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Afghanistan

La disette se profile, les talibans menacent

Le président afghan, Hamid Karzaï, et le chef de la Force internationale en Afghanistan, David Richards. Le président Karzaï a lancé ce lundi 23 octobre un appel «<em>aux musulmans du monde entier</em>» à&nbsp;aider l'Afghanistan à «<em>se débarrasser du terrorisme</em>». 

		(Photo : AFP)
Le président afghan, Hamid Karzaï, et le chef de la Force internationale en Afghanistan, David Richards. Le président Karzaï a lancé ce lundi 23 octobre un appel «aux musulmans du monde entier» à aider l'Afghanistan à «se débarrasser du terrorisme».
(Photo : AFP)
Tandis que la sécurité continue de se dégrader à travers le pays, la sécheresse met en péril des régions entières. L’Onu et les autorités afghanes lancent un appel à une contribution internationale d’urgence de 43 millions de dollars sous forme d’aide alimentaire, sanitaire et éducative. Faute de satisfaire les attentes de la population, les Afghans risquent de devenir hostiles aux troupes étrangères, a récemment averti le commandant des forces de l’Otan sur place.

Le président afghan, Hamid Karzaï, a célébré lundi, à Kaboul, l’Aïd el-Fitr – la fête marquant la fin du ramadan–, en lançant un message alarmiste devant la presse : « Nous demandons aux musulmans du monde entier d'entendre le cri de l'Afghanistan, d'entendre la douleur et la souffrance de la nation afghane, de venir en aide au peuple afghan et de nous aider à nous débarrasser du terrorisme ».

Déplorant la dégradation de la situation sécuritaire qui a fait quelque 3 000 morts, dont des centaines de civils, depuis le début de l’année, le chef de l’Etat afghan a dressé un lourd constat : « Tous les jours, il y a des attentats à la bombe, des assassinats de nos leaders religieux, de nos enseignants et des souffrances pour nos familles ». Il a ensuite appelé les Afghans vivant à l'étranger à « revenir dans leur pays, avec leurs frères et leurs sœurs, et travailler à la reconstruction et au bien-être de l'Afghanistan ».

Le Canada promet 30 millions de dollars

La sécheresse sévit dans le pays depuis plusieurs mois au point que, dimanche, les Nations unies et le gouvernement afghan ont lancé un appel conjoint à la communauté internationale. Plus de deux millions de personnes nécessitent une aide alimentaire d’urgence. C’est 200 000 de plus que ce qui avait été estimé au mois de juillet dernier. Montant des besoins : 43 millions de dollars, soit environ 50 000 tonnes de divers produits alimentaires, mais aussi d’équipements sanitaires, notamment pour l’eau. Les carences sont également criantes en matière de santé et d’éducation.

« Outre ces quelque 2 millions de personnes qui vont avoir besoin d’une aide alimentaire d’ici les prochaines récoltes prévues en avril, cet appel concerne également les 20 000 familles déplacées par le récent conflit dans les régions du Sud », a précisé Ameerah Haq, représentante spéciale adjointe de l’Onu pour l’Afghanistan, évoquant les régions d’Uruzgan, Helmand et Kandahar.

Le Canada vient de s’engager, lundi, à hauteur de 5 millions de dollars. Et, dans le cadre d’une coopération à plus long terme, Ottawa a promis l’octroi de près de 30 millions de dollars, notamment pour la construction d’écoles et l’intégration des femmes au marché du travail.

« La spirale de la violence »

Plusieurs facteurs aggravants expliquent l’urgence de la situation. D’abord, le trafic de drogue. Le ministre de la Réhabilition rurale, Mohammad Ehsan Zia, a concédé que l’Afghanistan ne serait pas confronté à de telles pénuries alimentaires si une part substantielle des surfaces agricoles n’était pas consacrée à la culture du pavot (plus de 6 000 tonnes en 2006, niveau record). Cette plante, d’où sont extraits l’opium et l’héroïne, est une véritable rente pour les paysans, mais surtout pour certains chefs de guerre et responsables politiques.

La dégradation de la situation sécuritaire entrave, également, l’ensemble du processus agricole, culture, transport et approvisionnement. Récemment, au cours d’une réunion du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité, Paris et Berlin ont exprimé leur préoccupation devant « la spirale de la violence » en Afghanistan, où ces deux pays disposent d’importants contingents. La France et l’Allemagne ont appelé à « une réponse globale de la communauté internationale », seule issue possible à leurs yeux.

Régulièrement, les quelque 40 000 soldats étrangers présents pour soutenir le gouvernement d’Hamid Karzaï – dont 30 000 composent la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (Isaf) – sont confrontés aux attaques des talibans et des rebelles islamistes liés à al-Qaïda, qui reviennent en force et multiplient les embuscades. Une centaine de soldats étrangers ont péri au combat cette année dans le pays.

Vers une mission encore plus difficile

Lundi, le jour-même où le président Karzaï lançait son appel à l’aide, le chef des talibans, le mollah Mohammad Omar, a promis une guerre à outrance contre les forces étrangères en Afghanistan, dans un long message publié sur un site internet où il s’en prend également au régime de Kaboul. « Les prochains mois verront une intensification et une plus grande organisation de la résistance contre les croisés (…) L'Amérique et ses alliés seront vaincus ».

A l’avenir, la mission de la force internationale risque de s’avérer plus difficile encore. Le chef de la Force internationale en Afghanistan, le général britannique David Richards, estime ainsi que si la communauté internationale tarde trop à améliorer la situation générale et à satisfaire les attentes de la population, celle-ci pourrait lui devenir hostile.

« Mes soldats et les troupes britanniques dans la province de Helmand sont encore les bienvenus, les gens veulent que nous réussissions », a déclaré le général, la semaine dernière, sur la chaîne de télévision britannique Sky News. « Mais la question est de savoir combien de temps nous mettrons à réussir, parce que les aspirations constamment frustrées [des Afghans] et les promesses non tenues vont peu à peu tourner la population contre nous ».



par Philippe  Quillerier

Article publié le 23/10/2006 Dernière mise à jour le 23/10/2006 à 16:28 TU