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Turquie

Attentats 2003 : perpétuité pour les organisateurs

Le Syrien Louai Sakka, considéré comme l’une des chevilles ouvrières des attentats de 2003 à Istanbul, a été condamné à la prison à vie. 

		(Photo : AFP)
Le Syrien Louai Sakka, considéré comme l’une des chevilles ouvrières des attentats de 2003 à Istanbul, a été condamné à la prison à vie.
(Photo : AFP)
Le procès des auteurs des quatre attentats contre des synagogues et des intérêts britanniques, les 15 et 20 novembre 2003 à Istanbul (63 morts avec les kamikazes), s’est conclu vendredi soir sur des peines maximales pour ses principaux responsables, six Turcs et un Syrien. La nébuleuse al-Qaïda a montré lors de ces audiences sa constitution opaque et disparate, mais aussi sa détermination à combattre l’Occident.

De notre correspondant à Istanbul

Sur son banc, au deuxième rang des 9 accusés qui comparaissent détenus, Le Syrien Louai Sakka affiche le regard effronté des gens qui sont fiers de leur coup. Il était pourtant passé au travers des mailles du filet, après les attentats de l’automne 2003. C’est au milieu de l’été 2004 que la police turque l’avait arrêté alors qu’il tentait de fuir le pays après avoir préparé un spectaculaire attentat contre un paquebot israélien, déjoué in extremis. Ouvert le 31 mai de la même année, le procès des 4 attentats d’Istanbul avait démarré sans lui mais il s’est vite avéré qu’il en était aussi l’une des chevilles ouvrières, même s’il l’a toujours nié. Il ne renie rien en revanche de son appartenance à la mouvance terroriste islamiste internationale d’al-Qaïda: «Frères héros, n’abandonnez pas la résistance, ne quittez pas le front en vous attristant sur mon sort. Je ne vous laisserai pas seuls et je rejoindrai les brigades du Djihad. Car je sortirai (de prison) et retrouverai mes armes», promet-il lors de sa dernière défense, avant d’écoper du peine de prison à vie, soit un emprisonnement incompressible de trente ans, renforcé de dix ans en confinement cellulaire.

Il écoute avec respect, souvent malice, les interminables explications de Harun Ilhan à la barre depuis cinq heures pour justifier, lui aussi, la guerre sainte. Campé dans des claquettes en plastique bleu nuit par les jours desquelles apparaissent ses chaussettes de laine bleu ciel, il n’interrompt la lecture de sa prose haineuse que pour changer de page et se carresser la barbe: «Ce n’est pas si souvent qu’un guerrier d’al-Qaïda peut venir expliquer en personne les raisons de son combat», lance-t-il au président du tribunal qui tente d’écourter la défense en lui demandant combien de pages il lui reste à lire. «J’en ai lu 85 sur les 700 écrites, et j’irai jusqu’au bout !», promet-il en vain, avant d’être emmené par les gendarmes. Il aura tout de même eu le temps, reconnaissant sa participation directe aux attentats, de justifier implicitement le recours à la violence contre l’Occident, l’Amérique en premier lieu. «Il y avait eu des mouvements de libération nationale, mais al-Qaïda est la première organisation de lutte planétaire, et il y a une raison principale à cela: elle combat avant tout les Etats-Unis, qui se posent en gendarmes de la planète». Et de se féliciter que les attentats du 11-Septembre aient tué «plus de monde que le conflit nord-irlandais».

Perpétuité «renforcée»

Malgré son insistante et explicite dénonciation du régime laïc et «pro-occidental» turc, Harun Ilhan nie avoir cherché à renverser l’ordre constitutionnel dans ce pays. Après qu’il ait été évacué, son avocat explique que son geste visait à «dénoncer les traitements inhumains infligés par Américains, Anglais et Juifs aux populations musulmanes de la région». Le tribunal ne le condamne pas moins à la même perpétuité «renforcée». Le troisième homme à revendiquer son appartenance à al-Qaïda, Adnan Ersöz, dément toute implication dans les attentats mais n’a jamais caché ses contacts avec Oussama ben Laden, être un financier de la branche turque de son organisation armée en Turquie, dont le véritable chef de l’époque, Habib Aktash, a été tué les armes à la main, en Irak, en 2004. Mais, en dehors de rencontre fortuites dans des cours de Coran ou dans des camps militaires talibans, on n’apprend rien de la structure et du fonctionnement des cellules turques de la multinationale du terrorisme islamiste : les quatre autres condamnés à la prison à vie affirment n’avoir rien à voir avec les attentats et avec al-Qaïda. Seul Seyit Ertul, tout aussi peu impliqué selon ses dires, défend le droit au Djihad, par exemple pour aller défendre les frères tchétchènes contre l’oppression russe. Il est condamné à dix-huit ans de détention.

Les réseaux al-Qaïda n’ont pourtant pas été décapités avec ce procès qui envoie une cinquantaine de personnes en prison : fin janvier, un vaste coup de filet dans plusieurs provinces du pays a permis d’arrêter à nouveau une cinquantaine de militants islamistes qui s’apprêtaient à attentaient à la vie du Premier ministre Tayyip Erdogan, selon la police. Car l’Etat turc reste une cible de choix : «Vive l’enfer pour les mécréants !», a hurlé Louai Sakka à l’adresse du tribunal avant de disparaître.

par Jérôme  Bastion

Article publié le 17/02/2007 Dernière mise à jour le 17/02/2007 à 17:09 TU