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Afghanistan

Le prix d'une bavure jamais reconnue

L'une des victimes du raid aérien du 22 mai 2006. «<em>C'était des tirs de précision, pas un gros bombardement</em>», avait alors affirmé la coalition. 

		(Photo : AFP)
L'une des victimes du raid aérien du 22 mai 2006. «C'était des tirs de précision, pas un gros bombardement», avait alors affirmé la coalition.
(Photo : AFP)

La coalition Liberté immuable conduite par les Etats-Unis va verser 90 000 dollars en réparation d'une de ses pires bavures. Jamais admise par l'état-major, elle a coûté la vie d'une trentaine de civils au moins dans un village du sud du pays, en mai dernier.


De notre correspondante à Kaboul

Dans la nuit du 21 au 22 mai, des avions de chasse américains ont bombardé un village du sud de l’Afghanistan, non loin de Kandahar. Entre 16 et 37 femmes, enfants et vieillards avaient été tués, la plus importante bavure de l’opération Liberté immuable depuis le bombardement d’une cérémonie de mariage en 2002 qui avait laissé une quarantaine de morts et une soixantaine de blessés. La coalition vient d’annoncer, trois mois plus tard, qu’elle va allouer 90 000 dollars (environ 70 000 euros) au village.

C’est un demi-aveu pour la force «immuable» qui n’a jamais reconnu son erreur. «Depuis cette opération, les forces de la coalition et l'agence américaine d'aide au développement international (USAID) ont mis sur pied un plan très complet d'assistance au village, basé sur les besoins exprimés par ses responsables», indiquait mercredi le colonel Tom Collins, porte-parole de l’opération Liberté immuable à Kaboul. L’USAID pourrait notamment fournir de la nourriture, apporter un soutien agricole et reconstruire une école.

Il faudra attendre que la sécurité revienne

«L'assistance à ce village est liée aux conditions de sécurité. Lorsqu’elles seront réunies, alors des travailleurs humanitaires et des soldats spécialisés dans les actions civiles se rendront sur place», précise le porte-parole qui a aussi expliqué que la coalition avait versé directement des compensations aux familles des victimes, sans en faire la publicité car elle craint que les rebelles en profitent pour racketter ces personnes. Le district de Panjwaï reste en effet l’un des plus dangereux du sud du pays malgré plusieurs opérations de ratissage sur le terrain menés par les troupes canadiennes en charge de cette région et plusieurs bombardements. Autre bémol : si le montant de l’aide est conséquent, il faudra tout de même faire un choix dans les projets, la construction d’une école coûtant entre 50 000 et 200 000 dollars.

Le 21 mai, des soldats américains et afghans avaient repéré environ 200 talibans à proximité d'un groupe de villages, connu sous le nom d'Azizi, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Kandahar. Un affrontement avait eu lieu entre la coalition et les rebelles, qui avaient trouvé refuge dans des habitations. Affirmant à l'époque ignorer que des civils étaient sur les lieux, les soldats de la coalition avaient demandé un appui aérien. «On a attaqué un groupe de talibans qui se déplaçaient en terrain découvert», avait affirmé Tom Collins dans la semaine qui avait suivi cette bavure. «Ils se sont réfugiés dans des habitations en nous tirant dessus, nous avions alors le droit de nous défendre. C'était des tirs de précision, pas un gros bombardement», assurait-il alors.

Le bilan civil aurait été sous-estimé

Officiellement, le raid aérien aurait fait entre 36 et 76 victimes parmi lesquelles de 20 à 60 talibans et seize civils. C’est sur cette base qu’a été calculée l’aide de 90 000 dollars. Mais, de nombreux témoignages recueillis à l’hôpital de Kandahar dans les jours qui suivirent ce bombardement laissent à penser que le bilan civil a été sous-estimé. La commission indépendante afghane de défense des droits de l'homme parle de 37 morts. Selon la presse locale, au moins huit maisons auraient été totalement détruites.

La coalition s’est toujours refusée à reconnaître son erreur et le commandant en chef de Liberté immuable, le général américain Karl Eikenberry, avait été réprimandé officiellement par le président Hamid Karzai. Habituellement, la coalition comme la Force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf, troupes de l’Otan en Afghanistan), offrent un dédommagement lorsqu’elles provoquent un accident de la circulation ou blessent un civil. Ainsi les Américains auraient versés 110 000 dollars de compensation aux familles après l’accident de camion qui a tué entre 1 et 5 Kaboulis le 29 mai dernier - le nombre exact des victimes n’est toujours pas officiel -, accident qui avait déclenché de violentes émeutes dans la capitale.

En revanche, accorder une telle aide à un village apparaît comme une première qui intervient alors que l’Otan - qui a pris le commandement des opérations militaires dans les six provinces du sud le 31 juillet à la place de la coalition - veut augmenter l’aide au développement, accusant indirectement les Américains ne pas avoir fait assez dans ce domaine.



par Anne  Le Troquer

Article publié le 17/08/2006Dernière mise à jour le 17/08/2006 à TU