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Afghanistan

«Méduse», l’offensive «déterminante»

Patrouille britannique à Kaboul, le 22 août 2006. Les forces occidentales font face à une intensification de la rébellion talibane. 

		(Photo: AFP)
Patrouille britannique à Kaboul, le 22 août 2006. Les forces occidentales font face à une intensification de la rébellion talibane.
(Photo: AFP)
Les forces internationales déployées en Afghanistan ont lancé le week-end dernier une offensive qualifiée de «déterminante» contre les talibans dans le sud du pays. Selon le commandement de l’Isaf, l’opération «Méduse» est la plus importante campagne terrestre lancée par des troupes de l’Otan. Il s’agit également de sa plus vaste offensive contre les talibans. L’objectif est de créer les conditions de sécurité qui permettraient d’entreprendre les actions de reconstruction et de développement de la région, impossibles à mener en l’état actuel de la situation.

De notre correspondante à Kaboul

La bataille fait rage. Elle serait l'une des plus intenses depuis le début de l'engagement des troupes étrangères en Afghanistan fin 2001. «Serait», car aucun journaliste ne peut se rendre sur place et l’Otan diffuse peu d’informations pour des raisons de sécurité. L’opération aéroterrestre «Méduse» a débuté samedi matin. Environ 2 000 soldats de l’Isaf (Force internationale d'assistance à la sécurité) et de l’armée afghane se sont lancés à l’assaut du district de Panjwaï, bastion des talibans situé à trente-cinq kilomètres à l’ouest de Kandahar, capitale du sud de l’Afghanistan.

Au cœur d’une zone semi désertique, cette région agricole, le long de la rivière Argandab et de la route qui relie Kaboul à Hérat (principale ville à l’Ouest), aurait subi plus de 24 heures de bombardements intensifs ainsi que des assauts au sol. 200 à 230 rebelles auraient été tués, 80 arrêtés, selon l’Otan qui a perdu 5 soldats canadiens, dont un victime de ses collègues lors d’un raid aérien dimanche. C’est dans le cadre de cette offensive aussi qu’un avion de reconnaissance de la Royal Air Force s’est écrasé samedi dans la province de Kandahar, tuant quatorze militaires britanniques. L’objectif de l’opération est «de libérer Panjwaï de la menace des talibans et de stabiliser la situation afin que la reconstruction dont on a tellement besoin et les projets de développement puissent reprendre», a expliqué le commandant Scott Lundy, porte-parole de l’Isaf à Kandahar.

Un succès serait bienvenu pour l'Otan

L’Isaf espère le retour des quelque 3 000 habitants qui ont fui la région en raison des intenses affrontements. Le commandant en chef de l’Alliance en Afghanistan, le général britannique David Richards, a d’ailleurs qualifié cette reconquête de «pivot». Un succès serait en effet bienvenu pour l'Otan qui, plus d'un mois après avoir pris la direction des opérations militaires dans le Sud, n'a pu commencer son volet développement, au coeur de sa stratégie, alors qu’elle a promis les premiers résultats concrets d'ici octobre.

Mais au milieu des vignes, au cœur des fermes entourées de hauts murs, l’ennemi semble résister. «Les rebelles ont commencé à fortifier leurs positions et à mettre des sacs de sable autour de certains bâtiments, à amener des munitions, a expliqué le porte-parole de l’Alliance. Selon des indications, ces combattants talibans sont des vétérans endurcis, pas les soldats d'un jour comme nous en voyons parfois.» Une volonté d’en découdre confirmée par les premiers soldats rentrés du front : «Franchement, j'ai été surpris de la résistance, a déclaré le major Geoff Abthorpe, à l’agence de presse canadienne. J'avais pourtant l'impression qu'on allait leur donner un solide coup de poing.»

Dès que les soldats se replient, les insurgés reprennent leurs positions

C’est au moins la cinquième offensive sur le Panjwaï depuis le printemps, et le contingent canadien y a perdu plusieurs de ses membres. Mais dès que les soldats se replient sur leur base de Kandahar, les insurgés reprennent leurs positions. Seuls quelques policiers et soldats afghans, mal payés, mal équipés, y sont basés. Et personne ne semble réellement savoir à qui les troupes ont à faire derrière l’appellation officielle «ennemis de l’Afghanistan». «Les insurgés comprennent autant des enfants de réfugiés, qui ont été éduqués dans les écoles religieuses pakistanaises, que de jeunes afghans sans travail», a déclaré récemment Tom Koenigs, représentant spécial des Nations unies en Afghanistan. «Les anciens talibans au pouvoir, tous installés au Pakistan, se félicitent de la situation, mais ils ne maîtrisent pas un groupe uni, analyse un membre des renseignements à Kaboul. Beaucoup de rebelles adhèrent à l’idée d’être contre le gouvernement, mais ce sont de vrais militants, des miliciens à la botte d’anciens seigneurs de guerre ou des trafiquants de drogue.»

Enfin les estimations de quelque 2 000 combattants publiées en début d’année se révèlent fausses. Si l’on en croit les décomptes officiels, au moins 1 500 talibans auraient perdu la vie depuis le 1er janvier. Et tout en résistant dans le Panjwaï, les rebelles ont continué à tenter de prendre d’assaut des postes de police dans les provinces de Helmand (sud), de Parwan (à 50 km au nord de Kaboul) ce week-end et ils ont revendiqué l’attaque suicide perpétrée lundi matin dans la capitale qui a tué un soldat britannique et au moins trois civils afghans.

par Anne  Le Troquer

Article publié le 05/09/2006 Dernière mise à jour le 05/09/2006 à 14:43 TU

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Karim Pakzad

Spécialiste de l'Aghanistan, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques

«La reconstruction de Afghanistan, sous l'égide de la communauté internationale, est un echec. L'administration est largement corrompue. C'est l'argent de la drogue qui finance la reconstruction du pays et non l'aide internationale.»

[04/09/2006]

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