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Sommet sino-africain

Tapis rouge pour l’Afrique à Pékin

Vente de chaussures confectionnées en Chine dans une échoppe de Kampala en Ouganda.  Le commerce bilatéral Chine-Afrique devrait dépasser 50 milliards de dollars en 2006. 

		(Photo: AFP)
Vente de chaussures confectionnées en Chine dans une échoppe de Kampala en Ouganda. Le commerce bilatéral Chine-Afrique devrait dépasser 50 milliards de dollars en 2006.
(Photo: AFP)

Les dirigeants de 48 pays africains sont présents à Pékin pour participer, jusqu’à dimanche, au Forum de coopération sino-africain, la plus importante réunion diplomatique jamais réalisée en Chine. Pour les dirigeants africains, l’appui de la Chine peut être de grande importance dans les instances internationales et en termes économiques, à une époque où les investisseurs occidentaux, et tout particulièrement européens, semblent bouder le continent. Près de 2 500 accords vont être discutés en marge de cette grand-messe sino-africaine.


Tous les dirigeants africains, sans exception, ont été invités à participer au sommet de Pékin, notamment le président soudanais El-Béchir et le zimbabwéen Mugabe, jugés «peu recommandables» par les gouvernements occidentaux. Mais les responsables chinois, qui disent ne pas vouloir s’immiscer dans les affaires intérieures, ont aussi tenu à inviter les cinq Etats africains qui maintiennent toujours des relations officielles avec le gouvernement de Taiwan. Le Burkina Faso, le Malawi, la Gambie, le Swaziland et la République de Sao Tome et Principe sont donc présents, mais avec des délégations de bas rang.

Jean Ping

Ministre gabonais des Affaires étrangères

«L'avantage de la Chine, c'est que ce pays ne s'ingère pas dans nos affaires intérieures.»

Le forum de Pékin est, pour ainsi dire, le point culminant d’une intense activité politique et économique des responsables chinois sur le continent et tout particulièrement auprès des Etats sub-sahariens. Le président Hu Jintao et le premier ministre Wen Jiabao ont visité cette année plus d’une dizaine de capitales africaines, pour établir de nouveaux accords politiques et commerciaux. Ils ont voulu que ces partenaires africains puissent admirer les grandes réalisations du régime chinois, une sorte de répétition générale avant les Jeux olympiques de 2008. Pékin a souhaté que ce forum devienne vraiment «une étape importante dans l’histoire des relations sino-africaines, au service de la paix et du développement des deux parties mais aussi du reste du monde», selon le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Jianchao.

Un demi siècle de relations avec l’Afrique

La Chine a commencé à s’intéresser aux questions africaines dans les années cinquante, suite à la révolution qui porta Mao Tsé Toung au pouvoir en 1949. Le régime communiste chinois voulait alors promouvoir, ou même exporter, son idéologie «tiers-mondiste» auprès des Etats qui devenaient indépendants et appuyer aussi les luttes pour l’émancipation des peuples africains qui restaient sous domination coloniale. Il s’agissait également de marquer sa présence, vis-à-vis des Etats-Unis et de l’Union soviétique pendant la guerre froide. A cette époque, le régime maoïste a envoyé des milliers de médecins et participé à la construction d’hôpitaux, de stades et de bâtiments publics dans plusieurs capitales du continent. C’est aussi à cette époque, en 1964, que les Chinois ont commencé à construire la ligne de chemin de fer Tanzam, totalisant près de 1 900 kilomètres, reliant le port de Dar Es-salaam, la capitale de la Tanzanie, à la Zambie, un projet qui ne fut inauguré qu’en 1976.

Trente ans après, les idéologies se sont calmées et l’économie chinoise est devenue une des plus performantes du monde. Et le rôle de l’Afrique est de grande importance, en commençant par les matières premières. Plusieurs grands partenaires africains de la Chine sont aussi des producteurs de pétrole : le Nigeria, l’Algérie, la Libye, l’Angola, le Soudan et la Guinée Equatoriale. Près de 30% du pétrole importé par les chinois en 2005 est venu de l’Afrique, ce qui correspond à près de 38 millions de tonnes. Un pays comme l’Angola est devenu, cette année, le premier fournisseur d’hydrocarbures de la Chine, dépassant l’Arabie Saoudite.

Outre le pétrole, la Chine achète aussi du fer et du cuivre, notamment en Afrique du Sud et en Zambie. L’industrie chinoise est aussi forte consommatrice de cobalt et de colombo-tantalite (coltan), des minéraux utilisés notamment dans l’industrie des téléphones portables, et assez abondants en République démocratique du Congo. La Chine est enfin grande importatrice de bois africain, notamment du Gabon, du Cameroun et du Congo.

A l’inverse, l’Afrique est devenue, depuis une dizaine d’années, un marché important pour les produits chinois, plus accessibles que ceux qui sont fabriqués dans d’autres zones du globe. Les produits chinois peuvent même entrer en concurrence directe avec les productions africaines, notamment dans le secteur des textiles. Des syndicats sud-africains ont protesté et obligé le gouvernement à imposer des restrictions aux importations en provenance de Chine.

Depuis cinq ans, les échanges commerciaux sino-africains ont été multipliés par cinq, devant atteindre cette année les 50 milliards de dollars. En même temps, selon des chiffres du Fonds monétaire international, les échanges avec l’Union européenne ont enregistré une baisse de presque 10%.

Critiques occidentales

L’activité commerciale chinoise en Afrique suscite néanmoins des réserves auprès des grandes institutions internationales. Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale, interviewé par le journal français Les Echos, a déclaré que les banques chinoises sont en train de financer des projets en Afrique, sans se soucier des retombées économiques et sociales. Il s’est aussi déclaré inquiet du réendettement  de plusieurs pays africains.

Jean Ping

Ministre gabonais des Affaires étrangères

«Cette relation que nous développons avec la Chine, la France, elle-même, la développe de son côté.»

De son coté, l’Union européenne va demander à la Chine de changer sa méthode d’exploitation des ressources énergétiques en Afrique. Il est peu probable que Pékin prenne en considération ces remarques, soulignant que ses activités sont aussi destinées à «rehausser le niveau de vie dans le continent». Pourtant, des incidents se sont produits en Zambie, dans des mines appartenant à des Chinois, où la police a réprimé violemment des travailleurs qui exigeaient de meilleures rémunérations. Malgré les protestations des organisations humanitaires, notamment africaines, Pékin ne semble pas plus enclin à respecter des droits syndicaux à l’étranger que sur propre territoire. 

 

  



par Antonio  Garcia

Article publié le 04/11/2006 Dernière mise à jour le 04/11/2006 à 19:13 TU

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