Etats-Unis
L'Irak s'invite dans les élections
(Photo : AFP)
A six semaines des élections à mi-mandat, le débat politique s’est subitement animé, suite à la publication par la presse d’un rapport établi par 16 agences de renseignements concernant les effets de la guerre en Irak sur le développement des risques terroristes. L’opposition démocrate a profité de l’occasion pour mettre en cause les options militaires de George Bush, lequel s’est senti dans l’obligation de déclasser une partie de ce document intitulé «Tendances du terrorisme mondial : implications pour les Etats-Unis», tout en soulignant qu’un retrait prématuré des forces américaines d’Irak reviendrait à offrir la victoire aux terroristes.
La guerre contre le terrorisme est devenue un thème majeur de la campagne pour les élections législatives du 7 novembre, qui marquent la mi-mandat du président George Bush. Ce regain d’intérêt pour l’Irak et le réseau al-Qaïda est apparu à la suite de la publication, dimanche par la presse écrite d’un rapport confidentiel destiné au Congrès des Etats-Unis. Ce document, rédigé par les différentes agences de renseignements américaines, signale que les risques terroristes ont augmenté, depuis le début de l’offensive alliée en Irak en 2003.
Il s’agit d’un rapport de synthèse (National Intelligence Estimate) établi en avril dernier dont trois pages ont été publiées notamment par les quotidiens Washington Post et New York Times. Le document signale, notamment, que la guerre en Irak a donné naissance à une nouvelle génération d’islamistes radicaux : «le conflit irakien est devenu une “cause célèbre“ (en français dans le texte !) pour les djihadistes», un conflit qui produit ainsi une «nouvelle génération de dirigeants et d’agents terroristes».
Risques terroristes en augmentation
Les rédacteurs du rapport considèrent que «le mouvement djihadiste mondial, incluant les réseaux affiliés à al-Qaïda, des groupes terroristes indépendants ainsi que des cellules émergentes, se développe et s’adapte aux efforts antiterroristes». Le nombre de ces activistes islamistes, qui utilisent notamment le réseau Internet, est en augmentation. Le rapport signale aussi leur «dispersion géographique» qui peut augmenter les menaces contre des intérêts américains, conduisant aussi à une «augmentation des attaques dans le monde».
Les responsables des agences du renseignement américain, dirigées par John Negroponte, sont aussi convaincus que «les djihadistes considèrent l’Europe comme étant un lieu important pour déclencher des attaques contre les intérêts occidentaux». Ce rapport affirme que les attentats à Madrid en 2004 et à Londres, l’année suivante, montrent que «les réseaux extrémistes dans la diaspora musulmane en Europe facilitent le recrutement de militants tout en préparant le terrain à des attaques urbaines».
Bush obligé de déclasser une partie du rapport secret
Georges Bush s’est montré mardi très contrarié au sujet des fuites qui ont permis la publication d’une partie du rapport des services de renseignements. Cette question a même dominé la conférence de presse commune avec le président afghan Hamid Karzaï. Bush s’est senti dans l’obligation de faire publier trois pages du document, en soulignant que «quelqu’un s’est chargé de divulguer, à des fins politiques, une information classée pour créer la confusion dans l’esprit des Américains ».
Le président américain a voulu déclencher ainsi une contre-attaque, au moment où l’opposition démocrate se montre particulièrement critique sur la question irakienne et utilise comme arguments les conclusions du rapport des services secrets en demandant l’ouverture d’un débat au Congrès sur l’intervention. Le sénateur démocrate John Rockefeller a déclaré que ce document prouve que le pays est «moins sûr». Mais Georges Bush maintient sa position habituelle, considérant qu’un retrait prématuré des troupes américaines d’Irak signifierait une victoire pour les terroristes. Les représentants républicains accusent les démocrates d’être incapables de formuler une vraie politique de sécurité. La polémique a aussi atteint l’ancien président démocrate Bill Clinton, critiqué par la secrétaire d’Etat Condolezza Rice sur les mesures qu’il aurait du prendre contre les menaces terroristes, quand il était à la Maison Blanche.
Les démocrates veulent en finir avec la «révolution républicaine»
Plusieurs sondages font croire que les républicains se trouvent en perte de vitesse par rapport aux démocrates. Mais ces études sont antérieures aux récents développements portant sur les effets du conflit en Irak. Il est donc risqué de parier sur un changement global de majorité au Congrès, qui réunit le Sénat et la Chambre des représentants, lors des prochaines élections. Les républicains détiennent, depuis 1994, une majorité confortable dans les deux assemblées parlementaires.
Selon une étude publiée par le Wall Street Journal et par la chaîne NBC il y a une quinzaine de jours, 48% des électeurs américains souhaitent que le Parti démocrate puisse assumer le contrôle du Congrès, contre 39% favorables à l’actuelle domination des républicains. Les démocrates semblent être en bonne position pour remporter le 7 novembre la majorité des 435 sièges de la Chambre des représentants où les républicains disposent actuellement de 231 élus et les Démocrates 201. Au Sénat, les républicains ont 55 sièges et les démocrates 44. Les élections de novembre ne concernent qu’un tiers des sièges sénatoriaux. Pour reconquérir la majorité au Congrès et neutraliser les effets de la «révolution républicaine» de 1994, les démocrates devront prendre une vingtaine de sièges aux républicains, ce qui est encore loin d’être garanti.
Malgré les divergences entre républicains et démocrates, la Chambre des représentants a approuvé facilement mardi soir un renfort de 70 milliards de dollars (55 milliards d’euros) pour les opérations militaires en Irak et en Afghanistan. Le budget militaire des Etats-Unis s’élève à 448 milliards de dollars (335 milliards d’euros).
par Antonio Garcia
Article publié le 27/09/2006 Dernière mise à jour le 27/09/2006 à 18:00 TU