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L’Afghanistan au centre du sommet de Riga

Le sommet de l'Otan se tient à Riga, mardi 28 et mercredi 29 novembre 2006. 

		(Photo : www.nato.int)
Le sommet de l'Otan se tient à Riga, mardi 28 et mercredi 29 novembre 2006.
(Photo : www.nato.int)

L'Alliance atlantique se réunit les 28 et 29 novembre à Riga, capitale de la Lettonie, pays balte anciennement soviétique. Au centre de ce sommet, l'avenir de l'organisation qui joue sa crédibilité en Afghanistan, où la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Américains et Européens affichent leurs divergences sur un «partenariat global» proposé par Washington. La Russie, pour marquer son opposition à la tenue de ce sommet dans son ancienne sphère d'influence et à l'élargissement de l'Otan à certains de ses ex-satellites, organise un contre-sommet de la CEI à Minsk.


La flambée de violence en Afghanistan s’invite au sommet de l’Otan, les 28 et 29 novembre à Riga, la capitale lettone. Dimanche, 15 Afghans ont été tués dans une attaque-suicide dans le sud-est du pays, l'un des attentats les plus meurtriers cette année. Pendant ce temps, dans le sud, de violents combats ont fait une cinquantaine de morts dans les rangs des insurgés et un militaire de l’Otan a été tué. D’autre part, ce lundi, deux militaires canadiens ont été tués dans un attentat-suicide à l’est de Kandahar, dans le sud du pays, où sont stationnés les quelque 2 500 soldats canadiens déployés en Afghanistan.

Canadiens, Britanniques et Néerlandais constituent l’essentiel des 9 800 militaires basés dans le sud de l’Afghanistan, où l’Otan se trouve confrontée à une forte résistante des talibans. D’ailleurs, les autorités militaires néerlandaises ont récemment contesté la stratégie de combats intenses menés par l’Otan, considérant que sa mission «ne devait pas viser à éliminer les talibans mais à gagner la confiance des Afghans». D’autre part, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et la Turquie ont refusé jusque-là que leurs soldats, positionnés dans le nord et l’ouest, régions réputées plus calmes, soient envoyés en renfort dans le sud où les militaires de l’Otan sont particulièrement visés par des attentats.

C’est dans ce contexte que, au nom de la solidarité atlantique, les Etats-Unis exercent une forte pression sur leurs alliés de l’Otan pour obtenir la levée des restrictions sur l’emploi de leurs troupes, afin qu'elles soient autorisées à «participer aux combats». Le président Bush, déjà fortement contesté au plan intérieur sur la guerre en Irak, va essayer de convaincre ses alliés de s’engager davantage en Afghanistan pour éviter un échec qui pourrait avoir, pour lui, de graves conséquences politiques.

La France propose la création d’un «groupe de contact»

Lors d’un entretien téléphonique, ce lundi, avec son homologue américain, le président Jacques Chirac a expliqué son point de vue. Paris est prêt à envoyer des soldats en dehors de Kaboul, la capitale afghane, où sont déployés les 1 100 militaires français. Néanmoins, la France considère que la stratégie de l’Alliance en Afghanistan est trop centrée sur l'aspect militaire et que la dégradation de la sécurité dans le pays risque de faire de l’opération de maintien de la paix une opération d’imposition de la paix. Ainsi, plutôt que de renforcer la Force internationale de l’Isaf sous commandement de l’Otan, qui compte quelque 31 000 militaires, Paris préconise le renforcement du soutien au gouvernement du président Hamid Karzaï et propose la création d’un «groupe de contact», à l’image de ce qui existe pour le Kosovo et qui permettrait de rassembler les pays engagés, les organisations internationales et les pays de la région, ce qui signifie, aussi, l’Iran, pays qualifié de membre de l'«axe du mal» par le président Bush.

L’Alliance atlantique joue en Afghanistan sa crédibilité. En effet, l’Organisation qui se cherche une raison d’être depuis la fin de la Guerre froide effectue en Afghanistan sa première mission hors d’Europe, son espace d’intervention traditionnel. Or, même si officiellement le mandat de l'Otan en Afghanistan mêle l’humanitaire, le développement économique et la sécurité, l'organisation y effectue, en réalité, une mission de combat avec des pertes humaines à assumer.

