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Génocide rwandais

Bruguière accuse Kagame

Le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière. 

		(Photo : AFP)
Le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière.
(Photo : AFP)
Huit ans après le début de son enquête sur l'attentat qui a déclenché le génocide rwandais de 1994, le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière s'apprête à lancer des mandats d'arrêt internationaux contre neuf membres de l'entourage du président rwandais, Paul Kagame. Il a également recommandé des poursuites contre le président rwandais devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) . Le juge français enquête sur l'attaque de l’avion qui avait coûté la vie au président rwandais, Juvénal Habyarimana, en avril 1994.

Le juge antiterroriste français, Jean-Louis Bruguière, qui enquête sur l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais le 6 avril 1994, va bientôt émettre des mandats d’arrêt internationaux contre des dirigeants historiques du Front patriotique rwandais (FPR). Selon le magistrat français, l’attaque de l’avion, un Falcon 50 du président rwandais d’alors, Juvénal Habyrimana, était une opération « planifiée » par Paul Kagame et son état-major de la rébellion du FPR. Les missiles sol-air, SAM 14 et SAM 16, utilisés pour abattre l’avion présidentiel, seraient des armes dont disposait la rébellion, contrairement à l’armée régulière «sous-équipée».

Au terme de son enquête, Jean-Louis Bruguière réclame des poursuites contre l’actuel président Paul Kagame, pour sa «participation présumée» à l’attentat du 6 avril 1994. Le juge français demande également l’arrestation de certains imminents dirigeants du FRP. Il s’agit de : James Kabarebe, chef d’état-major de l’armée rwandaise, Faustin Nyamwasa-Kayumba, l'actuel ambassadeur du Rwanda en Inde, Charles Kayonga, le chef d'état-major de l'armée de terre, Jackson Nkurunziza (plus connu sous le nom de Jack Nziza, ancien responsable des renseignements militaires), Rose Kabuye (dirigeante du FPR), Samuel Kanyemera, Jacob Tumwine, et les deux tireurs présumés, Franck Nziza et Eric Hakizimana.

La réponse du berger à la bergère

Les autorités actuelles rwandaises ont qualifié «d’allégations totalement infondées» les révélations du juge français. La rébellion du FPR arrivée au pouvoir en juillet 1994 avait accusé la France de collusion avec le régime du président Juvénal Habyarimana (Hutu) qui aurait planifié les opérations de liquidation physique des Tutsis. De retour d’Arusha (Tanzanie) où se tenaient les négociations de paix avec la rébellion du FPR, l’avion présidentiel avait été abattu le 6 avril 1994 alors qu’il s’apprêtait à atterrir à Kigali. Cet attentat qui a aussi coûté la vie au président burundais Cyprien Ntaryamira et à trois membres d’équipage français, a été le fait déclencheur du génocide des Tutsis et Hutus modérés. Selon les Nations unies, il y a eu au moins 800 000 morts entre avril et juillet 1994.

La prise du pouvoir par le FPR avait mis fin au génocide, mais ses dirigeants ont reproché à la communauté internationale une certaine passivité «coupable». La Mission des Nations unies au Rwanda (Minuar), qui avait un rôle d’observation depuis 1993 et qui comptait 4 000 soldats, s’est retrouvée à quelque 270 hommes seulement au moment des tueries en 1994. Par ailleurs, le nouveau pouvoir rwandais a accusé la France, par son opération militaro-humanitaire «Turquoise», d’avoir favorisé la fuite des «génocidaires» vers le Zaïre, actuelle République démocratique du Congo. En 1998, une mission parlementaire française avait rejeté toute implication de la France dans le génocide, mais avait souligné «une certaine responsabilité due à une erreur globale de stratégie et à des dysfonctionnements institutionnels». En avril dernier, le Rwanda installait une commission d’enquête sur «le rôle de la France avant, pendant et après le génocide».

L’évolution que connaît actuellement le dossier rwandais est «très positif, même si cela risque de paraître comme une réponse du berger à la bergère», reconnaît Raphaël Constant l’avocat d’un des «présumés cerveaux du génocide» jugé par le TPIR. «Ce sont des jeux politiques plutôt qu’une procédure judiciaire», a déclaré Tharcisse Karugarama, le ministre rwandais de la Justice.

par Didier  Samson

Article publié le 21/11/2006 Dernière mise à jour le 21/11/2006 à 19:05 TU