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Liban

Les ministres chiites démissionnent

Le dialogue national entre les différents acteurs politiques libanais a échoué. Les ministres chiites se sont retirés du gouvernement. Le Premier ministre a refusé leur démission et veut tenir un Conseil des ministres pour examiner le projet de création d'un tribunal international chargé de juger les assassins de Rafic Hariri, malgré l'opposition du chef de l'Etat. Samedi, le Liban a franchi un pas supplémentaire vers l'inconnu.

 

Le Premier ministre libanais Fouad Siniora (d. debout) avec le président de la Chambre (g.), Nabih Berry. (Photo : AFP)
Le Premier ministre libanais Fouad Siniora (d. debout) avec le président de la Chambre (g.), Nabih Berry.
(Photo : AFP)

De notre correspondant à Beyrouth

Les Libanais retiennent leur souffle. Les concertations sur la formation d'un cabinet d'union nationale ont échoué. Après une séance houleuse, samedi, les dirigeants de la coalition pro-occidentale du 14 mars au pouvoir, et ceux de l'opposition rassemblés autour du Hezbollah et du général chrétien Michel Aoun, ne sont pas parvenus à un accord. Dans un geste illustrant la gravité de la situation, l'architecte du dialogue, le président de la Chambre, Nabih Berry, a quitté précipitamment le Parlement sans tenir une conférence de presse, comme il avait l'habitude de le faire lors des précédentes séances.

Après la réunion, les protagonistes se sont rejeté la responsabilité de l'échec des concertations, présentées comme le dialogue de la dernière chance. Samir Geagea, unes des figures chrétiennes de la coalition du 14 mars, a accusé l'opposition de vouloir torpiller le projet de création du tribunal international qui sera chargé de juger les assassins de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri.

Le principal leader chrétien du pays, le général Michel Aoun, qui est l'allié du Hezbollah, a pour sa part accusé la majorité de gérer le pays d'une manière « anticonstitutionnelle ». Il a réaffirmé qu'il souhaitait, avec ses alliés, établir un réel partenariat politique avec la majorité et participer activement aux prises de décisions. Pour cela, le Hezbollah, Michel Aoun et le mouvement Amal de Nabih Berry réclament, en vain, le tiers du gouvernement bien qu'ils disposent de 45% des sièges du Parlement.

Crise de confiance

Un autre développement a contribué à envenimer les débats, samedi. Le Premier ministre, Fouad Siniora, membre de la coalition du 14 mars, a décidé de réunir le gouvernement pour examiner le texte du projet de création du tribunal international, malgré la demande du président de la République de reporter la séance de quelques jours pour avoir le temps d'étudier le volumineux document qui vient tout juste d'être transmis par les Nations unies. Invoquant l'article 52 de la Constitution qui réserve au chef de l'Etat la compétence de négocier les traités internationaux, Emile Lahoud a qualifié d' « illégale » la réunion convoquée par Fouad Siniora.

Toutes ces divergences entre la majorité et l'opposition traduisent une profonde crise de confiance entre les différents acteurs politiques. La coalition du 14 mars accuse le Hezbollah de faire le jeu de la Syrie et de l'Iran. Pour sa part, le parti islamiste soupçonne la majorité de connivence avec les Etats-Unis. Michel Aoun, quant à lui, accuse le 14 mars de chercher à l'isoler alors qu'il représente la majorité des chrétiens.

Quatre heures à peine après l'échec des concertations, le Hezbollah et le mouvement Amal ont annoncé la démission de leurs cinq ministres. Désormais, la plus grande communauté libanaise (35% de la population) n'est plus représentée au sein de l'Exécutif, ce qui constitue une première dans l'histoire contemporaine du pays.

La Constitution libanaise dénie toute légitimité à un pouvoir qui « enfreint les principes de l'entente nationale ». Dans un pays où les postes sont répartis conformément à des quotas communautaires, le départ des ministres chiites risque de paralyser le gouvernement et d'entamer sérieusement la légitimité du cabinet. C'est pour cette raison que Fouad Siniora s'est empressé de refuser la démission des ministres chiites, d'autant que le gouvernement doit examiner, lundi, la question du tribunal international.

La tension est à son paroxysme

Le départ des ministres chiites est la première d'une série de mesures de l'opposition pour faire pression sur la majorité. Dans la seconde moitié de la semaine prochaine, le Hezbollah et ses alliés vont entamer un vaste mouvement de protestation populaire. Au menu: manifestations, sit-in, grèves et, éventuellement, un appel à la désobéissance civile. Ils promettent des « actions pacifiques, s'inscrivant dans le cadre des lois en vigueur ». Mais la majorité aussi a menacé de mobiliser ses partisans pour des contre-manifestations de soutien au gouvernement.

Depuis l'assassinat de Rafic Hariri, les Libanais sont habitués à descendre dans la rue. Certaines manifestations ont même compté plus d'un million de personnes. Mais c'est la première fois que les partisans des deux bords risquent de se retrouver face-à-face, alors que la tension est à son paroxysme. Et c'est cela qui inquiète la population.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 12/11/2006 Dernière mise à jour le 12/11/2006 à 11:07 TU