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Corée du Nord

Chantage au missile

La Corée du Nord (en rouge) pourrait procéder à un nouvel essai de missile. 

		(Carte : RFI)
La Corée du Nord (en rouge) pourrait procéder à un nouvel essai de missile.
(Carte : RFI)
La Corée du Nord serait sur le point de tester un missile de longue portée. Des images satellites l’ont révélé et depuis une intense activité diplomatique s’est déployée pour essayer de dissuader Pyongyang de procéder à ce tir. Les opérations de remplissage de carburant ayant été effectuées, il semble peu probable, selon les spécialistes, que la Corée du Nord renonce à ce test.

Les militaires ont fini de remplir le missile en carburant et comme « l’alimentation d’un missile en carburant est généralement considérée comme une étape irréversible », tout laisse à penser que l’armée nord-coréenne est sur le point de procéder à un nouvel essai. C’est ce qu’écrivait dimanche le quotidien américain New York Times sur son site Internet.  

Des images satellites ont montré récemment un regain d’activité à proximité d’un site de lancement, à Musudan-ri, au nord-est du pays. Il se situe face à la mer du Japon. Les experts estiment que ce missile balistique Taepodong-2 est capable d’atteindre les Etats-Unis, grâce à sa portée de 3 500 à 6 000 kilomètres.

Washington a aussitôt mis Pyongyang en garde sur le regain de tension que produirait ce test militaire. Concernant un possible recul ou report, des responsables américains s’exprimant sous couvert d’anonymat ont fait savoir qu’ils n’y croyaient pas. Il est peu probable que les techniciens reviennent en arrière car une fois la délicate opération de remplissage effectuée, il est encore plus difficile de vider le carburant de l’engin.

Un missile est propulsé avec le même carburant que celui des fusées. Le moteur, lui aussi, est du même type que celui d’un véhicule spatial. Et pour chaque missile, un moteur est nécessaire. Il faut donc disposer de la technologie spatiale pour effectuer ce genre d’expérience militaire.

Selon l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, la Corée du Nord fête ce lundi l’anniversaire de la prise de fonction de Kim Jong-II au sein du Parti des travailleurs, au pouvoir. Il y a 42 ans, il arrivait au Comité central du Parti. Pour sa part, la chaîne câblée sud-coréenne YTN a indiqué que « s’il (le tir) n’intervient pas avant mardi, aucun tir n’aura lieu ». La chaîne s’appuie sur des informations provenant de sources diplomatiques ou de renseignement à Séoul, Tokyo et Washington. Les deux médias sud-coréens n’ont cependant pas affirmé, ni l’un ni l’autre, que le remplissage du missile en combustible a été effectué.

Le Japon le premier concerné

Les rumeurs concernant cet essai de Taepodong-2, missile dont le but est d’atteindre une cible située à plusieurs milliers de kilomètres du pas de tir, a suscité des réactions de la communauté internationale, et en premier lieu du Japon. En moins de 48 heures, Tokyo a lancé trois mises en garde à Pyongyang. « J’espère encore que la Corée du Nord ne fera rien de tel. Mais si elle ne nous écoute pas, si elle tire un missile, le Japon n’aura d’autre choix que de mettre en œuvre une riposte vigoureuse en liaison avec les Etats-Unis ». Le Premier ministre Junichiro Koizumi s’est montré menaçant sans toute fois préciser quel type de riposte il envisageait.

« Tout en coopérant avec les Etats-Unis et la Corée du Sud, le Japon a exhorté la Corée du Nord, par des canaux divers, à ne pas lancer de missile », a encore indiqué le chef du gouvernement japonais. Dimanche, son ministre des Affaires étrangères avait déjà indiqué qu’en cas de tir, « nous saisirons immédiatement les Nations unies. C’est automatique et nous aurons le soutien des Etats-Unis ». Taro Aso avait par ailleurs déclaré que la chute, même accidentelle d’un missile nord-coréen sur le Japon serait considérée par Tokyo comme « une attaque ». Un peu plus tard, le chef de la diplomatie japonaise avait toute fois modéré ses propos précisant qu’une chute « accidentelle » du missile nord-coréen sur le territoire japonais ne conduirait pas forcément à des représailles.

