Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afghanistan

Retour des talibans ?

Cinq ans après avoir été chassés du pouvoir, conséquence indirecte des attentats du 11 septembre, les talibans ont revendiqué ces derniers jours l’assassinat d’un gouverneur provincial dans l’Est, ainsi que l’attaque suicide la plus meurtrière qu’a connu Kaboul depuis 2001. Par ailleurs, ils continuent à résister aux forces de sécurité étrangères et afghanes dans le sud du pays.

De notre correspondante à Kaboul

Kaboul le 8 septembre : l'attentat-suicide perpétré par les talibans a causé la mort de 16 personnes, dont 14 civils afghans.  

		(Photo : Anne Le Troquer/RFI)
Kaboul le 8 septembre : l'attentat-suicide perpétré par les talibans a causé la mort de 16 personnes, dont 14 civils afghans.
(Photo : Anne Le Troquer/RFI)

Le gouverneur de la province de Paktia, au sud-est de l’Afghanistan, n’a pas vu le kamikaze venir à sa rencontre alors qu’il montait dans sa voiture ; son garde du corps et son secrétaire ont également été tués. Cent quatre-vingt-six talibans n’ont pas vu non plus arriver les soldats afghans et canadiens dans la nuit noire de la campagne du Panjwaï, près de Kandahar, ancien fief du mollah Omar, dans le Sud de l’Afghanistan. Cinq ans après l’assassinat du commandant Massoud et les attentats de New York qui allaient déclencher l’intervention internationale contre le régime taliban, protecteur d’Oussama Ben Laden, la jeune démocratie afghane n’a jamais été aussi fragile.

L’Afghanistan fait face à une montée des violences depuis le début de l’année - plus de 2 500 morts-, et est affaibli par l’indécision gouvernementale et la lenteur de la reconstruction, minée par la corruption et le trafic d’opium qui n’a jamais été aussi élevé. Venus pour assurer le maintien de la paix et lutter contre le terrorisme, les 40 000 hommes des deux coalitions internationales (opération Liberté immuable dirigée par les Américains et la force internationale d’assistance à la sécurité menée par l’Otan) empêchent maintenant la rébellion talibane de reconquérir le sud et l’est du pays et cherchent toujours Ben Laden et le mollah Omar.

Britanniques et Canadiens avouent publiquement leurs difficultés

L’opération militaire en cours dans le Panjwaï illustre leurs difficultés. Depuis son déclenchement le 2 septembre, l’offensive «Méduse» dont l’objectif est de chasser les talibans installés entre Kandahar et la capitale de la province voisine du Helmand afin de permettre aux déplacés de revenir dans leurs villages avant d'y lancer l'aide à la reconstruction, a fait environ 540 morts dans les rangs des insurgés et 21 parmi les troupes internationales. Mais les talibans résistent encore. Ils seront très probablement vaincus en raison de la supériorité numérique et technologique de l’Otan, mais il est possible qu’ils reviennent s’installer dans quelques semaines, comme en mai, comme en juin.

Malgré la formation en cours et le soutien d’experts d’occidentaux, les forces de sécurité afghanes ne peuvent pas maintenir l’ordre. Mal équipées, payées 50 dollars par mois -quand leurs supérieurs ne se mettent pas leurs soldes dans la poche-, les troupes étrangères ne peuvent pas compter sur elles. Le conseil de l’Alliance, réuni à Varsovie ce week-end, a d’ailleurs décidé d’envoyer 2 500 hommes en renfort, mais aucun de ses membres ne semble presser d’envoyer des soldats alors que les Britanniques et Canadiens, majoritairement stationnés dans cette région, avouent publiquement leurs difficultés.

Le général Ed Butler, commandant des troupes anglaises dans la province du Helmand a déclaré à une chaîne de télévision britannique que ses subordonnés pouvaient être attaqués jusqu’à 12 fois par jour. «Ces assauts sont d’une extraordinaire intensité et d’une férocité bien plus grandes, en comparaison de celles prises au quotidien en Irak.» Les militants anti-gouvernementaux arrivent pour l’instant à reconstituer leurs rangs en dépit des lourdes pertes subies depuis le début de l’année : près de 2 000 hommes, si l’on en croit les communiqués de l’Otan et de la coalition, difficilement vérifiables. Les jeunes Afghans déçus de leur gouvernement, désoeuvrés et souvent analphabètes, sont faciles à convaincre.

La frontière afghano-pakistanaise est incontrôlable

Par ailleurs, les rebelles continuent à disposer de sanctuaires au Pakistan pour entraîner et endoctriner leurs recrues. Même si le président pakistanais, le général Pervez Musharraf en visite la semaine dernière à Kaboul, a tenu à assurer ses voisins de son engagement dans la lutte contre les islamistes chez lui, la frontière afghano-pakistanaise est incontrôlable. Tout le monde s’accorde enfin sur le lien entre l’explosion record de la culture de l’opium et du trafic de drogue et la résistance du mouvement. Alors, dans les allées du pouvoir à Kaboul, les murmures se font de plus en plus forts, il faut tendre la main aux insurgés.

«Il y a eu les élections l’an dernier, rappelle Neik Mohammad Kabouli, analyste politique. Depuis les députés ont énormément appris : au début ils se comportaient mal, s’insultaient tout le temps, maintenant des seigneurs de guerre demandent la parole. Il faut faire pareil avec les talibans, les insérer dans le jeu démocratique.» Le mois dernier le représentant des Nations unies en Afghanistan affirmait que l’instabilité actuelle résultait notamment de l’exclusion des «étudiants en religion» de la conférence de Bonn en décembre 2001, à l’origine de l’Afghanistan d’aujourd’hui.

par Anne  Le Troquer

Article publié le 11/09/2006 Dernière mise à jour le 11/09/2006 à 15:32 TU