France-Chine
Ségolène Royal entre tourisme et droits humains
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Pékin
«Les liens d’amitié qui se sont noués pendant ce déplacement vont permettre, le moment venu, s’il arrive, des prises de contact extrêmement rapides». C’est par cette déclaration que Ségolène Royal a conclu son séjour à Pékin. Depuis le début de sa visite, la candidate du Parti socialiste prépare donc son avenir présidentiel. Le premier objectif était de prouver qu’elle pouvait passer pour une partenaire crédible aux yeux du gouvernement chinois et donc obtenir un traitement de chef d’état potentiel.
Dans un premier temps, Pékin a plutôt freiné les ardeurs du Parti socialiste, opposant les règles du protocole aux demandes d’entretien avec le président de la République. La volonté de la Chine de ne pas être embarquée dans la campagne électorale française explique sans doute les blocages du début. A la dernière minute, Ségolène Royal s’est vue proposer une série de rendez-vous avec des responsables politiques dont le vice-président de la République. Un lot de consolation très honorable car Zeng Qinghong est un poids lourd du régime communiste. Ce dénouement prouve que le protocole est important mais que les sondages le sont encore plus, même à Pékin.
«La rose de la France»
Avec la confirmation de cet entretien, le déplacement de la candidate socialiste était déjà un demi-succès. Celle que les journaux chinois surnomment «la rose de la France» ou encore «la belle de la politique française» allait pouvoir prendre la pose devant les caméras de télévision, côte à côte avec un responsable politique de premier ordre. Pour le reste du séjour, les conseillers en communication de Ségolène Royal ont prudemment choisi des décors classiques : la Cité Interdite, la Grande Muraille et les chantiers des Jeux olympiques.
Pendant trois jours, une trentaine de journalistes français suivront de près la candidate, toujours enveloppée dans un grand manteau couleur neige, très photogénique. Au fil de son parcours, elle égrènera les proverbes chinois (choisis dans un recueil qu’elle garde dans son sac) et forgera même un néologisme, la «bravitude», qui fera couler beaucoup d’encre.
Environnement et question sociale
Donner du contenu à cette visite sera une opération bien plus délicate que lui choisir un décor. Sur le fond, deux dossiers auront largement dominé ce voyage : l’environnement et la question sociale. Deux thèmes qui concernent les Français, mais aussi la Chine. Pour le premier, c’est un enjeu mondial, le lien avec l’Empire du Milieu va de soi. Pour le second, la démonstration s’appuie sur les délocalisations pour prouver que la situation chinoise a une conséquence directe sur la vie des Français.
Sur la Grande Muraille battue par un vent glacial, face aux étudiants et aussi avec le ministre chinois du Commerce, partout, Ségolène Royal a parlé des délocalisations et de leurs conséquences dramatiques sur l’emploi en France. Mais sur ce sujet, il y a une incompréhension. Pour les Chinois, les responsables et les grands gagnants de ces délocalisations sont les patrons des multinationales, en aucun cas les sous-traitants locaux dont les profits sont écrasés sous la pression des donneurs d’ordre occidentaux. D’ailleurs, à la fin de son séjour, Ségolène Royal a finalement proposé comme remède aux délocalisations une solution franco-française : renforcer les exportations et investir dans de nouveaux secteurs. La solution était donc à Paris.
Le retour des droits de l’homme
Sur les droits de l’homme, le discours de la candidate socialiste est plus clair. Ségolène Royal veut remettre le sujet au cœur des relations sino-françaises et l’a abordé ouvertement avec les autorités chinoises. Elle a évoqué, par exemple, la ratification du pacte sur les droits civils ou encore la question de la liberté religieuse au Tibet. Par ailleurs, Ségolène Royal a remis à ses hôtes chinois une liste de cinq journalistes et avocats victimes de la répression. Cette attitude se démarque de la pratique actuelle de Jacques Chirac, très discret sur la question. Elle s’inspire plutôt de la tradition socialiste initiée par François Mitterrand, très en pointe sur la question des droits de l’homme en Chine.
Mais cette fermeté est sans doute plus facile pour une candidate que pour une chef d’Etat. Enfin, pour donner une dimension plus concrète à son engagement en faveur des droits humains, Ségolène Royal a rencontré des femmes venues de la campagne et victimes d’employeurs abusifs. Ce souci de rester en contact avec la réalité et de le faire savoir a aussi donné lieu à un des épisodes les plus cocasse du séjour. La candidate a débarqué avec sa limousine noire dans «un quartier populaire» pour rencontrer «une famille moyenne» choisie par la mairie de Pékin. Elle a passé dix minutes dans un salon envahi par les journalistes français pour mieux comprendre la vie des Chinois…par Mathieu Baratier
Article publié le 09/01/2007 Dernière mise à jour le 09/01/2007 à 11:36 TU