Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

A la recherche d’une paix régionale

George Bush et Nouri al-Maliki, lors de la visite inopinée du président américain, à Bagdad, en juin 2006. 

		(Photo : AFP)
George Bush et Nouri al-Maliki, lors de la visite inopinée du président américain, à Bagdad, en juin 2006.
(Photo : AFP)
Le président Bush est actuellement en Europe et, à partir de mercredi, il va chercher des solutions au conflit irakien avec Nouri al-Maliki, le chef du gouvernement irakien. Ces rencontres de deux jours, en Jordanie, interviennent moins d’une semaine après l’attentat le plus sanglant en Irak depuis la fin de la guerre. Et la politique du président Bush a été sanctionnée par les électeurs américains à l’occasion des élections de mi-mandat.

Les entretiens entre le président américain et le chef du gouvernement irakien interviennent à un moment où les deux leaders politiques sont affaiblis dans leurs pays. Les Américains, lassés de la guerre en Irak, ont porté au pouvoir un Congrès à majorité démocrate à l’occasion des élections de mi-mandat. Et en Irak, malgré la constitution d’un gouvernement rassemblant toutes les composantes ethniques et confessionnelles du pays, les attentats restent quotidiens. La semaine dernière, dans la banlieue de Bagdad, plusieurs voitures piégées ont provoqué la mort de 202 personnes. C’était l’attaque la plus sanglante depuis 2003. Ce mardi encore, 10 personnes au moins ont été tuées, soit dans l’explosion de voitures piégées, soit par des hommes armés.

Agitation régionale

Ces situations doivent conduire le président américain et le chef du gouvernement irakien à s’entendre pour trouver les moyens de ramener la paix en Irak. Sur le terrain, les militaires américains semblent anticiper un éventuel changement. Ils sont invités tout à la fois à être plus prudents pour leur sécurité et à prendre plus en compte la souffrance de la population. «Gardez à l’esprit que les Irakiens ne sont pas tous du mauvais côté, même si c’est quelquefois difficile de s’en souvenir parce que les insurgés se fondent dans la population. Mais il y a aussi beaucoup de familles qui habitent le quartier». C’est le genre de propos que tient désormais un lieutenant de Marines avant le départ d’une patrouille.

George W. Bush se rend donc en Jordanie pour y rencontrer un chiite, le chef du gouvernement irakien. A Bagdad, les autres ministres chiites de son équipe lui mènent la vie dure. Ils menacent de démissionner, comme d’ailleurs les ministres sunnites, si la violence n’est pas jugulée. Malgré cette volonté affichée de voir l’Irak retrouver la paix civile, un autre chiite, le chef Moqtada Sadr, garde une attitude radicale. Il a annoncé que son groupe politique quitterait le gouvernement si ces entretiens d’Amman avaient vraiment lieu.

Comme pour préparer ces entretiens, le Premier ministre irakien a, tout récemment, changé d’approche concernant la situation chaotique de son pays. Jusqu’à présent, Nouri al-Maliki reportait la responsabilité de la violence sur des agents étrangers et des extrémistes. Dimanche, le leader politique chiite a déclaré que «les actes terroristes sont le reflet de la situation politique. Ceux qui peuvent faire cesser le sang de couler, ce sont les hommes politiques. Si ceux-ci se mettent d’accord et font en sorte qu’il n’y ait ni gagnant, ni perdant, ils peuvent sauver l’Irak».

Cette approche réaliste a été amplifiée par une déclaration du secrétaire général des Nations unies. Kofi Annan a affirmé que l’Irak était «presque en guerre civile». Ces mots «guerre civile» sont désormais utilisés par plusieurs médias américains pour parler du conflit irakien. Mais l’administration Bush rejette ces termes. A Tallinn, la capitale estonienne, où il a fait étape avant de se rendre au sommet de l’Otan à Riga, en Lettonie, le président américain a répété qu’il refusait de parler de «guerre civile» en Irak, indiquant, lui, que les violences de ces derniers mois relevaient d’une tentative de déstabilisation du pays par des extrémistes.

A la veille de sa rencontre avec le numéro deux irakien, le président américain semble rester sur les mêmes positions. Pourtant, George W. Bush doit certainement connaître les grandes lignes d’une enquête parlementaire américaine faisant le bilan de la présence américaine en Irak, enquête qui n’a pas encore été rendue publique. Ce groupe d’études sur l’Irak (GEI), codirigé par un ancien secrétaire d’Etat, James Baker, estime que Washington devrait prendre une initiative diplomatique pour sortir de la crise. Des fuites, dans plusieurs journaux américains, suggèrent d’impliquer l’Iran dans la résolution du conflit.

L’Iran, le recours

Comme en écho à une nouvelle stratégie proposée par James Baker - ancien collaborateur de Bush père - le président irakien, Jalal Talabani, actuellement en visite à Téhéran, a déclaré : «Nous avons besoin de l’aide étendue de l’Iran pour lutter contre le terrorisme et restaurer la sécurité et la stabilité en Irak». Malgré cette tentative d’ouverture, Bush junior veut continuer de garder ses distances avec Téhéran. Il a déclaré que c’était à l’Irak de décider si ses voisins iranien et syrien devaient être plus impliqués dans le rétablissement de la sécurité.

Profitant de la rencontre imminente entre Bush et al-Maliki et de la présence, à Téhéran, du président irakien, l’Iran fait monter les enchères. Pour Ali Khamenei, guide suprême iranien, la première condition pour rétablir la sécurité en Irak est le départ des Américains. Le représentant de la plus haute autorité de l’Etat iranien s’est également livré à une attaque en règle contre les Etats-Unis, leur imputant la responsabilité du chaos en Irak. L’ayatollah Khamenei a par ailleurs estimé «qu’aider à rétablir la sécurité est un devoir religieux et humain», sans préciser les moyens nécessaires pour y parvenir.

Comme le républicain James Baker, l’ancien président démocrate Jimmy Carter a critiqué le refus exprimé jusqu’ici par le président Bush de dialoguer avec les dirigeants syrien et iranien. «Ce sont les politiques les plus contre-productives que je connaisse de ne parler aux gens, qui sont en désaccord avec vous, que s’ils acceptent par avance tout ce que vous exigez», a déclaré Jimmy Carter à la télévision américaine.

L’association Human Rights Watch (HRW), quant à elle, profite de la rencontre entre le président américain et le chef du gouvernement irakien, à Amman, pour alerter sur l’aspect humanitaire du conflit. Human Right Watch estime que plus d’un million d’Irakiens ont été obligés de fuir leur pays depuis le début du conflit. L’organisation demande au président Bush de profiter de son séjour pour intervenir auprès de la Jordanie afin qu’elle cesse de traiter ces réfugiés comme des immigrants illégaux.



par Colette  Thomas

Article publié le 28/11/2006 Dernière mise à jour le 28/11/2006 à 15:40 TU