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Afghanistan

Semaine de sang pour l'Otan

L'Isaf a perdu sept hommes en quatre jours, après sa prise de contrôle des opérations militaires sur les six provinces du sud de l’Afghanistan. 

		(Photo : Anne Le Troquet/RFI)
L'Isaf a perdu sept hommes en quatre jours, après sa prise de contrôle des opérations militaires sur les six provinces du sud de l’Afghanistan.
(Photo : Anne Le Troquet/RFI)
En prenant, le 31 juillet dernier, le commandement militaire jusqu'ici confié aux Américains, sur les six provinces du sud du pays, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) savait, bien sûr, que la mission de sa Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) serait difficile dans cette région sillonnée par les talibans. Elle s'avère sanglante avec la mort, mardi, de trois soldats britanniques dans la province d'Helmand et celle, jeudi, de quatre soldats canadiens, dans la province voisine de Kandahar.

De notre correspondante à Kaboul

Des soldats canadiens tentaient hier de restaurer la sécurité sur la route n°1, la seule route asphaltée du pays qui relie Kaboul à Hérat (Ouest) en passant par le Sud. Or à l’ouest de Kandahar, ancien fief des talibans et principale ville méridionale, des talibans présumés et des bandes criminelles sèment la terreur depuis le printemps avec des bombes artisanales et des barrages destinés à bloquer cet axe afin de contrôler les voitures et de terrifier les populations. Les Canadiens, 2 300 en charge de la province de Kandahar, ont mené à plusieurs reprises des opérations de ratissage dans cette région, et en particulier dans le district de Panjwaï, depuis mai. Ils y ont perdu plusieurs hommes. Mais jeudi, la journée a été particulièrement sanglante. Bilan : quatre soldats tués, une dizaine de blessés et une attaque-suicide qui visait probablement un convoi. Elle a fait 21 morts parmi les civils.

L'Isaf a déjà perdu sept hommes, quatre jours après sa prise de contrôle des opérations militaires dans les six provinces du sud de l’Afghanistan. Trois soldats britanniques sont morts mardi lors d’une embuscade dans le nord de la province du Helmand, à l’ouest de Kandahar. Ce jeudi, c’est à quelques dizaines de kilomètres de Kandahar que l’hécatombe a débuté. Vers 4h du matin, heure locale, une bombe artisanale a explosé au passage d’un véhicule blindé de l’armée canadienne, tuant un jeune caporal d’Edmonton et blessant un de ses collègues. Trois heures plus tard, même incident quasiment au même endroit près du village de Pashmul et trois autres militaires blessés.

Voiture piégée et lance-roquettes

En milieu de journée, alors qu’un convoi venait renforcer la présence des troupes dans ce secteur, une voiture piégée a explosé au cœur d’un bazar se trouvant entre Kandahar et le village de Pashmul. Au moins 21 Afghans y ont perdu la vie, dont de nombreux enfants. Et parmi la douzaine de blessés, à nouveau des soldats étrangers, mais l’Otan se refuse à faire le lien entre ces différents incidents. Enfin une heure et demie après ce deuxième attentat le plus meurtrier de l’année en Afghanistan, un groupe de talibans présumés ont surgi d’une école, toujours dans cette même bourgade. Armés de lance-roquettes, ils ont fait feu sur les troupes. Trois Canadiens sont à nouveau tombé au combat et 6 ont été blessés. Leur riposte aurait fait plusieurs morts parmi les rebelles, 25 selon un premier bilan.

«C’est un prix élevé à payer, mais l’Isaf va continuer à soutenir le gouvernement et ses forces de sécurités alors qu’ils s’attaquent aux talibans. Nous aurons l’occasion de prévenir, interrompre ou démanteler leur insurrection », a déclaré le général canadien, David Fraser, commandant de l’Isaf pour la zone sud. Mais pas question de parler d’échec, notamment parce que, la population collabore. Selon un porte-parole du commandement à Kandahar, ce sont des habitants du coin qui sont venus demander l’aide de l’Isaf ces derniers jours et c’est pour cela qu’ils sont intervenus. De là à parler d’un piège…

L’Isaf a expliqué à plusieurs occasions qu’elle s’attendait à une augmentation des attaques avec ce changement de direction dans les forces internationales. Plusieurs experts, comme le journaliste pakistanais Ahmed Rachid, spécialiste du mouvement fondamentaliste, avaient aussi prévenu que les rebelles profiteraient de la période de flottement inhérente à tout transfert de pouvoir. Les rebelles talibans - mais aussi d’autres groupes armés nombreux dans cette région qui est l’une des plus importantes au niveau de la production de pavot et d’opium - veulent tester la détermination des troupes et des gouvernements qui les ont déployés. «Les insurgés ne sont pas plus bêtes que les autres, confie un diplomate occidental qui, comme souvent, ne veut pas dire son nom. Eux et leurs alliés sont au courant de l’actualité, ils savent que le Premier ministre canadien a dû mal à faire accepter cette mission à ses compatriotes, donc je suis persuadé qu’ils les attaquent en partie pour cela».

Selon un sondage effectué mi-juillet pour le journal Globe and Mail et pour CTV, médias canadiens, 39% seulement des personnes interrogées soutiennent la mission afghane, contre 55% en mars dernier. Les Canadiens ont perdu 23 soldats et un diplomate depuis leur arrivé en Afghanistan en 2002, dont 15 ces six derniers mois.



par Anne  Le Troquer

Article publié le 04/08/2006Dernière mise à jour le 04/08/2006 à TU