Irak
Rapport Baker : «Pas de formule magique».
(Photo : AFP)
Le président des Etats-Unis s’est senti obligé de souligner que le rapport Baker contenait «une évaluation très dure de la situation en Irak. Nous prendrons très au sérieux chacune des propositions et agirons le moment venu». Après s’être entretenu pendant près d’une heure avec plusieurs membres du Groupe d’études, George Bush a probablement voulu couper court aux rumeurs évoquées par les médias à Washington et selon lesquelles l’équipe de la Maison Blanche considérait que le président ne serait pas obligé de prendre en compte les conclusions de cette commission, qui auraient ainsi seulement un «caractère consultatif». Les observateurs dans la capitale américaine soulignent que la marge de manœuvre de Bush s’est entre-temps réduite, avec la victoire des démocrates aux élections de mi-mandat le 7 novembre.
Le document d’une centaine de pages qui a été remis officiellement au président américain à la Maison Blanche est assez pessimiste en considérant que «la situation en Irak est grave et se détériore. Il n’y a pas de chemin garantissant le succès même si les perspectives peuvent être améliorées». Le rapport souligne aussi que «les conséquences seront sérieuses, si la situation continue de se détériorer et qu’un glissement vers le chaos pourrait entraîner l’effondrement du gouvernement irakien et une catastrophe humanitaire. Les pays voisins pourraient intervenir». L’ISG craint que «des affrontements entre sunnites et chiites pourraient se propager et Al-Qaïda pourrait remporter une victoire de propagande». Selon le rapport Baker-Hamilton «la position mondiale des Etats-Unis pourrait se retrouver diminuée».
Le Groupe d’études recommande également à la présidence des Etats-Unis d’exercer des pressions sur le gouvernement irakien, si ce dernier «ne fait pas des progrès substantiels vers des objectifs de réconciliation nationale, sécurité et gouvernance». Washington réduirait ainsi son soutien politique, militaire et économique à Bagdad, ce qui semble être en contradiction avec le souhait d’éviter la dégradation de la situation.
Retrait des forces combattantes
La partie la plus attendue des conclusions du Groupe d’études sur l’Irak concerne le retrait des troupes américaines déployées dans ce pays depuis près de quatre ans, lors du renversement du régime de Saddam Hussein. Près de 2 900 militaires américains ont été tués et quelques 22 000 ont été blessés en Irak depuis mars 2003. Le rapport ne recommande pas de calendrier précis concernant le rapatriement des 140 000 soldats américains, tout en se limitant à fixer un objectif : «d’ici le premier trimestre 2008, en liaison avec la situation sécuritaire sur le terrain, toutes les brigades de combat qui ne sont pas nécessaires pourraient être retirées de l’Irak».
Le document qui inclut près de 80 recommandations signale, notamment, que «la mission principale des forces armées américaines devrait évoluer vers un soutien apporté à l’armée irakienne, qui devrait prendre en charge les opérations de combat». Cela signifie que les soldats américains devront être intégrés («embeded ») dans les unités de l’armé irakienne, en tant qu’instructeurs ou conseillers. Le Groupe insiste sur la nécessité pour les Irakiens de prendre en charge une part plus importante des responsabilités militaires, car l’armée américaine ne doit pas se maintenir «indéfiniment» dans ce pays.
La publication du rapport de la commission Baker-Hamilton intervient après les déclarations de Robert Gates, ancien responsable de la CIA, qui doit succéder à Donald Rumsfeld à la tête du Pentagone, le département de la Défense. Gates a affirmé mardi, lors d’une audition devant une commission du Sénat, que les Etats-Unis ne sont pas en train de gagner la guerre en Irak et il s’est aussi déclaré hostile à toute attaque contre l’Iran et la Syrie.
Réactions à Londres, à Bagdad et à Ramallah
De son coté le Premier ministre britannique Tony Blair, qui doit s’entretenir jeudi avec George Bush à Washington, a aussi admis que la guerre n’était pas en train d’être gagnée en Irak, tout se déclarant déterminé à «continuer de soutenir ceux qui sont en faveur de la démocratie». Le chef du gouvernement de Londres, qui répondait mercredi aux questions au parlement, a également rappelé la nécessité d’augmenter les capacités opérationnelles de l’armée irakienne. Un peu plus de 7 000 soldats britanniques sont déployés en Irak, depuis le début du conflit, mais leur retrait total devra intervenir d’ici un an.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a aussi réagi mercredi à la publication du rapport Baker, en affirmant qu’il avait «bien diagnostiqué la situation». Outre la question irakienne proprement dite, ce rapport souligne qu’il doit y avoir aussi «un engagement renouvelé et permanent des Etats-Unis envers une solution globale de paix au Proche-Orient. Cet engagement doit comprendre des discussions directes avec et entre Israël, le Liban, les Palestiniens - ceux qui acceptent le droit à l’existence d’Israël - et la Syrie».
La Maison Blanche s’est déclarée à plusieurs reprises contre l’idée de discuter avec Damas et avec Téhéran. Mais il faut noter que le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki (musulman chiite) a annoncé mardi son intention d’envoyer des délégations dans les pays voisins, pour «organiser une conférence internationale pour combattre le terrorisme». Il a également prévu d’organiser une conférence de réconciliation nationale mais a refusé l’idée d’un conférence internationale avancée par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. Des responsables irakiens se sont d’ailleurs déclarés mercredi victimes d’un jugement «injuste» de la part des Américains, suite à la publication du rapport Baker : «nous sommes tous sur le même bateau, nous ne combattons pas seulement les criminels internes, mais le terrorisme international», a déclaré un député du parti du Premier ministre Maliki. La commission a été aussi critiquée du fait de n’avoir pas consulté certains secteurs de la société irakienne, notamment les kurdes.
Le Groupe d’études sur l’Irak, composé de dix personnalités, a été crée en mars 2006, à l’initiative des membres des partis démocrate et républicain du Sénat et de la Chambre des représentants. Pour établir ce rapport, l’ISG a consulté un grand nombre de dirigeants gouvernementaux américains et irakiens, ainsi que des responsables militaires, des chefs d’entreprise et des experts des ONG opérant en Irak. James Baker est connu pour être très proche de la famille Bush et pour être également lié à la famille royale saoudienne.
Le rapport Baker est disponible (en anglais) sur le site de l'Institut des Etats-Unis pour la paix.
http://www.usip.org/isg/iraq_study_group_report/report/1206/index.html
par Antonio Garcia
Article publié le 06/12/2006 Dernière mise à jour le 06/12/2006 à 18:55 TU