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Cuba

Fidel Castro : une si longue absence

Lors des festivités en l’honneur de son anniversaire comme lors du défilé militaire marquant les cinquante ans des débuts de la révolution cubaine, Fidel Castro était absent, ce qui a déconcerté les Cubains, qu’ils lui soient favorables ou non. Cela fait plus de quatre mois que le Comandante n’est pas apparu en public, depuis une opération chirurgicale fin juillet, après 47 ans passés à la tête du pays.

De notre correspondante à La Havane

A La Havane, le rideau tombe à la fin des festivités d'anniversaire organisées en l'honneur de Fidel Castro mais en son absence. 

		(Photo: José Goitia)
A La Havane, le rideau tombe à la fin des festivités d'anniversaire organisées en l'honneur de Fidel Castro mais en son absence.
(Photo: José Goitia)

Ce samedi 2 décembre, l’avenue Paseo, qui débouche sur la Place de la Révolution de La Havane, est pleine de monde depuis les petites heures du matin. Etudiants, travailleurs et habitants de la capitale sont rassemblés là selon leur catégorie, prêts à défiler juste à la suite des militaires, sur la pente de Paseo. Une foule massive : 300 000 personnes, ont annoncé les autorités quelques jours auparavant.

Lors des répétitions, au cours de la semaine, des instructions ont été données : les participants devaient venir en chaussures sans talon, car il faudrait parcourir en courant les quelques centaines de mètres séparant le point de départ de la tribune d’honneur, afin de raccourcir de moitié la durée du défilé.

Pour les Cubains, en l’absence d’informations sur le sujet de la part des autorités, ce genre d’indices signifie l’assistance certaine de Fidel Castro : convalescent, il ne pourra pas rester longtemps en plein air, mais il sera là, présent, après plus de quatre mois sans apparaître en public.

Aussi, quand, à huit heures du matin, les salves lançant le défilé sont tirées et que Raul Castro prend la parole, tout le monde reste surpris. « Nous sommes préoccupés, explique Diana, qui travaille dans une entreprise d’Etat. J’aurais aimé qu’il soit là, mais sa santé passe avant tout ». Déconcertée, elle oscille entre optimisme et confusion quant à l’avenir : « Je suis sûre que Fidel sera là pour longtemps… et sinon, il y a Raul, lui aussi peut assumer le pouvoir ; d’ailleurs il le fait déjà, sous la tutelle de Fidel ». Pour elle, l’alternative est une chose nouvelle, comme pour la majorité des Cubains : « Je n’ai pas connu d’autre dirigeant que lui : j’ai 40 ans seulement, je suis née et j’ai grandi dans la révolution ».

« Cuba est Fidel »

Un peu plus loin, Dagoberto, tee-shirt rouge comme la majorité des participants autour de lui, se lance dans une évocation lyrique de Fidel Castro, au-delà de son absence : « Je suis Fidel, le peuple est Fidel, Cuba est Fidel : il nous a sorti de l’obscurité en 1959. Et s’il n’est pas là aujourd’hui, la Place de la révolution est quand même pleine de lui ».

Mais malgré ces formules, la déception est patente sur les visages et dans les conversations privées. Les Cubains, faisant fi des contingences physiques, ne veulent pas croire que Fidel ait manqué à sa parole : car c’est lui-même qui avait évoqué la date du 2 décembre, dans sa « Proclamation au peuple cubain » du 31 juillet.

Surtout, le 2 décembre – qui marque les cinquante ans du début de la geste révolutionnaire, lors du débarquement de Fidel Castro et de 80 guérilleros sur les côtes sud de l’île – représente tellement pour cet homme si attaché aux symboles et aux anniversaires, que tous pensaient que l’occasion était trop belle : « Il sera là, c’est sûr, même s’il doit mourir le lendemain », expliquait une ouvrière plus tôt dans la semaine. Dans ces circonstances, son absence relance les doutes et les rumeurs, à Cuba comme à l’étranger, sur son état de santé actuel.

La grande discrétion de Raul Castro

Une autre conséquence de l’absence de Fidel Castro, samedi matin, est de placer de nouveau son frère cadet Raul au premier plan. Raul Castro, ministre des Forces armées depuis 47 ans, et second de son frère dans toutes ses charges politiques, a, en effet, été désigné le 31 juillet dernier pour assumer le pouvoir en son absence.

Pourtant, c’est avec une grande discrétion qu’il a assumé jusque là ses nouvelles fonctions : peu de discours, presque aucune apparition médiatique, une attitude qui contraste fortement avec l’omniprésence de son frère aîné dans la vie publique cubaine durant 47 ans.

Et, de façon symptomatique, Raul Castro n’est jamais présenté officiellement comme le président qu’il est, même de façon intérimaire. Le titre reste réservé exclusivement à Fidel Castro, bien qu’il ait lui-même délégué ses pouvoirs pendant son absence.

Mais cette absence, justement, se prolongeant, et les spéculations sur le retour éventuel au pouvoir de Fidel Castro se faisant plus lointaines, Raul Castro semble affirmer progressivement son empreinte sur la politique cubaine.

Ainsi, dans le bref discours qu’il a prononcé samedi, il a évoqué pour la seconde fois en moins de quatre mois sa disposition à négocier avec les Etats-Unis, sous certaines conditions, afin de « résoudre le long différend entre nos deux pays ».

Cette main tendue renouvelée, dans un domaine jusque là exclusivement réservé à Fidel Castro, marque peut-être le début d’un transfert, encore imperceptible, dans l’exercice du pouvoir cubain.

par Sara  Roumette

Article publié le 03/12/2006 Dernière mise à jour le 03/12/2006 à 10:34 TU

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