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Etats-Unis/Irak

Une fissure dans les certitudes de Bush

George W. Bush, le 11 octobre 2006 à Washington.  La pression se renforce sur le président des Etats-Unis afin qu’il change de politique. 

		(Photo: AFP)
George W. Bush, le 11 octobre 2006 à Washington. La pression se renforce sur le président des Etats-Unis afin qu’il change de politique.
(Photo: AFP)
A l’approche des élections pour le renouvellement du Congrès, le 7 novembre prochain, et alors que les républicains sont au plus bas dans les sondages, le président américain a concédé pour la première fois, au cours d’un entretien télévisé, la possibilité d’un parallèle entre la tournure que prend le conflit irakien et celle que prit, en son temps, la guerre du Vietnam. La Maison Blanche subit la  pression d’un prochain rapport parlementaire qui préconiserait un changement de stratégie en Irak. Officiellement, toutefois, il n’est pas question d’envisager un retrait des troupes américaines.

En janvier 1968, lors de la fête du Têt –le Nouvel An vietnamien–, le Vietcong et l’armée nord-vietnamienne lancent une vaste offensive contre les troupes sud-vietnamiennes et américaines. Militairement, elle se soldera par une lourde défaite pour les forces communistes, aucune de la centaine de villes visées n’étant prise en totalité. Mais psychologiquement, cet épisode va toucher une opinion américaine à qui le président Lyndon Johnson ne cessait de promettre «la lumière au bout du tunnel». L’offensive du Têt, renforçant l'opposition à la guerre aux Etats-Unis, alors plongés en plein débat électoral, conduira finalement au retrait américain.

Peut-on établir un rapprochement avec l’actuelle situation irakienne? C’est ce qu’à fait, mercredi, l’éditorialiste du New York Times, Thomas L. Friedman: «Ce à quoi nous assistons en Irak apparaît comme l’équivalent jihadiste de l’offensive du Têt». Interrogé par la chaîne ABC, quelques heures plus tard, sur la pertinence d’une comparaison de si mauvais augure, George Bush a répondu: «Il pourrait avoir raison». Et d’ajouter: «Le niveau de violence s'est certainement élevé, et nous allons vers des élections» aux Etats-Unis.

Ces propos, largement relayés par les médias américains, apparaissent comme le premier accroc aux convictions irakiennes de l’administration Bush, même si le chef de la Maison Blanche, dans le même entretien, a tenu à assurer qu’il n’était pas question de «changer de cap». Démentant que la recrudescence des violences et les attaques contre les troupes américaines –67 soldats tués depuis le début octobre– éloignent de l’objectif d’un Irak capable de se gouverner et de se défendre lui-même, il a de nouveau refusé un retrait militaire prématuré. «La stratégie, c’est de l’emporter», a confirmé, un peu plus tard, le porte-parole de la Maison Blanche, John Snow.

L’Irak, donnée majeure du scrutin

Reste que la déclaration de George Bush survient dans un contexte électoral délicat pour sa majorité parlementaire. A moins de trois semaines des élections de mi-mandat au Sénat et à la Chambre des représentants, le 7 novembre, les républicains ne cessent de perdre du terrain dans les sondages. Ils comptent désormais 15 points de retard sur les démocrates. D’après une étude réalisée pour la chaîne NBC News et le Wall Street Journal, 37% des personnes interrogées envisagent de voter républicain contre 52% qui pensent voter démocrate. C’est l’écart le plus important jamais enregistré par ce baromètre et il est en hausse de 6 points en un mois. Quant à l’indice de satisfaction à l’égard de George Bush, il est également en baisse d’un point, à 38%.

Or selon NBC News, ces chiffres traduisent, notamment, l’attention portée par l’électorat à la guerre en Irak. Ce conflit, selon les analystes américains, est l’une des données majeures du scrutin. Les responsables républicains en sont particulièrement conscients. L’opposition démocrate aussi, qui en a fait un thème essentiel de sa campagne en réclamant une réduction des effectifs militaires sur place.

Du coup, la pression se renforce sur le président Bush afin qu’il change de politique, y compris au sein de son propre camp. Sans évoquer un retrait militaire, la sénatrice républicaine Kay Bailey Hutchison a ainsi estimé que l’Irak était en proie au «chaos» et que le pays devait être divisé en trois régions semi-autonomes. L’hypothèse a été rejetée par la Maison Blanche: «Ce ne serait pas une option sage pour la stabilité de l’Irak ou de la région».

Révisions déchirantes

Le débat sur l’Irak est d’autant plus vif qu’il est alimenté par la publication récente, aux Etats-Unis, de plusieurs ouvrages dénonçant violemment la politique irakienne de George Bush. Un rapport parlementaire préconisant une modification de la stratégie américaine fait également grand bruit. Le document, rédigé par une commission constituée en mars par le Congrès et avalisée par George Bush, ne sera rendu public qu’en décembre, mais certains éléments essentiels ont déjà filtré.

La commission, baptisée Groupe d’études sur l’Irak (GEI) et composée de républicains et de démocrates, est présidée par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker, un ami de la famille Bush. Le diplomate ne peut donc être suspecté de malveillance à l’égard du président. Il a d’ailleurs accepté, à la demande de l’administration, de reporter la publication du rapport après le scrutin. Pourtant, le rapport du GEI s’avèrerait, selon le New York Post, très pessimiste sur l’issue d’un statu quo prolongé, et prônerait des objectifs plus «réalistes».

Le texte préconiserait deux options. Soit une concentration des forces américaines sur Bagdad qui irait de pair avec l’ouverture de pourparlers sur deux fronts: avec les insurgés d’une part, avec la Syrie et l’Iran d’autre part. Soit un retrait progressif des troupes couplé à une campagne diplomatique visant à convaincre les alliés que la détermination américaine à combattre les terroristes reste entière. Ce qui entraînerait, dans les deux cas, des révisions déchirantes pour l’administration Bush.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 19/10/2006 Dernière mise à jour le 19/10/2006 à 17:12 TU

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Michèle Gayral

Journaliste à RFI

«La concession faite par George Bush d'une analogie entre le Vietnam et l'Irak apparaît comme une gaffe car l'évocation du Vietnam provoque chez les Américains des images de défaite, ce que la Maison Blanche ne veut surtout pas leur suggérer.»

[19/10/2006]

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