Des contacts tous azimuts

Aux Etats-Unis, des responsables du département d’Etat ont eu des entretiens téléphoniques avec des délégués nord-coréens en poste aux Nations unies, à New York. Ce genre de contacts est très rare. Pendant le week-end, la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice a demandé à Pékin de faire pression sur Pyongyang pour que ce missile ne soit pas lancé. La Corée du Nord a répondu à l’occasion d’un meeting du parti communiste où le rapport d’un haut responsable du parti était présenté. Washington a été accusé de « s’obstiner dans ses provocations vers une guerre d’agression. Si l’ennemi commence la guerre, l’armée et le peuple coréens élimineront sans pitié les agresseurs », indiquait ce rapport, dont les propos ont été rapportés par l’agence de presse officielle KCNA.     

Souhaitant sans aucun doute faire monter la tension d’un cran, la Corée du Nord s’est félicitée, lundi, d’avoir lancé en 1998 le missile de longue portée Taepodong-1. L’engin militaire, capable de viser une cible située à 2 000 kilomètres de sa rampe de lancement, avait plongé dans l’océan Pacifique après avoir volé au-dessus du Japon. Si la Corée du Nord se félicite aujourd’hui d’avoir testé cette arme il y a huit ans, à l’époque ce geste militaire avait provoqué une crise internationale. Depuis, le Japon a lancé un programme de recherche, en partenariat avec les Etats-Unis, pour mettre au point un système de défense antimissile. Ce bouclier, qui comprendra des systèmes de détection et des missiles d’interception, devrait commencer à se déployer fin 2006 ou début 2007.

L’Australie, l’un des rares pays occidentaux à avoir des relations diplomatiques avec la Corée du Nord, a convoqué lundi l’ambassadeur nord-coréen à Canberra. L’Australie, qui pourrait elle aussi être atteinte par le missile intercontinental nord-coréen, a averti l’ambassadeur que cet essai aurait de « sérieuses conséquences ». Pour le ministère australien des Affaires étrangères, « un tel geste serait hautement provocateur et aurait pour effet d’isoler davantage la DPRK (République populaire démocratique de Corée) », indique le communiqué de Canberra.

En mars 2005, Pyongyang a mis fin à son moratoire concernant le lancement de missiles à longue portée, moratoire décidé en 1999. Toujours l’année dernière, la Corée du Nord a déclaré posséder des armes nucléaires. En ce moment, les discussions internationales concernant ce programme sont dans l’impasse. Cinq pays (Etats-Unis, Corée du Sud, Japon, Russie et Chine) tentent depuis trois ans de convaincre le régime nord-coréen de renoncer à ses ambitions dans ce domaine. Pyongyang ne veut rien entendre tant que les Américains ne lèveront pas leurs sanctions économiques.

Le regard des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine sur le cas nord-coréen, les craintes de ses voisins face à cette volonté de puissance, présentent des similitudes avec le scénario iranien. Pour le moment, le New York Times précise encore que les Américains connaissent peu de chose de Taepodong-2 même s’ils viennent d’en augmenter la portée estimée. A travers l’interview d’un expert en défense, le quotidien américain indique également qu’en Corée du Nord, les militaires réclament certainement au pouvoir politique le feu vert à la réalisation de cet essai. Le précédent tir a eu lieu il y a huit ans. Les militaires veulent probablement faire un test pour vérifier l’efficacité de leur technologie. S’il a lieu, il sera suivi d’un autre test, celui des rapports de force diplomatiques.

 



par Colette  Thomas

Article publié le 19/06/2006Dernière mise à jour le 19/06/2006 à TU