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Santé

Diabète et Alzheimer : des liens probables

L’hypertension et les troubles circulatoires, qui sont le lot commun des diabétiques, favorisent de leur côté, également, la maladie d’Alzheimer. 

		(Photo : AFP)
L’hypertension et les troubles circulatoires, qui sont le lot commun des diabétiques, favorisent de leur côté, également, la maladie d’Alzheimer.
(Photo : AFP)
Les troubles cardiovasculaires, le syndrome métabolique, et plus particulièrement le diabète de type 2 peuvent-ils mener à l’Alzheimer, cette terrible pathologie qui connaît une explosion mondiale ? De plus en plus d’études scientifiques portent sur les causes, les facteurs communs et les liens probables entre ces maladies dites «de civilisation». Des données à prendre très au sérieux.

Si les messages appelant à la prévention ne sont pas suivis, si l’équilibre nutritionnel et le mode de vie des populations urbaines continuent de se dégrader, les projections de l’OMS concernant le diabète se vérifieront : 366 millions de diabétiques dans le monde dans vingt-cinq ans contre 171 aujourd’hui. «Une montée en flèche, note l’OMS, qui résultera essentiellement d’une augmentation de 150% dans les pays en développement.» Sachant que l’Alzheimer est aussi en forte hausse, et que de plus en plus de scientifiques se penchent sur les liens possibles entre les deux pathologies, il y a de quoi être très inquiet pour un avenir qui est déjà là. «L’Alzheimer est-il un diabète de type 3 ?» se demandent certains. Lors du dernier congrès mondial sur l’Alzheimer (Madrid, juillet 2006), les experts ont donc fait part de leur crainte de voir le nombre croissant de diabétiques alimenter l’explosion de l’Alzheimer.

Cellules affamées

Sur quoi se basent les chercheurs pour rapprocher les deux maladies ? D’abord sur différentes études montrant que, dans les deux cas, les cellules font de la «résistance à l’insuline» : cette hormone sécrétée par le pancréas, dont le rôle principal est de faire entrer le glucose ainsi que d’autres nutriments dans toutes nos cellules, est de moins en moins reconnue par les récepteurs à insuline des cellules. En termes simples, la clé n’arrive plus à ouvrir les serrures. Résultat : le «sucre» continue à circuler dans le sang (et c’est déjà le pré-diabète) tandis que les cellules souffrent de malnutrition. Or les neurones sont de grosses consommatrices d’oxygène et de glucose. Sous-nutries ou affamées, elles fonctionnent de moins en moins bien, puis meurent.

Tissus lésés

Deuxièmement, les chercheurs observent les tissus lésés : des dépôts de substance amyloïde (une sorte de « glue ») sont retrouvés aussi bien entre les neurones des malades souffrant d’Alzheimer que dans le pancréas des malades souffrant de diabète. Des chercheurs de l’université du Colorado soulignent «la similitude frappante entre la structure et la physiologie de ces deux dépôts». La quantité de substance amyloïde augmente au fil du temps pour former des amas qui entravent le fonctionnement des cellules et des tissus, d’autant qu’ils inhibent la micro-circulation sanguine jusqu’à la rendre presque impossible. Ces plaques amyloïdes seraient en partie constituées par ce que les chercheurs nomment AGE (Advanced glycation end products) : il s’agit d’une «caramélisation» de nos protéines résultant de niveaux chroniquement élevés de glucose sanguin. Entre autres dégâts, cela altère les activités essentielles des enzymes cellulaires. Autre point commun aux deux maladies, conséquence de ce qui précède : une composante auto-immune. Dans les deux cas, en effet, le système immunitaire tente, sans grand succès, de s’attaquer aux plaques amyloïdes, ce qui entretient l’inflammation.

Populations étudiées

Troisième élément sur lequel s’appuient les chercheurs : plusieurs études épidémiologiques semblent confirmer ce lien entre les deux maladies. Parmi elles, une étude réalisée à Chicago, portant sur 842 moines et religieuses âgés : aucun cas d’Alzheimer n’a été constaté au début de la période d’observation ; nombre de cas au bout de neuf ans : 151. Conclusion de l’article paru l’an dernier dans Archives of Neurology : un risque accru de 65% de développer l’Alzheimer pour ceux qui souffraient de diabète 2.

L’hypertension et les troubles circulatoires, qui sont le lot commun des diabétiques, favorisent de leur côté, également, la maladie d’Alzheimer. Ainsi, les facteurs de risque se potentialisent. «Les personnes souffrant de troubles cardiovasculaires présentent un risque accru de démences séniles et d’Alzheimer», souligne-t-on à l’Ecole de Santé publique de Harvard (Journal of Internal Medicine, septembre 2006).

Des études épidémiologiques comparant, par exemple, des populations du Nigeria à des groupes d’Afro-Américains montrent que, si l’incidence de l’Alzheimer est à ce jour deux fois plus importante aux Etats-Unis, il existe bien une interaction entre les facteurs de risque cardiovasculaires et les démences séniles des deux côtés de l’Atlantique. Au total, ce qu’ils nomment les amyloïdoses intéressent fortement les chercheurs, dont certains se demandent si le diabète et l’Alzheimer ne seraient pas des formes localisées d’un trouble plus généralisé, puisqu’on peut retrouver aussi de la substance amyloïde dans les parois vasculaires ou l’intestin. Ils soulignent en tout cas que l’amyloïdose, sans symptômes pendant longtemps, s’aggrave à bas bruit et est bien plus répandue qu’on ne le croit.

Risques limités

Du côté des laboratoires et de la recherche médicamenteuse, on se lance donc dans des études visant à déterminer si la prise de médicaments anti-diabétiques pourrait limiter la survenue de l’Alzheimer. Un nouveau pactole possible. Tandis que d’autres scientifiques comme Gregory Cole, de l’Université de Californie, mettent l’accent sur l’urgence de la prévention primaire qui, on le sait, limite les facteurs de risque des deux maladies : «Les médicaments ne peuvent pas tout réparer ! Nous mangeons beaucoup trop de graisses saturées, rappelle-t-il, cela favorise à la fois la résistance à l’insuline et les amas de substance béta-amyloïde dans le cerveau.» La prévention primaire est bien connue : perte de poids, chasse à la sédentarité, alimentation de type traditionnel riche en légumes, fruits mûrs et antioxydants. Le type de vie saine que beaucoup de diabétiques ont du mal à mettre en place.

par Henriette  Sarraseca

Article publié le 20/10/2006 Dernière mise à jour le 20/10/2006 à 17:46 TU

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Bruno Dubois

Professeur neurologue à l'hôpital de la Salpêtrière

«Les médicaments dont nous disposons aujourd'hui pour réduire les symptômes de la maladie d'Alzheimer sont plus efficaces lorsqu'ils sont prescrits tôt, mais ne permettent pas encore de ralentir le processus de la maladie elle-même.»

[21/09/2006]

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