Terrorisme
Al -Qaïda menace la France
(Photo : AFP)
Ayman Al-Zawahri est apparu dans une cassette vidéo diffusée par CNN le jour même du 5e anniversaire des attentats du 11-Septembre en promettant «de nouveaux événements lourds de menace» et martelant que les actions menées par les Etats-Unis et leurs alliés en Irak et en Afghanistan étaient «voués à la défaite.» Le numéro deux de la nébuleuse terroriste al-Qaïda s’en prend également «aux mendiants [les ‘mauvais’ musulmans] qui permettent à la France d’interdire aux femmes de couvrir leur tête à l’école et qui contribuent à tromper les musulmans, à les détourner et à les humilier». Al-Zawahri appelle le GSPC à s’en prendre aux «croisés français». «Ce qui est évident, selon le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, c’est que la menace est à un niveau élevé, très élevé».
Ayman Al-Zawahri a désigné son bras armé dans l’Hexagone : «Notre émir, le cheikh Oussama Ben Laden, lion de l'islam, m'a chargé d'annoncer la bonne nouvelle aux masses musulmanes et à nos frères moudjahidin. Le GSPC a rejoint l'organisation Qaïda al-Djihad. Cette union bénie sera un os dans la gorge des croisés américains et français (…) Qu’il [le ralliement du GSPC] soit source de dépit, de tristesse et de chagrin pour les apostats du régime algérien, fils traîtres de la France», a-t-il déclaré, faisant allusion à la politique de réconciliation nationale du président Abdelaziz Bouteflika qui, depuis sa mise en œuvre le 28 février, a permis la reddition de 250 à 300 islamistes armés et la libération d’au moins 2 200 personnes détenues pour «terrorisme».
La relaxe de ces 2 200 personnes inquiète les services de sécurité. Interrogé par Le Monde sur les conséquences de la politique de réconciliation nationale menée par Abdelaziz Bouteflika, le chef de l’Uclat, estime que celle-ci constitue une menace pour la sécurité nationale et internationale : «Elle est une préoccupation. L’Etat algérien assumera la responsabilité des actes éventuels de ces personnes libérées, dans leur propre pays ou à l’extérieur. Au moment où cet appel à la réconciliation a été lancé, le groupe salafiste les a enjointes de reprendre la lutte armée. (…) Nous n’oublions pas que le Hezbollah a frappé la France à plusieurs reprises dans les années 1980», ajoute-t-il. «Depuis le début de l’année 2006, il n’y a jamais eu autant de communications de la part de l’équipe dirigeante d’al-Qaïda», insiste le commissaire Christophe Chaboud (il s’agit de la neuvième vidéo diffusée depuis le début de l’année).
Les salafistes du GSPC (mouvement terroriste algérien né en 1998 d’une scission du GIA) s’estiment représentants du «vrai» islam : ils prônent l’application intégrale de la charia, appellent à purifier l’islam de toute influence étrangère et refusent tout compromis avec les gouvernements qui n’obéissent pas aux «vraies» lois de l’islam. Le 16 août 2005, le groupe salafiste appelait les musulmans résidant en France à attaquer les responsables liés au régime algérien présents sur le sol français, déclarant : «Nos véritables ennemis ne sont pas seulement les dirigeants militaires (algériens), mais aussi de nombreux civils réputés pour leur entière allégeance aux dirigeants français».
«C’est un appel au rassemblement»
Pour Anne Giudicelli qui dirige la société de conseil spécialisée, Terrorisc, Al-Zawahri «officialise un lien organique. (…) C’est surtout al-Qaïda qui a besoin des réseaux algériens en Europe. (…) Leur ligne, c’est que plus que jamais il faut s’unir. Il demande aux autres mouvements de suivre l’exemple du GSPC, c’est un appel au rassemblement». En février 2005, les renseignements généraux (RG) évaluaient à quelque 5 000 individus le nombre de sympathisants et militants du salafisme en France regroupés autour d’un noyau dur constitué d’environ 500 personnes. Pour les RG, le salafisme est l’antichambre privilégiée des jeunes islamistes qui font ensuite le choix de l’action violente, autant de relais sur lesquels peut compter le GPSC, un mouvement par ailleurs «en perte de vitesse dans ses maquis,[et qui] a fait le pari du terrorisme international et de l’intégration dans le djihad mondial».
Un responsable français de lutte anti-terroriste, qui s’exprime de manière anonyme, considère que «ces messages ont [essentiellement] pour but de motiver les troupes» et de «propager» la lutte en Europe. Selon les RG, «ce qui est inquiétant, c’est que la voix des chefs d’al-Qaïda a un poids important auprès des djihadistes. Cela peut précipiter le passage à l’acte, voire l’auto-allumage. Donc cela renforce la menace et l’inquiétude». Cette menace est même considérée comme «très élevée» par Pierre de Bousquet de Florian, haut responsable de la DST. «Ces messages à multiplication, pourraient préluder d’une série d’attaques d’al-Qaïda ou de ses partisans surtout durant le ramadan, le mois du djihad et du martyr», insiste Yasser Sirri, le directeur de l’Observatoire islamique basé à Londres.par Dominique Raizon
Article publié le 14/09/2006 Dernière mise à jour le 14/09/2006 à 18:36 TU