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Algérie

«Indigènes», le flash historique

L’acteur Jamel Debbouze entouré des anciens combattants marocains à Casablanca. Les autorités algériennes lui ont refusé le visa d’entrée en Algérie pour assister à la présentation du film <em>Indigiènes</em>. 

		(Photo : AFP)
L’acteur Jamel Debbouze entouré des anciens combattants marocains à Casablanca. Les autorités algériennes lui ont refusé le visa d’entrée en Algérie pour assister à la présentation du film Indigiènes.
(Photo : AFP)
Le film de Rachid Bouchareb projeté lors de trois séances spéciales en avant-première a reçu à Alger un accueil positif. Au-delà de tout débat que peut susciter un long métrage à caractère historique, il participe du travail de mémoire qui s’amorce très laborieusement, notamment en Algérie.

De notre correspondant à Alger

La presse, les officiels, puis les anciens combattants et des lycéens qui l’ont vu y ont été sensibles. Aucun responsable n’y a réagi publiquement, mais tous les autres spectateurs l’ont apprécié. Les jeunes du lycée International d’Alger (français) ont découvert une réalité qu’ils ignoraient et qui ne figure pas dans leurs manuels d’histoire. Ils ont chaudement applaudi l’œuvre à la fin de sa projection. Pendant, ils étaient plongés dans le fil de la reconstitution de Rachid Bouchareb. Ils ont trouvé un Jamel Debbouze grave dans le rôle du soldat Saïd obligé de défendre sa peau, et comique dans quelques scènes. Le film les a captivé, peut être autant que la trentaine d’anciens combattants algériens sur les 300 qui ont pu répondre à l’invitation du service culturel de l’ambassade de France à Alger. Tous octogénaires, souvent invalides ou affaiblis par le poids des années, ils ont été replongés dans un passé rarement évoqué en Algérie. A la fin de la projection, ils avaient l’air assommés, mais tous étaient satisfaits de la reconstitution de ces tragiques moments d’Histoire.

«Il était temps !», a clamé Tahar Mesbah, le plus vivace d’entre eux. «Et dire qu’à ma démobilisation on m’a juste donné un bon de 15 kilos d’orge», s’est-il remémoré avec un sourire sarcastique. Tous ont apprécié que leur situation sociale soit enfin révisée, mais tous comme Tahar Mesbah ont aussi déploré que cette évocation soit si tardive. En fait, ce passé n’a jamais été assumé par l’Algérie indépendante. Très vraisemblablement parce qu’à la libération, en Algérie coloniale, les manifestations du 8 mai 1945 furent réprimées dans le sang. Ce pan de l’histoire était mal vécu ou mal perçu par la vox populi et carrément tabou au niveau officiel. Les pensionnés militaires algériens rasaient les murs et aucun n’osait se prévaloir de sa contribution à la défaite du nazisme. Indigènes les réhabilitent tant du côté français que du côté algérien.

Jamel Debbouze, indésirable à Alger

De ce côté-là, sur le plan du travail de mémoire, beaucoup reste à faire. Le président Bouteflika avait ouvert une voie dans cette direction en juin 2000 lorsqu’il s’était rendu au cimetière de Verdun ou reposent, entre autres, des Algériens qui avaient participé à la Première Guerre mondiale. Son geste symbolique est demeuré sans relais dans son pays. D’ailleurs, la mémoire collective à travers le cinéma est cruellement indigente, y compris sur la guerre d’indépendance. La filmographie nationale se résume à une peau de chagrin. De ce point de vue, localement, Indigènes occupe un vide béant. Pour les Algériens en majorité âgés de moins de 30 ans, c’est juste un flash historique insuffisant pour structurer une mémoire anémique. Ils prendront Indigènes tel qu’il est même si, au plan factuel, il a omis de montrer que de nombreux conscrits ont été contraints ou se sont engagés par nécessité sociale. Les autorités habituellement chatouilleuses sur la dignité de leurs concitoyens ont fermé l’œil sur cet oubli. Mais – indice de leur ordre de leurs priorités - elles ont été intraitables avec le comédien marocain Jamel Debbouze.

Quelques journaux ont déploré qu’elles lui aient refusé le visa d’entrée en Algérie pour assister à la présentation du film et qu’elles n’aient pas fait le distinguo entre l’artiste et sa position favorable à la thèse marocaine sur le Sahara Occidental. Résultat : Debouzze réalise malgré lui un coup de pub et l’Algérie officielle s’aliène une figure populaire en Algérie, au Maroc et en France. Quand la petite histoire prend le pas sur l’histoire…

par Belkacem  Kolli

Article publié le 10/10/2006 Dernière mise à jour le 10/10/2006 à 12:33 TU

Audio

Cinéma : «Indigènes»

«Je considère le film «Indigènes», comme un Post-it de l'histoire de France. On l'accroche sur un frigo et on espère ne pas oublier.»

[]

Philippe Leymarie

Journaliste de RFI

«A titre d'exemple, alors qu'un Français recevait jusqu'à présent 690 euros d'invalidité par mois, un Sénégalais en touchait 230, un Camerounais 104, et un Tunisien 61. Un système totalement inégal, qui devrait en principe être remis en cause, à un moment où la conjoncture s'y prête»

[25/09/2006]

Maurice Rives

Colonel des tirailleurs

«La participation des ces tirailleurs coloniaux, aussi bien dans la Première que dans la Seconde guerre mondiale n’est pas vraiment connue du grand public. »

[24/09/2006]

«Indigènes», de Rachid Bouchareb

«Quand tu tournes les pages de nos livres d'histoire, il n'y aucun héros qui nous ressemble, et pourtant, il y en a eu»

[]

Les «Indigènes» ne seront plus anonymes

«En 39-45, il y avait des Irlandais, des Ecossais, des Américains, mais il y avait aussi des Maghrébins, des Juifs, des Pieds-noir : ils étaient là, ils se sont battus pour la France.»

[]

Rachid Bouchareb

Réalisateur du film «Indigènes»

«Je me disais : ce film doit être présenté au bord de la Méditerranée, face au continent africain, sur les plages où à commencé le débarquement de l'armée d'Afrique.»

[]

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