Ainsi donc, malgré leur participation commune sur le terrain afghan, les membres de l’Alliance atlantique laissent percer de profondes divergences. C’est que, derrière le débat sur sa mission en Afghanistan, se profile une question plus stratégique, qui est celle de son avenir.

Opposition européenne à un «partenariat global»

Les Etats-Unis souhaitent le développement d’un «partenariat global». Le président Bush «voit dans l'Otan une organisation qui a maintenant à traiter de la sécurité dans des régions hors d'Europe», expliquait la semaine dernière Judy Ansley, du Conseil national de sécurité des Etats-Unis. Washington peut compter sur quelques-uns de ses plus fidèles alliés européens, notamment le Royaume-Uni, le Danemark et certains des plus récents adhérents d'Europe de l'Est pour appuyer sa position. Mais il rencontre aussi des opposants.

Le président américain George Bush devrait exposer sa vision stratégique pour l’avenir de l’Otan lors d’une conférence organisée à Riga, en marge du sommet, par l’Europe German Marshall Fund of the United States (GMFUS), un institut de promotion des échanges entre les Etats-Unis et l’Europe. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, Washington a réussi à imposer un élargissement de la mission de l’Otan et de son champ d’action. En novembre 2002, lors de son sommet à Prague, l’organisation a approuvé «un nouveau concept militaire de défense contre le terrorisme». Ainsi, le concept défini par l’administration Bush, la «guerre contre le terrorisme», est devenu le principal centre d’intérêt et d'action de l’Alliance. Depuis, les Etats-Unis défendent une mondialisation de l’Otan, malgré les réticences de certains pays européens, notamment, l’Espagne, l’Italie et la France.

La ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, estime que «l’Otan doit rester une organisation euro-atlantique». La France considère que le développement d’un «partenariat global» risquerait d'adresser un «mauvais message politique: celui d'une campagne à l'initiative des Occidentaux contre ceux qui ne partagent pas leurs conceptions», a affirmé la ministre française dans une tribune publiée récemment dans le journal Le Figaro.

La Russie organise un contre-sommet

Devant les oppositions européennes à l'idée que l’Otan ne se transforme en gendarme du monde, le secrétaire général de l’Alliance, Jaap de Hoop Scheffer, s’est empressé de déclarer avant l’ouverture du sommet de Riga que l’Otan n’a «ni les moyens, ni l’ambition» de le devenir. Néanmoins, le président Bush va proposer un partenariat spécifique de l’Alliance avec le Japon, l’Australie, la Corée du Sud, la Suède et la Finlande, proposition que les Américains ont baptisé «global partners» et qui constitue, pour eux, une priorité. D’autre part, le président Bush soutient l’adhésion à l’Otan de la Croatie, de la Macédoine et de l’Albanie. Le Sénat américain, dorénavant contrôlé par les démocrates, a d'ailleurs adopté la semaine dernière à l’unanimité un projet de résolution en faveur de l’adhésion de ces trois pays. Les candidats à l’entrée dans l’Organisation se pressent, notamment les pays de l’ex-bloc soviétique, ce qui n’est pas du goût de tout le monde, particulièrement du Kremlin.

La présence de l’Otan aux frontières de la Russie contrarie Moscou. Ainsi, l’organisation ce mardi, à Minsk, la capitale biélorusse, d’un sommet des pays de la CEI - qui regroupe douze anciennes républiques soviétiques - représenterait, selon les observateurs, un signe de mécontentement et un moyen de pression sur les éventuels candidats à l’adhésion à l’Otan. Dans la ligne de mire se trouveraient surtout l’Ukraine et la Géorgie, deux pays qui dépendent économiquement de la Russie et sont actuellement en contentieux avec Moscou.



par Elisa  Drago

Article publié le 27/11/2006 Dernière mise à jour le 27/11/2006 à 19:02 TU