Funérailles nationales
Le Liban enterre Pierre Gemayel
(Photo : AFP)
Le pays du Cèdre est en deuil pour trois jours. Toutes les cérémonies prévues, ce mercredi, pour le 63ème anniversaire de l’indépendance du pays ont été annulées en hommage au ministre chrétien, tué mardi dans la banlieue de Beyrouth par un commando armé de fusils automatiques munis de silencieux. Un garde du corps qui l’accompagnait dans sa voiture a également été tué.
Pierre Gemayel, 34 ans, refusait systématiquement les escortes. Des milliers de personnes se sont déplacées à Bekfaya, pour rendre hommage à l’ancien ministre qui était député du parti des Phalanges chrétiennes Kataëb. Il appartenant à la majorité parlementaire anti-syrienne qui accuse Damas d’être à l’origine de ce meurtre et de plusieurs autres attentats contre des politiciens libanais.
Accusations contre la Syrie
Amine Gemayel, père du ministre assassiné et ancien président de la république, a déclaré mercredi sur la chaîne de télévision française LCI que «tout prête à croire que c’est le comportement habituel de la Syrie de liquider ses comptes au Liban, par ce genre de procédé diabolique, par des assassinats». Mais Amine Gemayel avait appelé mardi les libanais au calme et à éviter les vengeances.
Le député et chef druze, Walid Joumblatt, a également accusé mercredi le régime syrien du président Bachar al-Assad : «que le maître de Damas sache qu’il ne fera pas peur aux Libanais même s’il s’acharne dans les assassinats». La Syrie dément avec vigueur toute implication dans le meurtre de Pierre Gemayel. Damas avait déjà nié être à l’origine de la série d’attentats commis au Liban, notamment celui qui a provoqué la mort de Rafic Hariri. L’ambassadeur syrien aux Nations unies affirme que ses accusations visent à ternir la réputation de son pays. La presse syrienne, contrôlée par le pouvoir, affirme que cet attentat est «une bouée de sauvetage» pour le gouvernement de Beyrouth qui a «perdu sa légitimité».
Tensions internes
L’assassinat de Pierre Gemayel risque de provoquer des incidents dans le pays et d’aggraver la tension entre le gouvernement libanais et l’opposition favorable à la Syrie et qui veut disposer d’une minorité de blocage. Six ministres chiites du Hezbollah et du mouvement Amal se sont démis de leurs fonctions il y a deux semaines. Ils protestaient ainsi contre la décision du cabinet de Fouad Siniora qui allait approuver le 13 novembre dernier la création d’un tribunal international spécial chargé de juger les responsables d’assassinats politiques au Liban. L’assassinat du ministre chrétien a obligé le Hezbollah à renoncer aux manifestations qu’il prévoyait d’organiser pour provoquer la chute du gouvernement.
Quelques heures après l’assassinat de Pierre Gemayel, le Conseil de sécurité approuvait à l’unanimité la création d’un tribunal spécial chargé de juger les meurtriers de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, tué en février 2005 avec 22 autres personnes lors d’un attentat à la camionnette piégée. La Syrie avait également été soupçonnée d’avoir organisé ce dernier attentat ainsi que d’une douzaine d’autres attaques meurtrières, commises depuis octobre 2004. La commission d’enquête internationale mandatée par les Nations unies met en cause directement des responsables des services de sécurité syriens et leurs alliés libanais.
Condamnation internationale
Le Pape Benoît XVI a «condamné fermement l’attentat brutal» qui a provoqué la mort du ministre libanais de l’Industrie, dénonçant «les forces obscures» qui cherchent à détruire le Liban. Le Premier ministre britannique Tony Blair a déclaré «nous ne savons pas qui est responsable de cet acte, mais d’évidence cela était destiné à saper l’autorité du gouvernement libanais et c’est absolument inacceptable». Les gouvernements de plusieurs Etats du Moyen-Orient, notamment l’Egypte et Israël, ont eux aussi exprimé leurs craintes au sujet de la situation au Liban, après l’assassinat de Pierre Gemayel. La Ligue arabe et l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) ont appelé à l’unité des Libanais.
Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, qui représentera la France lors des funérailles de Pierre Gemayel, a refusé de «désigner des coupables à ce stade, même si après ce nouvel attentat qui fait suite à tant d’autres, chacun peut se faire une opinion. C’est une déstabilisation qui est aujourd’hui en marche au Liban. Il faut répondre par la plus grande fermeté, répondre à cet assassinat par le courage. Le Liban a besoin de nous. Il a besoin d’être un pays libre et a besoin de la restauration de son état de droit ». Le chef de la diplomatie française a aussi souligné le manque de confiance qui prévaut entre Damas et la communauté internationale.
Le président américain George Bush a téléphoné mercredi au Premier ministre libanais pour lui exprimer son «engagement inébranlable à soutenir la démocratie et l’indépendance libanaise contre les empiètements de l’Iran et de la Syrie». L’administration américaine est inquiète car cet attentat peut remettre en cause les efforts de Washington en vue d’établir un nouveau dialogue avec la Syrie et aussi avec l’Iran au sujet de la restauration de la sécurité en Irak. Or le gouvernement de Bagdad a rétabli ses relations avec la Syrie après une rupture d’un quart de siècle. Cette démarche était fermement appuyée par la Maison Blanche.
par Antonio Garcia
Article publié le 22/11/2006 Dernière mise à jour le 22/11/2006 à 19:48 TU