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Afghanistan

Cinq ans après, les talibans sont toujours là

Le 12 novembre 2001, les soldats de l'Alliance du Nord entrent dans Kaboul. 

		(Photo : AFP)
Le 12 novembre 2001, les soldats de l'Alliance du Nord entrent dans Kaboul.
(Photo : AFP)

Cinq ans après la chute des talibans, le pays reste au bord du chaos malgré la présence d’une force internationale sous commandement de l'Otan. Cette année, plus de 700 civils afghans sont morts, victimes d’attentats à la bombe ou d’attaques suicide. Violence, corruption, chômage désespèrent les Afghans, tandis que les acteurs internationaux, Onu, Otan et Union Européenne se renvoient la balle avant le Sommet de l’Organisation de l'Alliance atlantique qui se réunira les 28 et 29 novembre prochains à Riga, la capitale de la Lettonie. L'Italie appelle à une nouvelle conférence internationale sur l'Afghanistan au moment où l'engagement militaire de la communauté internationale dans ce pays a montré ses limites.


Deux jours après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le président américain George Bush lance un ultimatum au régime taliban en place en Afghanistan, demandant l’extradition de l’ennemi numéro un des Etats-Unis, Oussama ben Laden, accusé d’avoir organisé ces attaques, et qui se cacherait quelque part en Afghanistan. Le 7 octobre 2001 était lancée l’opération «Liberté immuable».

Les bateaux de guerre de l’US Navy et leurs alliés britanniques de la Royal Navy lancent les premiers missiles de croisière Tomahawk sur les principales villes afghanes. Ensuite, et pendant douze jours, les bombardiers américains déversent un déluge de bombes sur l’Afghanistan. Le 12 novembre, sans l’autorisation des Américains, les combattants afghans anti-talibans de l’Alliance du Nord, composée essentiellement de Tadjiks, entrent sans difficulté dans Kaboul, la capitale, d’où s’étaient retirés précipitamment les talibans sur l’ordre de leur chef, le mollah Omar.

Cinq ans après, Ben Laden et le mollah Omar courent toujours et les talibans sont de retour malgré une forte présence militaire internationale, composée de 31 000 hommes sous commandement de l’Otan, épaulés par les 10 000 militaires de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis. Mais plus grave : l’insécurité persiste et les attentats suicide ont plus que triplé par rapport à l’année dernière. Les attentats suicide sont un phénomène nouveau qui crée la panique au sein de la population. «Plus de 700 civils afghans ont été tués depuis le début de l’année, parmi lesquels deux cents victimes d’attentats suicide», a déclaré le 2 novembre, à Bruxelles, le porte-parole de l'Otan, James Appathura.

«2006 a été l'année la plus sanglante pour les Afghans»

L’Afghanistan sera au centre des débats du Sommet de l’Otan, les 28 et 29 novembre prochains à Riga, capitale de la Lettonie, au moment où beaucoup s’interrogent sur les missions futures de l'organisation. L’enjeu est crucial pour la crédibilité de l’Organisation de l’Alliance atlantique qui, pour la première fois en 57 ans d’existence, s’est engagée en 2003 en Afghanistan dans sa première mission en dehors de la zone euro-altantique. En effet, créée le 4 avril 1949 pour garantir la sécurité de l’Europe occidentale contre la menace soviétique, pendant la Guerre froide, l’Otan s’est lancée aujourd’hui dans la guerre contre le terrorisme. Sa mission de sécurité en Afghanistan est hautement symbolique de ce combat. Et, depuis octobre dernier, elle s’est renforcée avec une couverture sur tout le territoire afghan. Néanmoins, l’Otan n’arrive pas à juguler la violence et à mater les talibans.

