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Liban

Michel Aoun veut «reconstituer le pouvoir»

L'annulation du meeting pour cause de mauvais temps n'a pas empêché des milliers de partisans du général Aoun de se rassembler dimanche à l'entrée nord de Beyrouth. 

		(Photo : AFP)
L'annulation du meeting pour cause de mauvais temps n'a pas empêché des milliers de partisans du général Aoun de se rassembler dimanche à l'entrée nord de Beyrouth.
(Photo : AFP)
La violente tempête qui s’est abattue sur le Liban n’a pas empêché des milliers de partisans de Michel Aoun de se rassembler à Beyrouth et dans d’autres villes du pays pour exprimer leur soutien au chef de l’opposition libanaise. L’ancien Premier ministre a exposé un programme politique exhaustif destiné à «reconstituer le pouvoir libanais». Première étape: la formation d’un cabinet d’union nationale.

De notre correspondant à Beyrouth

Les pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Liban ces dernières 24 heures ont poussé le parti du général Michel Aoun à annuler le rassemblement qu’il organisait à l’occasion du 16ème anniversaire de l’éviction de l’ancien Premier ministre par les troupes syriennes. Le 13 octobre 1990, l’armée syrienne fonçait sur le palais présidentiel de Baabda, où le général Aoun était retranché avec les troupes qui lui étaient fidèles. Cette bataille marquait la fin de la guerre du Liban mais le début de la tutelle syrienne sur le pays du cèdre, tutelle qui ne devait s’achever qu’avec le retrait des troupes de Damas, en avril 2005.

La violente tempête et l’annonce de l’annulation du meeting n’ont pas empêché des milliers de partisans du général Aoun de se rassembler à l’entrée nord de Beyrouth où devait avoir lieu la manifestation. Des convois motorisés composés de milliers de véhicules ont sillonné les rues de la capitale et des autres villes du pays, brandissant des drapeaux libanais, des fanions oranges, la couleur du Courant patriotique libre (CPL) et des portraits du général Aoun. Dès le matin et jusqu’en début d’après-midi, des embouteillages monstres ont bloqué les principales artères de la capitale et les autoroutes qui y mènent.

Ce rassemblement était très attendu aussi bien par les partisans et les alliés que par les détracteurs du général Michel Aoun. L’enjeu, crucial, portait sur la représentativité du CPL. La coalition pro-occidentale du 14 mars affirme que la popularité du parti de Michel Aoun, qui avait obtenu 75% des suffrages chrétiens lors des élections du printemps 2005, est en chute libre en raison de son rapprochement avec le Hezbollah. A travers ce rassemblement auquel plus de 300 000 personnes étaient attendues, le général Aoun, qui dirige le plus important bloc parlementaire chrétien (22 députés sur 128), voulait prouver qu’il jouissait toujours de la confiance de son électorat. Le test est partiellement réussi. Car même si le meeting n’a pas pu se tenir, les routes du Liban ont été littéralement envahies par une «vague orange» qui n’est pas sans rappeler celle qui s’est produite lors du retour de France de Michel Aoun, le 7 mai 2005, après 15 ans d’exil.       

Un programme détaillé

Michel Aoun n’a pas pu s’adresser à la foule, mais il a quand même lu son discours lors d’une conférence de presse improvisée. Il a exposé sa vision du Liban, a avancé des solutions pour régler les crises qui secouent le pays et proposé un cadre pour les relations avec la Syrie. «C’est un plan de sauvetage détaillé et réaliste», a commenté un haut responsable du CPL. «C’est un programme présidentiel», a critiqué un député membre de la coalition du 14 mars.

Pour Michel Aoun, la solution à la crise multidimensionnelle que traverse le Liban passe, avant tout, par la formation d’un cabinet d’union nationale. Ce gouvernement aura pour principale tâche d’élaborer une loi électorale «juste et équitable» et d’organiser des élections législatives anticipées. Ensuite, le Parlement issu de ce scrutin élira un nouveau président de la République qui désignera, à son tour, un Premier ministre. Bien que représentant le courant chrétien le plus large, le parti de Michel Aoun n’est pas représenté au gouvernement. Les chrétiens qui y siègent sont membres du mouvement du 14 mars.

La vision du général Aoun rejoint celle du Hezbollah qui réclame également la formation d’un cabinet d’union nationale et des élections anticipées. Mais le «14 mars», qui dispose de la majorité au Parlement (71 députés sur 128), affirme qu’il faut commencer par élire un nouveau président (le mandat d’Emile Lahoud s’achève en novembre 2007) avant d’envisager de former un gouvernement d’union.

Michel Aoun a violemment attaqué le gouvernement actuel de Fouad Siniora, l’accusant de diriger le pays avec une «mentalité partisane», de promouvoir la corruption et de bafouer les règles de la «démocratie consensuelle» en vigueur au Liban. «Ceux qui ont appuyé les Syriens en 1990 sont les mêmes que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui», a-t-il dit. Il a qualifié la coalition au pouvoir de «majorité illusoire qui a introduit le Liban dans la politique des axes», en allusion à l’alignement du gouvernement sur la politique américaine au Proche-Orient. Selon lui, le gouvernement n’a rien fait pour «s’opposer à l’agression israélienne, se contentant de jouer le rôle de médiateur entre la Résistance (le Hezbollah) et les Nations unies», lors de la guerre des 33 jours, en juillet et août. L’ancien Premier ministre a refusé de participer à une nouvelle conférence de dialogue national. «La seule solution à la crise est de former un cabinet d’union nationale qui rétablira l’équilibre au sein du pouvoir», a-t-il martelé.

Le discours de Michel Aoun consacre la division du pays en deux camps diamétralement opposés : le CPL, le Hezbollah et leurs alliés d’un côté. La coalition pro-occidentale du 14 mars, de l’autre. Il s’agit d’une division politique et non pas confessionnelle, même si la colonne vertébrale du premier camp est constituée des chiites et des chrétiens, et celle du 14 mars des sunnites et des druzes.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 15/10/2006 Dernière mise à jour le 15/10/2006 à 17:29 TU