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Irak

Bagdad craint un lâchage occidental

Le général George Casey (à gauche), commandant en chef des forces américaines en Irak et Zalmay Khalilzad, ambassadeur des Etats-Unis en Irak, lors d'une conférence de presse ce mardi à Bagdad. 

		(Photo : AFP)
Le général George Casey (à gauche), commandant en chef des forces américaines en Irak et Zalmay Khalilzad, ambassadeur des Etats-Unis en Irak, lors d'une conférence de presse ce mardi à Bagdad.
(Photo : AFP)
Alors que les violence s’intensifient à travers le pays et que les débats sur un éventuel retrait des troupes de la coalition se font plus vifs à Londres et Washington, les autorités irakiennes s’inquiètent. La presse américaine évoque la préparation d’un calendrier qui serait prochainement soumis aux responsables irakiens, leur fixant des objectifs sécuritaires et politiques. L’administration Bush dément tout ultimatum, tout en admettant la nécessité de fixer des «points de repère».

Lors d’un entretien accordé à la chaîne ABC, la semaine dernière, le président américain, George Bush, avait mis la pression sur les autorités irakiennes : « Je suis patient. Ma patience a des limites. Et je perds patience quand les choses traînent en longueur. Mais je reconnais la difficulté de la tâche et c'est pourquoi je dis au peuple américain que nous ne nous enfuirons pas ».

Ce mardi, lors d’une conférence de presse conjointe à Bagdad, deux hauts responsables américains se sont fait plus directs. Le général George Casey, commandant en chef des forces américaines en Irak, a déclaré que « l’armée irakienne devrait être en mesure de prendre en charge la sécurité du pays dans un délai de 12 à 18 mois ».

Quant à l’ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalmay Khalilzad, il s’est dit assuré qu’ « en dépit des défis auxquels nous faisons face, le succès est possible en Irak ». Le diplomate a ensuite indiqué que le gouvernement irakien recevrait avant la fin de l'année un calendrier d'action dans lequel il lui serait demandé de « s'engager à faire ce qui est nécessaire » dans le domaine de la sécurité s’il veut continuer à bénéficier de l'aide internationale.

Le vice-Premier ministre irakien à Londres

A moins de trois semaines des élections américaines au Congrès, et alors que la campagne est centrée sur les difficultés de l’administration Bush en Irak, ces déclarations visent, d’abord, à rassurer une opinion américaine inquiète des lourdes pertes militaires et dubitative sur les succès enregistrés sur place. Elles ont aussi pour but d’accélérer le processus de transfert des responsabilités aux autorités irakiennes, lesquelles ont le plus grand mal, dans un pays miné par les violences et les divisions, à assurer un minimum d’ordre politique et institutionnel.

Aussi le gouvernement irakien est-il préoccupé à l’idée d’un retrait militaire occidental qui le laisserait trop rapidement seul face aux attaques de la guérilla et aux affrontements interconfessionnels. Les dirigeants de Bagdad, au vu des débats engagés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sur l'opportunité de maintenir des troupes en Irak, ont entamé une offensive diplomatique pour tenter d’éviter toute précipitation.

Le vice-Premier ministre irakien était hier à Londres où il a rencontré, notamment, le Premier ministre Tony Blair. Faisant montre de bonne volonté, Barham Saleh a affirmé que « d'ici à la fin de cette année, près de sept ou huit provinces d'Irak sur dix-huit seront sous contrôle sécuritaire irakien direct (…) En tant que gouvernement élu démocratiquement, c'est en fin de compte notre responsabilité. Certes, avec le soutien de la communauté internationale, mais nous devons prendre la direction » en matière de sécurité.

A quoi Tony Blair a répondu, selon la BBC, que la Grande-Bretagne avait l'intention de « garder son calme » en Irak. Son porte-parole a ensuite expliqué que le retrait des troupes britanniques devait être considéré comme un « processus, et non un événement » ponctuel,  l’objectif étant de rester « jusqu'à ce que le travail soit fait » et que les forces de sécurité irakiennes puissent prendre le relais.

Barham Saleh s’est dit « réconforté » par son entretien avec Tony Blair. Pourtant, l’opinion britannique est plus que jamais pessimiste. D'après le quotidien The Independent, 72% des Britanniques jugent la guerre « impossible à gagner ». Le même pourcentage prédit que l'Irak va sombrer dans la guerre civile après le retrait militaire occidental.

Pas d’ultimatum

Aux Etats-Unis, où les républicains de George Bush sont au plus bas dans les sondages, les responsables se montrent sensiblement plus impatients que leurs homologues britanniques. Ainsi, le porte-parole de la Maison Blanche n’a pas formellement démenti les informations parues dimanche dans le New York Times et d’ailleurs partiellement confirmées mardi par l’ambassadeur américain à Bagdad.

Selon le quotidien, l'administration prépare actuellement, à l’intention du gouvernement irakien, un calendrier pour résoudre les conflits interconfessionnels et prendre une part plus importante à la sécurisation du pays. Le journal ajoutait que, pour la première fois, les autorités irakiennes devraient souscrire à des « points de repère » précis, pour le désarmement des milices par exemple, parmi différents objectifs militaires, politiques et économiques.

Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a admis que les Etats-Unis souhaitaient aller plus vite dans le transfert des responsabilités au gouvernement de Bagdad et que des discussions avec celui-ci étaient en cours depuis des mois. Toutefois, a-t-il assuré, il n’y aura pas de date limite, pas d’ultimatum.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 24/10/2006 Dernière mise à jour le 24/10/2006 à 17:30 TU