«L'année 2006 a été la plus sanglante pour les Afghans depuis que les Etats-Unis et leurs alliés ont chassé les talibans du pouvoir fin 2001», indique l'organisation américaine Human rights watch (HRW) qui dénonce de «sérieux abus» de la part des seigneurs de guerre locaux, notamment « 'appropriation illégale de terres, l'intimidation de journalistes et les violences ethniques». La présence de ces seigneurs de guerre dans le gouvernement central servirait à discréditer l’administration de Hamid Karzaï. L’ONG américaine note aussi un retour en arrière avec «la proposition du président Karzai de rétablir le ministère pour la Promotion de la vertu et la Prévention du vice, instauré à l'époque des talibans».

L’Afghanistan est un pays où la communauté internationale a joué «les apprentis sorciers» affirme, pour sa part, l’association française Action contre la faim (ACF) qui se demande si, malgré la volonté officielle, il existe une volonté réelle de sortir le pays de l’instabilité. Cinq ans après, aux yeux de la population, la situation a empiré. «Le coût de la vie a augmenté, les sources de revenu sont quasiment inexistantes, les problèmes de sécurité se multiplient et la légitimité du gouvernement est remise en cause», dénonce ACF qui note que les Afghans sont «frustrés, désabusés, effrayés» et craint que si l’insécurité persiste, les Afghans ne fassent le choix d’un retour à un régime autoritaire et fondamentaliste. Depuis 2001, la communauté internationale a promis «près de 30 milliards de dollars», mais l’Etat ne parvient pas à gérer les besoins de la population, déplore ACF.

Les Nations unies pressent l'Otan d'agir

L'Italie appelle à une nouvelle conférence internationale sur l'Afghanistan au moment où l'engagement militaire de la communauté internationale dans ce pays a montré ses limites, a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, Massimo D'Alema, en visite à Kaboul ce week end. Après plusieurs conférences (Bonn en novembre 2001, Tokyo en janvier 2002 et février 2003, Berlin en mars 2004 et Londres en janvier 2006) et malgré quelques dizaines de milliards de dollars d’aide internationale promise, la réalité est cruelle.

L’Afghanistan est le cinquième pays le plus pauvre du monde, d’après les données du PNUD, le Programme des Nations unies pour le développement. Et la culture du pavot, qui était déjà, à l’époque des talibans, l' une des premières ressources du pays, aurait atteint aujourd’hui des niveaux records. Elle est estimée à plus de 6 000 tonnes pour 2006. Le trafic de drogue serait contrôlé par des responsables au sein même du gouvernement, dénonce International crisis group (ICG) qui note la culture «d’immenses champs de pavot dans des régions sous contrôle du pouvoir central et des forces étrangères». Selon cette ONG, la première erreur des Américains et de leurs alliés serait de ne pas avoir octroyé assez de troupes et de ressources financières.

Avant le Sommet de Riga, l’aggravation de la situation afghane pousse les différents acteurs à se renvoyer la balle. Les Nations unies pressent l’Otan d' agir et de mettre un terme aux attaques des talibans dans le sud pour éviter que le pays «ne sombre dans le chaos (…) Sinon, la mission de l'Otan est absurde et inutile pour le maintien de la paix dans le Tiers-monde», a déclaré le représentant spécial des Nations unies en Afghanistan, l'Allemand Tom Königs, ajoutant que l’Otan doit faire des «efforts militaires énormes».

De son côté, le secrétaire général de l’Otan a jugé insuffisants les efforts fournis par l’Union européenne (UE) en Afghanistan. «L’Otan n’a pas pour mission de régler les problèmes de l’Afghanistan parce que la réponse n’est pas militaire. Le vrai problème est que l’Afghanistan n’est pas suffisamment sur l’écran-radar de l’Union européenne», a déclaré Jaap de Hoop Scheffer lors d’un récent colloque sur le thème de la mondialisation de l’Otan, où il a affirmé que l’UE devrait s’occuper de la formation de la police en Afghanistan.



par Elisa  Drago

Article publié le 10/11/2006 Dernière mise à jour le 10/11/2006 à 19:52 TU