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Liban

Discordes et tensions sectaires

Un portrait d'Hassan Nasrallah trône dans un magasin détruit du centre de Beyrouth. L'économie libanaise tarde à redémarrer. 

		(Photo: AFP)
Un portrait d'Hassan Nasrallah trône dans un magasin détruit du centre de Beyrouth. L'économie libanaise tarde à redémarrer.
(Photo: AFP)
Rien ne va plus entre la coalition pro-occidentale au pouvoir au Liban d’une part, et le Hezbollah et ses alliés de l’autre. Les accusations de trahison fusent de partout, les joutes verbales se multiplient et font monter la tension qui provoque à son tour des incidents à caractère sectaire et confessionnel. Le Liban se trouve à un tournant de son histoire: le compromis global ou la discorde totale.

De notre correspondant à Beyrouth

Le Liban ne s’est pas encore remis des affres de la guerre de juillet-août avec Israël, qui a fait 1 250 morts civils et 4 200 blessés. L’armée israélienne vient tout juste d’achever le retrait de ses troupes du Liban sud, cinquante jours après la fin des hostilités, tout en maintenant l’occupation de la partie libanaise du village de Ghajar, à l’extrême sud-est du pays. Cette localité vient s’ajouter aux fermes de Chebaa, occupées par Israël et revendiquées par le Liban, et que le Hezbollah veut libérer par la force des armes. La reconstruction de dizaines de ponts, de routes et d’écoles, détruits pendant les combats, n’a pas encore commencé. L’économie tarde à redémarrer et les investisseurs hésitent à revenir. Au lieu d’unir leurs efforts pour remettre le pays sur pied, les Libanais affichent leurs divisions au grand jour.

La polémique a commencé dès la fin de la guerre et s’est amplifiée au fil des jours. La coalition occidentale dite du «14 mars» a accusé le Hezbollah, d’abord à demi-mot puis ouvertement, d’avoir entraîné le pays dans «une aventure qui a conduit à une catastrophe» en enlevant deux soldats israéliens, le 12 juillet. Le Hezbollah, lui, a parlé de «victoire divine» sur l’Etat hébreu, et a regretté que certains responsables politiques libanais aient «poignardé dans le dos la Résistance» alors que celle-ci affrontait l’une des «plus puissantes armées du monde». Le débat a commencé à s’envenimer dès le 13 août, à la veille de l’arrêt des hostilités. Ce jour-là, des personnalités du «14 mars», dont le Premier ministre Fouad Siniora, ont réclamé le désarmement du Hezbollah. Le parti islamiste est surpris par cette demande qui intervient alors que «les combats n’ont pas encore cessé, que le sang des martyrs n’a pas encore séché et que les Israéliens occupent toujours des positions à l’intérieur du territoire libanais», comme l’ont affirmé plusieurs de ses dirigeants.

Le fossé se creuse

Dans son discours politique, la coalition pro-occidentale met l’accent sur l’immensité des destructions infligées au Liban et «le prix exorbitant payé par le pays». Son but est d’empêcher le Hezbollah de sortir de la guerre auréolé d’une victoire sur Israël, ce qui renforcerait son prestige et, par conséquent, son poids politique sur la scène libanaise.

Se sentant trahi par ses partenaires au gouvernement, le Hezbollah commence à évoquer la formation d’un cabinet d’union nationale. Son but est d’y inclure son allié, le général chrétien Michel Aoun, avec qui il a signé un document d’entente, en février dernier. L’ancien opposant anti-syrien, rentré au Liban en mai 2005 après 15 ans d’exil en France, dirige le plus important bloc parlementaire chrétien (22 députés sur 128).

Le fossé se creuse tous les jours davantage. Deux des principales figures du «14 mars», les anciens chefs de guerre chrétien, Samir Geagea, et druze, Walid Joumblatt, ne ménagent pas leurs critiques. Ils accusent le Hezbollah d’exécuter un «agenda syro-iranien» et voient dans sa demande de formation d’un cabinet d’union nationale une «tentative de coup d’Etat».

Le 22 septembre, le Hezbollah réussit une impressionnante démonstration de force. Il réunit des centaines de milliers de personnes pour célébrer sa «victoire divine sur Israël». Son secrétaire général, Hassan Nasrallah, fait sa première apparition publique depuis le 12 juillet et lance une attaque virulente contre le gouvernement et le Premier ministre. Il affirme que son parti ne remettra ses armes qu’après l’édification d’un «Etat juste et fort, capable de protéger ses fils, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui». Il menace de dévoiler des informations sur «le rôle pas très honorable» joué par certaines personnalités du «14 mars» pendant la guerre. Dans les médias favorables au Hezbollah, des articles commencent à faire état de «trahisons et de complicités», affirmant que des figures de proue du «14 mars» étaient au courant de l’imminence d’une attaque israélienne contre le Liban bien avant la guerre.

Geagea et Hariri entrent en scène

La riposte ne se fait pas attendre. Deux jours plus tard, devant plusieurs milliers de partisans, Samir Geagea répond à Nasrallah point par point. Il l’accuse de diriger un «Etat dans l’Etat» et de faire primer ses relations avec la Syrie et l’Iran sur les intérêts nationaux libanais. Saad Hariri est encore plus virulent. Le 26 septembre, le chef de la majorité parlementaire, qui est sunnite, menace de «mobiliser la rue face à la mobilisation» du Hezbollah. Il accuse le parti chiite d’avoir provoqué une catastrophe au Liban.

La tension est à son paroxysme. Les esprits sont chauffés à blanc et des incidents éclatent entre des jeunes chiites et sunnites dans un quartier de Beyrouth, le 30 septembre. Des partisans du mouvement chiite Amal du président du Parlement Nabih Berry (un allié du Hezbollah) et du Courant du futur, de Hariri (sunnite), s’affrontent à coups de pierres et de barres de fer pendant plus de cinq heures. L’armée doit déployer des centaines d’hommes et 40 véhicules blindés pour rétablir le calme.

les rumeurs les plus folles

Les incidents ont été circonscrits mais la tension demeure. Michel Aoun, qui affirme représenter la majorité des chrétiens, veut lui aussi organiser un rassemblement monstre le 15 octobre, en réponse au meeting de Samir Geagea, l’allié chrétien des Hariri. Le général Aoun et le Hezbollah accentuent leurs pressions pour obtenir la formation d’un cabinet d’union nationale dans lequel ils souhaitent détenir, avec leurs alliés, le tiers de blocage. Ils sont appuyés par le président de la République Emile Lahoud, par le leader des maronites du Liban nord, Sleimane Frangié, l’émir druze Talal Arslan et de nombreuses forces et personnalités sunnites. La coalition du «14 mars» comprend, elle aussi, des courants de diverses communautés, avec les sunnites et les druzes comme colonne vertébrale.

C’est vers la fin du ramadan, dans une quinzaine de jours, que les grandes manœuvres vont commencer. Les uns vont tenter de renverser le gouvernement «par tous les moyens autorisés par la Constitution» -y compris les manifestations. Les autres vont essayer de protéger l’équipe ministérielle au sein de laquelle ils règnent en maîtres. Entre-temps, les rumeurs les plus folles sur le réarmement des partis politiques courent la ville.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 04/10/2006 Dernière mise à jour le 04/10/2006 à 12:03 TU

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