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Grippe aviaire

Soupçon sur le commerce des volailles

L'abattoir du groupe Bernard Matthews, en Hongrie, en 2002. 

		(Photo : AFP)
L'abattoir du groupe Bernard Matthews, en Hongrie, en 2002.
(Photo : AFP)
Y a-t-il eu propagation du virus H5N1, entre la Hongrie et la Grande-Bretagne, via un commerce de volailles infectées? L’hypothèse est fortement retenue à Londres par les autorités sanitaires mais elle est contestée à Budapest. Selon David Nabarro, le coordinateur du système de l’organisation onusienne pour la grippe aviaire et humaine, il est un fait nouveau par rapport à la saison dernière : «L'épidémie se propage maintenant à travers le commerce de la volaille». Quoiqu'il en soit, l’analyse des virus détectés, d’une part sur les oies infectées en Hongrie, et d’autre part sur les dindes en Grande-Bretagne, ne laisse pas de place au doute sur la similitude génétique des deux souches de H5N1.

Depuis le 3 février, date à laquelle le H5N1 a été détecté en Grande-Bretagne, le groupe agroalimentaire Bernard Matthews, le plus gros producteur de dindes d’Europe, fait beaucoup parler de lui : d’une part parce que c’est dans un élevage de ce groupe que cent-soixante mille dindes contaminées par le H5N1 ont été abattues et, d’autre part, parce que le groupe dispose d’une filiale en Hongrie, à 200 kilomètres du lieu-même où un autre foyer d’aviaire avait été décelé, dix jours auparavant, dans un élevage d’oies.

Ce jeudi, pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire déclenchée il y a deux semaines, le fondateur du groupe éponyme, a présenté ses excuses, tout en niant avoir quelque responsabilité dans cette affaire : «Je suis désolé pour la confusion occasionnée, mais ce n’est pas de notre faute», a-t-il déclaré. L’entrepreneur millionnaire a souligné : «Soyons clairs, c’est mon nom qui apparaît sur les emballages et je ne laisserai aucun produit arriver sur les étals s’il y avait le moindre problème». Pour autant, toutes les précautions sanitaires et commerciales ont-elles été prises ? Du côté hongrois, dès l’identification du virus H5N1 dans l’élevage des oies contaminées, les autorités sanitaires du pays avaient assuré avoir pris toutes les précautions d’usage, en abattant aussitôt toutes les volailles n’ayant pas naturellement  succombé au virus et en établissant un périmètre de sécurité à dix kilomètres du lieu d’élevage.

L’heure n’est pas encore venue de faire les comptes sur les responsabilités qui incombent aux Britanniques et/ou aux Hongrois. L’enquête se poursuit. Mais, deux faits sont avérés : d’une part, l’existence d’un commerce de volailles entre les deux pays, au sein du même groupe agroalimentaire, confirmé par les déclarations d’un vétérinaire, Bognar Lajos, sur une radio hongroise : «Il y a bien un commerce entre ces abattoirs infectés et le groupe agroalimentaire Bernard Matthews» ; d’autre part, la parenté génétique du virus détecté dans les deux foyers.

«Largement propagée par le commerce de volailles»

Le chef adjoint des services britanniques vétérinaires, Fred Landeg est catégorique : «La souche hautement pathogène du virus, découverte à Holton [en Angleterre, dans le Suffolk (est)], est à 99,96% identique à celle qui avait été détectée le 23 janvier dans un élevage d’oies, près de Szentes [au sud de la Hongrie]», a-t-il assuré. Or, selon le virologiste de l’Institut britannique de la recherche médicale, John McCauley, : «Il est très peu probable qu’une souche affectant les oiseaux sauvages aient pu produire deux virus si étroitement liés».

«Contrairement à ce qui s’est passé la saison dernière, où le virus de la grippe aviaire était transmis par les oiseaux sauvages migrateurs, l’épidémie se propage maintenant à travers le commerce de la volaille», selon David Nabarro, le coordinateur du système de l’organisation onusienne pour la grippe aviaire et humaine. Ce dernier a en effet souligné samedi dernier, lors d’une conférence à New York, que «la vague de grippe aviaire de cette saison [en Europe], contrairement à celle de la saison dernière, est largement propagée par le commerce de volailles, contrairement à celle due à la migration d’oiseaux sauvages contaminés».

Indonésie : souches virales contre vaccins

David Nabarro a rappelé que les autres méthodes de transmission du H5N1 étaient liées à la «contamination par des eaux et des sols infectés et à la manipulation des volailles contaminées». Depuis le début de l’année, des épidémies de grippe aviaire ont été confirmées dans dix pays : le Vietnam, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Chine, le Japon, le Nigeria, la Hongrie, le Royaume-Uni ainsi que l’Egypte et l’Indonésie.

En ce qui concerne l’Egypte, cinquième pays le plus touché au monde par la grippe aviaire, les autorités sanitaires du pays ont annoncé, mercredi, l’identification d’un vingt-et-unième cas humain de grippe aviaire chez une Egyptienne de 37 ans. Quant à l’Indonésie, premier pays victime de la grippe aviaire, elle déplorait le 12 février 2007, le 64e décès humain.

Pour l’Organisation mondiale de la santé animale, l’Indonésie est incontestablement la première victime de l’épizootie. «Nous avons le virus. C’est nous qui sommes malades», a d’ailleurs expliqué Siti Fadillah, ministre indonésien de la Santé pour justifier l’accord sans précédent que le gouvernement indonésien vient de signer avec la direction de la multinationale américaine pharmaceutique Baxter International. Un accord qui prévoit désormais l’envoi gracieux de souches virales de H5N1 à Baxter, en échange de quoi la société américaine fournira des vaccins à tarifs préférentiels contre l’épidémie en cas d’urgence.



par Dominique  Raizon

Article publié le 15/02/2007 Dernière mise à jour le 15/02/2007 à 18:02 TU