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Union européenne-Russie

Négociations mal engagées au Sommet d’Helsinki

Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski (à d.) et le Premier ministre Matti Vanhanen (à g.) pour qui le sommet d'Helsinki est une chance pour la coopération russo-européenne mais la Pologne oppose son veto. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski (à d.) et le Premier ministre Matti Vanhanen (à g.) pour qui le sommet d'Helsinki est une chance pour la coopération russo-européenne mais la Pologne oppose son veto.
(Photo : AFP)
L’ouverture du Sommet d’Helsinki (Finlande), ce vendredi 24 novembre, doit donner le coup d’envoi des négociations autour d’un vaste accord économique russo-européen. Le dossier porte sur la définition d’un nouvel accord de partenariat stratégique entre l’UE et la Fédération de Russie, jugé vital par les Européens en ce qui concerne leur sécurité énergétique. Le problème majeur sera sans doute le refus, maintenu par Moscou, de ratifier la Charte européenne de l’énergie. La Finlande, qui assume la présidence tournante de l’Union européenne a encore tenté, en vain, mercredi, d’aplanir le différend russo-polonais, mais les deux pays restent campés sur leurs positions. En outre, mercredi, la Russie a fait planer la menace d’un embargo sur l’ensemble des exportations communautaires de produits d’origine animale à partir du 1er janvier 2007.

Le président du Parlement finlandais, Paavo Lipponen présente le sommet d’Helsinki comme «une chance pour la promotion de la coopération russo-européenne et pour le renforcement de l'interdépendance économique positive des deux parties, dont les intérêts sont étroitement liés dans le secteur énergétique». Mais peut-on, en l’occurrence, parler vraiment d’«interdépendance» ? Paavo Lipponen, tout comme le Premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, est sûr que ce nouvel accord avec la Russie est surtout nécessaire à l'UE, de plus en plus inquiète de sa dépendance croissante envers les hydrocarbures russes. Pour que les pourparlers puissent commencer avec Vladimir Poutine, arrivé ce jeudi à Helsinki, il faut qu’il y ait approbation par les 25 Etats membres du mandat de négociations. Ce n’est pas encore le cas et les diplomates finlandais s’évertuent à essayer de trouver d’ici vendredi un accord politique entre tous les ambassadeurs de l’UE.

Le nœud du problème reste le veto de Varsovie. La Pologne bloque l’ouverture des négociations pour deux raisons : la première, à cause  du maintien depuis un an d’un embargo russe sur ses produits agro-alimentaires ; la seconde, parce qu’elle émet des réserves sur les objectifs de l’UE concernant la négociation du volet énergétique de cet accord. La Pologne préfèrerait que l’UE insiste pour que Moscou ratifie la Charte internationale sur l’énergie et le protocole de transit qui y est annexé. La Charte européenne de l’énergie prévoit des règles communes pour la production, la vente et le transit d’hydrocarbures.

Pour la Finlande, qui entretient de bonnes relations avec la Russie, cette situation «est un vrai cauchemar», estime l’analyste Antonio Missiroli du Centre de politique européenne à Bruxelles. Selon lui, «les Finlandais se retrouvent pris en otage par la Pologne». L’ensemble de l’UE comprend la colère des Polonais qui perdent quelque 400 millions d’euros annuels à l’export en raison de l'embargo russe. La Commission européenne est montée au créneau en faveur de la Pologne, dénonçant cet embargo russe comme «purement politique et disproportionné», selon le commissaire européen à la Santé et à la protection des consommateurs, Markos Kyprianou. En vertu de quoi, la Finlande a tenté mercredi, mais sans succès, de faire entériner par l’ensemble des Etats membres, deux courtes déclarations : l’une dans laquelle il est demandé à la Russie de lever l’embargo le plus vite possible, l’autre stipulant que les négociations sur le partenariat, une fois ouvertes, pourraient être suspendues à tout moment.

Or, non seulement, pour le moment, la Pologne bloque toujours mais voici que, de surcroît, la Russie fait monter la pression : depuis mercredi, les autorités russes laissent planer leur intention d’interdire toutes les importations de produits d’origine animale en provenance de l’UE à partir de janvier prochain, en raison de leurs «inquiétudes liées à l’adhésion [à l’UE , en janvier 2007] de la Bulgarie et de la Roumanie», a expliqué Philip Tod, porte-parole de la Commission européenne.

L’entrée de ces deux pays dans l’UE suppose que «leur viande puisse y circuler sans contrôle et être réexpédiée ensuite vers d’autres pays, ce qui nous inquiète», a expliqué le porte-parole des services sanitaires russes Alexeï Alexeïenko, évoquant la crainte de risques de fièvres porcines et préférant évoquer de «possibles mesures temporaires» plutôt qu'un embargo. Alexeï Alexeïenko a confirmé que, «si les procédures adéquates pour isoler les exportations porcines de Bulgarie sont mises en place, alors il n’y aura pas besoin de réduire les exportations en provenance du reste de l’UE», des exportations qui représentent annuellement près d’1,7 milliard d’euros.

La nécessaire unité de l’UE face aux enjeux énergétiques

Pourtant, l’UE est fortement intéressée par le lancement de négociations énergétiques lors de ce sommet. Les problèmes d’alimentation en gaz en janvier dernier et les interruptions de courant qui ont affecté une grande partie de l’UE au début du mois de novembre ont démontré que l’énergie constituait un dossier crucial pour l’Union européenne, laquelle importe environ 50% de sa consommation.  La Charte européenne de l'énergie prévoit, outre des règles communes de production et de commercialisation, des tarifs de transit unique. Le protocole de transit prévoit le libre accès, de tous les producteurs de pétrole et de gaz, au système de pipelines de tout pays adhérent à la Charte. Les Européens souhaiteraient y inclure des principes de transparence du marché et de sécurité des investissements étrangers en Russie, pour les aider à la sécurisation de leurs approvisionnements.

Mais la question du libre accès de tout pays adhérent à la Charte ne convient pas aux Russes qui, du coup, refusent de la ratifier. Les Russes ont prévu la construction de pipelines contournant les pays Baltes et la Pologne, ce qui inquiète cette dernière. Varsovie craint, si le texte n’est pas ratifié, de rester isolée du reste des 25 et de subir à terme des chantages de la part de la Fédération russe, laquelle pourrait s’appuyer sur la totale dépendance énergétique polonaise envers Moscou. Au final, la Russie reste essentiellement intéressée par la garantie d’achats d’hydrocarbures russes par les Européens et la Pologne, quant à elle, tient bon et tente d’utiliser sa voix comme un levier, au sein de la Commission  européenne, pour régler le différend qui l’oppose à la Russie.

Cette situation bloquée est embarrassante pour l’ensemble de l’UE qui a besoin de rester unie pour sécuriser les approvisionnements en provenance de son principal fournisseur. Le porte-parole de la diplomatie européenne, Javier Solana, a souligné que «la ruée du passé vers des territoires pourrait être remplacée par une ruée vers l’énergie qui protège les pays dictatoriaux». L’UE et ses valeurs pourraient bien alors se trouver marginalisées par l’utilisation de l’énergie comme d’un outil géopolitique. Javier Solana avertit : «Si nous ne parvenons pas à promouvoir une position unie et substantielle sur cette question, nos partenaires se joueront de nous».



par Dominique  Raizon

Article publié le 23/11/2006 Dernière mise à jour le 23/11/2006 à 12:35 TU