Soudan - Tchad
Collusion transfrontalière
(Photo : AFP)
Le 13 avril dernier, les rebelles du Front uni tchadien avaient réussi à entrer au cœur de la capitale, N’Djamena, et à attaquer la localité d’Adré dans l’est du pays, près de la frontière soudanaise. Les forces gouvernementales tchadiennes ont pu répondre à cette dernière offensive grâce, notamment, à l’appui des rebelles soudanais du MJE, venus du Darfour, et qui sont toujours en conflit avec les autorités de Khartoum.
Le président du MJE, Khalil Ibrahim, qui vit en exil à Paris, confirme à RFI qu'il a apporté son soutien aux troupes tchadiennes lors de la bataille d’Adré, pour empêcher la mise en place à N’Djamena d’un gouvernement pro-soudanais. «Si le président soudanais Omar el-Béchir veut changer le système de gouvernement au Tchad, mettre en place un gouvernement de djanjawid [les milices arabes] pour écraser les mouvements au Darfour, nous ne pouvons pas l’accepter», dit-il.
Contre les accords d’Abuja
Khalil Ibrahim justifie l’intervention de ses forces en affirmant que les troupes qui avaient attaqué Adré n’étaient pas tchadiennes. «La plupart étaient soudanaises, équipées par le Soudan. Si el-Béchir tente encore de changer le gouvernement tchadien, nous serons là à nouveau pour nous battre. Si Béchir essaie à nouveau, nous ferons à nouveau ingérence», menace-t-il.
Le leader du MJE saisit l’occasion pour lancer un appel à l’ancien chef rebelle Minni Minawi, lequel a signé les accords de paix d’Abuja, pour que le leader du Mouvement de libération du Soudan (MLS) reprenne le chemin de la rébellion : «maintenant que tu as découvert que tu as été trahi, rejoins le Front national de la rédemption et regagnons nos droits, comme il le faut».
Une crise humanitaire qui s’aggrave
Les déclarations de Khalil Ibrahim et les incidents militaires récents dans le Darfour montrent que la crise dans la province occidentale soudanaise est très loin d’une solution. Ce conflit s’internationalise de plus en plus, dans une zone où les limites frontalières sont assez théoriques. Les réfugiés soudanais qui se trouvent en territoire tchadien sont souvent victimes d’attaques à partir du Soudan, notamment des milices arabes appuyées par Khartoum - les djandjawid -, et à la merci de règlements de comptes entre les rebelles soudanais.
Il y a une semaine, environ, les autorités de Khartoum avaient déclenché une série d’opérations dans leur province occidentale et des sources soudanaises ont même accusé les militaires tchadiens d’avoir prêté main-forte aux rebelles du Darfour. Cette offensive a été un échec, selon l’émissaire spécial des Nations unies, Jan Pronk, qui avait signalé des pertes lourdes de l’armée soudanaise à Oum Sidir, en septembre, et à Kerakaya cette semaine. Les militaires soudanais ont demandé que Jan Pronk soit déclaré persona non grata et expulsé du pays.
Le gouvernement de Khartoum, qui invoque des raisons de souveraineté nationale, s’oppose toujours au déploiement de 17 000 casques bleus et de 3 000 policiers décidé par le Conseil de sécurité fin août. Ces effectifs internationaux devaient prendre la relève des quelque 7 000 soldats africains, mal payés et sous équipés, qui se trouvent actuellement au Darfour. Les rebelles tchadiens du FUC se sont aussi déclarés hostiles au déploiement d’une force de l’Onu à la frontière entre le Soudan et le Tchad, en soulignant que cela les empêcherait de progresser vers N’Djamena.
La guerre au Darfour a provoqué la mort d’au moins 200 000 personnes et plus de deux millions de déplacés depuis 2003, selon les Nations unies. Une mission de chefs d’Etat africains va se rendre bientôt à Khartoum, pour tenter de prévenir des «massacres à grande échelle». Dans un entretien à RFI, le président de la Commision de l’Union africaine, Alpha Konaré, demande que l’accord de paix d’Abuja soit signé par «tout le monde». Il estime qu’il n’y aura jamais de victoire militaire au Darfour qui se trouve dans une situation de «catastrophe humanitaire».
Article publié le 20/10/2006 Dernière mise à jour le 20/10/2006 à 18:47 TU