Liban
Démonstration de force du Hezbollah
(Photo : AFP)
Ceux qui pensaient que le Hezbollah est sorti affaibli après 33 jours de guerre et que sa base populaire, traumatisée par la destruction de ses villes et villages, lui fait assumer la responsabilité du désastre, sont déçus. Le parti anti-israélien a réussi son pari. Il a mobilisé une foule immense lors de l’un des plus importants meetings de l’histoire du Liban, destiné à célébré ce que son chef, Hassan Nasrallah, a appelé «la victoire divine sur Israël». Selon les services de sécurité libanais, un million et demi de personnes ont répondu à l’appel du Hezbollah. La CNN et les agences de presse internationales ont parlé de «plusieurs centaines de milliers de participants», pour une population de quatre millions d’habitants.
Le Hezbollah a montré que malgré la destruction de son quartier général, de la plupart de ses permanences et d’une grande partie de son fief de la banlieue sud de Beyrouth, il conservait toutes ses capacités organisationnelles. Quelque 7 000 volontaires ont transformé en une immense place et en l’espace de cinq jours un terrain vague de 150 000 mètres carrés, situé sur l’ancienne ligne de démarcation pendant la guerre civile. 150 000 chaises, un système de sonorisation sophistiqué et des posters géants commémorant les principales batailles de la guerre ont été installés en un temps record.
Les messages de Nasrallah
Menacé de mort par le Premier ministre israélien Ehud Olmert, Hassan Nasrallah n’était plus apparu en public depuis le 12 juillet. Vendredi, il a défié ses ennemis, faisant irruption au milieu de la foule survoltée qui a scandé des slogans à sa gloire pendant de longues minutes. Dans un discours d’une heure et demi, le chef du Hezbollah a adressé des messages tous azimuts et a défini les contours politiques de la période à venir. Sûr de lui, le sourire aux lèvres, il a assuré que son parti était aujourd’hui plus puissant qu’il ne l’était à la veille de la guerre, le 12 juillet. «Pendant les combats, nous n’avons utilisé qu’une infime partie de notre arsenal et nous avons reconstitué en quelques jours toute notre structure militaire», a-t-il dit. Le Hezbollah a perdu une centaine de combattants pendant la guerre contre Israël mais aucun de ses cadres supérieurs. Faisant allusion à la coalition pro-occidentale au pouvoir et à la force internationale déployée pour empêcher les livraisons d’armes à son parti, Hassan Nasrallah a déclaré sur un ton défiant: «à ceux qui surveillent le ciel, la mer et les frontières terrestres, nous disons que nous disposons aujourd’hui de plus de 20 000 roquettes». Avant la guerre, les sources israéliennes et occidentales estimaient que l’arsenal du Hezbollah comptait quelque 12 000 roquettes et qu’environ 4 000 avaient été tirées sur Israël.
Hassan Nasrallah a concédé qu’il était impensable que son parti conserve ses armes «éternellement». Mais pour lui, la résistance armée est le résultat d’une situation. C’est aux causes qu’il faut s’attaquer pour trouver une solution à cette question, a-t-il dit avant de poursuivre: «Il faut édifier un Etat fort, juste et propre, capable de défendre les citoyens contre les agressions d’Israël. Nous appelons à l’édification d’un tel Etat. Ensuite, le problème des armes n’aura même pas besoin d’un dialogue national pour être réglé. La solution sera beaucoup plus facile que ce que l’on peut imaginer». Hassan Nasrallah a cependant ajouté qu’«avec le pouvoir actuel, incapable de protéger le Liban, il n’est pas question de rendre les armes. Si nous désarmons maintenant, le Liban sera une proie facile pour Israël».
Crise de confiance
On le voit bien, la confiance ne règne pas entre le Hezbollah et la coalition pro-occidentale au pouvoir. «C’est grâce à la Résistance et non pas aux larmes que nous protégerons le Liban», a-t-il dit en allusion au Premier ministre Fouad Siniora qui n’avait pu retenir ses sanglots lors d’une conférence de presse et d’une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères à Beyrouth, tenues pendant la guerre. Pour Hassan Nasrallah, ce gouvernement n’est plus apte à diriger le pays et doit être remplacé par un cabinet d’union nationale dans lequel devrait siéger ses alliés chrétiens, le général Michel Aoun et le leader maronite du Nord-Liban Sleimane Frangié.
Le chef du Hezbollah a répété que la force internationale des Nations unies était «la bienvenue» au Liban. Mais elle doit se confiner à sa mission qui consiste à épauler l’armée libanaise. «La tâche de la Finul n’est pas d’espionner le Hezbollah où de se mêler des affaires libanaises pour rééquilibrer la scène politique interne», a-t-il averti. Il a ajouté que toutes les tentatives destinées à provoquer un «clash» entre la Résistance et l’armée libanaise échoueront. Hassan Nasrallah s’en est violemment pris sans le nommer au leader druze Walid Joumblatt. Celui-ci avait accusé le Hezbollah d’être totalitaire et qualifié ses partisans d’«ignorants». «Il faut revenir à un discours politique sain, a-t-il dit d’un ton ferme. Je n’accepterais plus que notre base populaire soit humiliée et nous ne sommes pas un parti totalitaire. Mon père et mon grand-père n’était pas des beys et mon fils ne le sera jamais». (Un titre attribué par les ottomans aux familles féodales dont les Joumblatt).
Hassan Nasrallah a voulu replacer les dissensions interlibanaises dans un cadre politique et non pas communautaire. Il a indiqué que la Résistance était appuyée aussi bien par des chiites que par des sunnites, des druzes et des chrétiens. De même que la coalition pro-occidentale du «14 mars» compte dans ses rangs des personnalités des différentes communautés. Dans ce cadre, il a tourné en dérision les tentatives de ses détracteurs de mettre en avant dans les médias des personnalités chiites hostiles au Hezbollah. «Nous n’avons jamais prétendu que nous n’avions aucun opposants parmi les chiites», a-t-il conclu sous un tonnerre d’applaudissements avant de disparaître entouré de ses gardes du corps.
par Paul Khalifeh
Article publié le 23/09/2006 Dernière mise à jour le 23/09/2006 à 11:56 TU