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Irak

Pendaison de Saddam : enquête sur la vidéo pirate

Extrait de la vidéo pirate de l'exécution de Saddam Hussein, réalisée avec un téléphone portable. 

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Extrait de la vidéo pirate de l'exécution de Saddam Hussein, réalisée avec un téléphone portable.
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Le Premier ministre Nouri al-Maliki s’est dit déterminé à punir l'auteur de la vidéo pirate de la pendaison de l’ex-dictateur, dans laquelle on entend certains témoins scander le nom du leader chiite radical Moqtada Sadr. Cette séquence, non officiellement autorisée, a probablement été filmée, avec un téléphone portable, par un haut responsable du gouvernement irakien, avant d’être diffusée sur internet. Une commission d’enquête a été nommée. L’affaire est d’autant plus embarrassante qu’elle a accru l’indignation au sein de la communauté sunnite irakienne et dans le monde arabe.


Qui a filmé clandestinement la pendaison de Saddam Hussein ? Qui a diffusé la vidéo sur internet ? L’affaire tourne au scandale d’Etat en Irak, au point que le Premier ministre, Nouri al-Maliki, a ouvert une enquête, affirmant vouloir punir le responsable, quel qu’il soit. «Des comptes devront être rendus», a déclaré Khoudaïer al-Khouzaï, qui assure l'intérim du ministre de la Justice, en déplacement à l’étranger. «L'exécution aurait dû avoir lieu conformément aux critères les plus élevés de discipline et de respect pour le condamné, à la fois avant et après sa mort».

La commission d’enquête comprend trois personnes, selon le porte-parole et directeur des opérations du ministère de l’Intérieur, le général Abdel Karim Khalaf, qui a ajouté qu’elles menaient «leur travail de façon confidentielle (…) Celui qui est responsable de la diffusion des images sera puni».

Saddam Hussein a été pendu samedi dernier, à l’aube, sous l’autorité du pouvoir irakien. L’exécution s’est déroulée dans une caserne des renseignements militaires de Khadamiyah, un quartier du nord de Bagdad à majorité chiite. Quelques heures après, la chaîne de télévision publique Iraqia diffusait une séquence muette d’une vingtaine de secondes montrant les derniers instants de l’ancien dictateur, sans l’exécution elle-même. Ces images officielles avaient été réalisées par le service de communication du Premier ministre.

«Un divorce sans retour entre chiites et sunnites»

Dés le lendemain, sur internet, circulait une vidéo clandestine, sonore cette fois, montrant l’intégralité de l’exécution. De qualité médiocre, d’une durée de 2 minutes 30, elle avait visiblement été filmée avec un téléphone portable. Ponctuée d’exclamations et de slogans au moment où Saddam Hussein invoque Allah, elle révèle que des témoins, après la mort du condamné, ont proféré des cris de vengeance et clamé le nom de Moqtada Sadr, le chef radical chiite.

Selon un témoin de la pendaison, Mounqeth al-Faroun, procureur général auprès du Haut tribunal pénal irakien – l’instance qui avait condamné Saddam Hussein pour «crimes contre l’humanité» –, seules deux personnes sur la vingtaine assistant à l’exécution avaient été autorisées à conserver sur elles leur téléphone portable. Interrogé par la chaîne de télévision du Qatar al-Jazira, le procureur a refusé de les nommer, affirmant toutefois qu’il s’agissait de hauts responsables du gouvernement.

Aux yeux des observateurs, les soupçons semblaient notamment se porter, mercredi, sur le conseiller national à la Sécurité, Mouaffaq al-Roubaïe, présent au moment des faits. Il restait, mercredi, injoignable par les journalistes. D’ores et déjà, l'«un des gardes» ayant assisté à la pendaison «a été arrêté» dans le cadre de l'enquête, a déclaré à l'AFP un porte-parole du Premier ministre, Haydar Majid.

En tout cas, cette affaire embarrasse au plus haut point le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki. Selon Salim al-Djibouri, un des responsables du Front de la concorde, principale formation politique sunnite, ces images font planer un doute sur la volonté de réconciliation nationale affichée par le chef du gouvernement. En Arabie Saoudite et au Qatar, pays à majorité sunnite, plusieurs journaux ont dénoncé une exécution «confessionnelle». Selon le quotidien saoudien Al-Riyadh, «penser que la pendaison de Saddam Hussein marque une nouvelle étape n'est peut-être pas faux». Et le journal de prévoir «un divorce sans retour entre chiites et sunnites» irakiens.

Dans un commun diffusé sur internet, l’ex-bras droit de Saddam Hussein, Ezzat Ibrahim, toujours en fuite, a rendu hommage au président exécuté. Il a appelé tous les groupes jihadistes à former un «front» commun de «résistance» pour libérer l’Irak. Ces derniers jours, les attaques et les attentats ont été moins nombreux à travers le pays en raison de la fête de l’Aïd el-Adha, qui s’achevait mercredi soir.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 03/01/2007 Dernière mise à jour le 03/01/2007 à 17:24 TU