 Dernière mise à jour le 04/10/2006 à 17:06 TU