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Corée du Nord

Pyongyang montre ses muscles

Manifestation à Séoul contre les tirs de missiles effectués par la Corée du Nord. 

		(Photo : AFP)
Manifestation à Séoul contre les tirs de missiles effectués par la Corée du Nord.
(Photo : AFP)
La communauté internationale est préoccupée par la volonté de puissance affichée par la Corée du Nord. Mercredi, les militaires ont procédé à plusieurs tirs de missiles, dont un de longue portée susceptible d’atteindre les Etats-Unis.

Selon des informations données par des militaires russes, la Corée du Nord a tiré dix missiles. Ils ont été repéré par les systèmes russes d’alerte anti-missiles balistiques. « Nos systèmes de contrôle nous permettent de confirmer que des missiles ont été tirés », a déclaré à la presse le général Iouri Balouevski, cité par l’agence de presse russe Interfax. « Dix missiles ont été tirés. Selon certaines données dont nous disposons, il s’agissait de projectiles de modèles différents. Mais d’après d’autres données, il n’y avait que des missiles intercontinentaux », a précisé le général russe actuellement en voyage à Tchita, près de la frontière mongole. 

La Corée du Nord n’a pas confirmé les informations données par des systèmes d’alerte étrangers. A Pyongyang, un responsable du ministère des Affaires étrangères a cependant déclaré à des journalistes japonais que « la décision de lancer des missiles concerne notre souveraineté et personne n’a le droit de nous dire si cela est bien, ou pas ».

Selon les Etats-Unis et le Japon, la Corée du Nord a tiré sept missiles. Les militaires américains ont indiqué que ces tirs n’ont pas représenté de menace pour le territoire américain (en particulier l’Alaska) et que le système de défense antimissiles n’a « pas été utilisé ». Six des missiles étaient à courte portée, le septième, un Taepodong-2, pouvait, théoriquement, atteindre une cible située à 6 700 kilomètres comme le territoire nord-ouest américain ou Hawaï. Selon la Corée du Sud, ce missile de longue portée s’est perdu en mer après 40 secondes de vol. Les autres se sont également abîmés en mer.

Depuis plusieurs semaines, la communauté internationale s’attendait à ce que la Corée du Nord effectue ce genre de test. Elle n’en avait pas réalisé depuis 1998. A l’époque, le Japon avait fermement critiqué Pyongyang, s’estimant très exposé aux missiles nord-coréens à courte portée. Lorsque la rumeur a couru le mois dernier que les techniciens étaient en train de remplir les réservoirs des engins et que des lancements étaient imminents, Tokyo s’était montré menaçant. Cette fois, le Japon a immédiatement saisi le Conseil de sécurité des Nations unies. Des mesures de rétorsion ont également été décidées. Certaines étaient déjà en préparation car, le 16 juin, le Parlement japonais a adopté un projet de loi recommandant des sanctions économiques à moins que la Corée du Nord n’améliore la situation des droits de l’homme dans le pays. Autre condition pour éviter les sanctions : régler le dossier des Japonais enlevés par des agents nord-coréens.

Les premières sanctions japonaises

Si le Japon met en œuvre des sanctions économiques, elles pourraient coûter plus d’un milliard de dollars par an à la Corée du Nord. Mais si le Japon a élevé une « vive protestation » et s’est engagé à « coopérer avec les Etats-Unis de façon à ce que le Conseil de sécurité des Nations unies prenne des mesures appropriées », Junichiro Koizumi a toutefois estimé que la crise ne pourrait se régler sans dialogue. Le Premier ministre japonais est le partisan déclaré d’une politique de « carotte et de bâton » à l’encontre de la Corée du Nord.

Tout de suite, le Japon a pris des mesures concrètes. Les diplomates nord-coréens en poste à Tokyo ont été déclarés persona non grata. Les vols charters entre le Japon et Pyongyang sont supprimés. Un ferry nord-coréen, qui faisait la navette entre les deux pays, n’a plus l’autorisation de se rendre au Japon pendant six mois. Cette interruption du trafic pourrait avoir des répercussions sur l’approvisionnement de la population nord-coréenne.  Le « Man Gyong Bong-92 » était par ailleurs soupçonné, par les autorités japonaises, de faire de la contrebande et de l’espionnage à l’occasion de ses trajets.

La Corée du Sud est également inquiète du déploiement de force de son voisin du nord. Après ces tirs de missiles, Séoul a averti que la Corée du Nord « devrait être tenue responsable de toutes les conséquences » de ces tirs, a indiqué Suh Choo-suk, conseiller présidentiel pour la sécurité. Un autre responsable sud-coréen a évoqué la possibilité d’un arrêt de l’aide humanitaire destinée à la Corée du Nord alors qu’elle souffre d’une pénurie chronique en produits alimentaires. Cette année, Pyongyang a d’ailleurs demandé à Séoul de lui fournir 500 000 tonnes de riz, une demande à laquelle la Corée du Sud n’a pas encore répondu. Elle était devenue l’un des principaux alliés de son voisin du nord, les deux pays ayant entamé, ces dernières années, un processus de rapprochement.

Réaction de la Russie

La Russie, l’un des rares pays ayant des relations avec la Corée du Nord, a condamné les tirs de missiles effectués mercredi. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé que « ce genre d’action complique singulièrement la situation créée par le programme nucléaire nord-coréen ». L’ambassadeur a été convoqué pour donner « des explications » au vice-ministre des Affaires étrangère chargé de l’Asie. Moscou a par ailleurs fait part de sa « sérieuse préoccupation », appelant Pyongyang « à la retenue et au respect des engagements pris dans le domaine des missiles ». La Corée du Nord revendique la possession de l’arme atomique depuis 2003 et s’est retirée du Traité de non prolifération (TNP).

Après une journée de silence, le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi à travers un communiqué. « Nous sommes très préoccupés par ce qui s’est passé. Nous espérons que les parties concernées conserveront leur calme et feront preuve de retenue », indique ce communiqué.

Le Pentagone a confirmé le tir d’un septième missile. « C’était un missile de type Scud et il s’est abîmé », a déclaré un porte-parole. Les Etats-Unis ont par ailleurs fait part de leur « ferme condamnation ». La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice s’est entretenue au téléphone avec plusieurs responsables en Asie. Son secrétaire d’Etat adjoint chargé des affaires asiatiques doit se rendre sur place pour décider, avec les partenaires de Washington, de la suite des événements.

« A court terme, les Etats-Unis vont réagir avec colère mais ils vont se rendre compte que la seule solution à long terme est d’avoir des pourparlers directs avec la Corée du Nord ». Un expert de l’Institut d’études politiques Sejong, à Séoul, estime que ces essais de missiles ont pour but d’attirer l’attention des Etats-Unis et « de contraindre Washington à modifier sa politique face au programme d’armement nucléaire de Pyongyang et face à ses missiles ».

L’Union européenne, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Indonésie, ont condamné ces essais de missiles.  



par Colette  Thomas

Article publié le 05/07/2006Dernière mise à jour le 05/07/2006 à TU

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Valérie Niquet

Directrice du Centre Asie à l'IFRI (l'Institut français des relations internationales)

«Le régime [nord-coréen] est de plus en plus isolé et ne peut plus compter aujourd’hui que sur le soutien de la République populaire de Chine.»

[05/07/2006]

Marc Seleden

Responsable du département des études est-asiatiques à l'université américaine de Cornell

«Une fois qu’un pays est parvenu à tester les armes nucléaires, il se trouve plus respecté par la communauté internationale…»

[05/07/2006]

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