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Génocide rwandais

Entre justice et politique

Dominique de Villepin alors ministre français des Affaires étrangères est reçu à Kigali le 22 septembre 2002 par le président Paul Kagame. 

		(Photo : diplomatie.gouv.fr)
Dominique de Villepin alors ministre français des Affaires étrangères est reçu à Kigali le 22 septembre 2002 par le président Paul Kagame.
(Photo : diplomatie.gouv.fr)

En annonçant son intention de délivrer des mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de neuf personnalités proches du président rwandais, Paul Kagame, contre lequel il demande à l'ONU de saisir la justice internationale, le juge français, Jean-Louis Bruguière, jette un coup de froid sur les relations franco-rwandaises. Dans un entretien à France culture, Paul Kagame prophétise que «les choses vont certainement se dégrader entre la France et le Rwanda». Il traite aussi le juge Bruguière d'imposteur. «Si c'était un juge, lance-t-il, il aurait dû soulever la question de l'implication de la France dans le génocide». De leur côté, les autorités politiques françaises invoquent  le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs en France pour se refuser à tout commentaire. 


«Il faut distinguer entre une procédure judiciaire, que nous n'avons pas à commenter et des relations entre la France et le Rwanda, que nous souhaitons poursuivre», a déclaré Jean-Baptiste Mattéi, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. La diplomatie française s’est plutôt appliquée à vanter la bonne tenue des relations franco-rwandaises en citant pêle-mêle des programmes d’échanges culturels, de coopération médicale, d’appui aux hôpitaux rwandais, de décentralisation en matière de justice et de maintien de la paix en Afrique à travers le «programme Recamp». C’est aussi le moment choisi par le ministère des Affaires étrangères pour rappeler que la France a annulé, cette année, la totalité de la dette publique rwandaise à son égard d’un montant de 45 millions d’euros et que l’Agence française de coopération étendrait bientôt ses compétences au Rwanda.

En rappelant ces différents engagements, les autorités françaises espèrent récupérer d’une main ce que l’action judiciaire pourrait détruire de l’autre. A moins que tout ceci ne soit savamment bien pensé. Pour les autorités rwandaises, le juge antiterroriste français ne peut évoquer des poursuites contre les hautes autorités rwandaises, sans que le pouvoir politique n’ait été alerté. La collusion entre les conclusions et recommandations du juge Jean-Louis Bruguière et les «complicités françaises» paraissent évidentes pour les autorités rwandaises. Les accusations du juge Bruguière, flirtant avec des considérations politiques, s’inscrivent dans une logique de démonstration par tous les moyens de la responsabilité des autorités actuelles rwandaises dans le génocide de 1994.

«Raisons de sécurité» 

Le juge français accuse Paul Kagame et le Front patriotique rwandais (FPR) d'avoir abattu l'avion de leur adversaire de l'époque, l'ancien président Juvénal Habyarimana dans le seul but de conquérir le pouvoir. Et cela, au mépris des réactions qu’un attentat contre Juvénal Habyarimana pouvait entraîner. En faisant porter la responsabilité politique des événements sur le  FPR et sans justifier le génocide, le magistrat français explique les raisons de ce qu'il considère comme des représailles des Hutu contre les Tutsi. Il relativise d’autant la responsabilité des extrémistes hutu, en notant par ailleurs que les missiles qui ont abattu l’avion présidentiel ne pouvaient être détenus par l’armée régulière, alors qu’une mission parlementaire française avait noté le contraire.

La coïncidence du rapport de Jean-Louis Bruguière avec les velléités de la commission d’enquête rwandaise d’entendre éventuellement certaines personnes en France ne semble pas anodine. Surtout lorsqu’on la raccroche au refus de Paris d’autoriser un officier français à être auditionné à Arusha. En effet, le colonel Grégoire de Saint-Quentin en fonction à Kigali lors des événements et cité par la défense d’un accusé, devait être entendu par le TPIR à Arusha. Mais Paris s’est opposé à son déplacement pour «des raisons de sécurité».



par Didier  Samson

Article publié le 22/11/2006 Dernière mise à jour le 22/11/2006 à 19:46 TU

Audio

Paul Kagame

Le président du Rwanda sur France Culture

«Jean-Louis Bruguière est un imposteur. Je me demande quel est son degré d'impartialité car il aurait dû s'intéresser à l'implication de la France dans le génocide.»

[23/11/2006]

Paul Kagame

Le président du Rwanda sur France Culture

«Je ne sais rien à propos de ces missiles évoqués par Bruguière... Mais si je me souviens bien, cette histoire de missiles a été écartée par la mission d'enquête parlementaire française... et il y avait beaucoup de doute sur cette affaire.»

[23/11/2006]

Paul Kagame

Le président du Rwanda sur France Culture

«Aujourd'hui le Rwanda a conquis sa liberté et il ne peut plus être influencé par des fanfarons comme les Français.»

[23/11/2006]

Paul Kagame

Le président du Rwanda sur France Culture

«La France était au coeur du génocide rwandais alors comment peut-elle se permettre de juger qui que ce soit ?»

[23/11/2006]

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