Turquie
Les intérêts britanniques visés à Istanbul
Déjà durement frappé samedi dernier par deux opérations suicide qui ont visé deux synagogues, causant la mort de 25 personnes et blessant au moins 300 autres, Istanbul a de nouveau été jeudi matin la cible de deux attentats. Deux voitures piégées ont explosé devant le consulat de Grande-Bretagne et devant les bureaux de la banque britannique HSBC. Un dernier bilan fait état de 27 morts, parmi lesquels le consul général Roger Short, et plus de 450 blessés. Ces attentats suicide qui visaient sans aucun doute possible les intérêts britanniques dans la capitale économique turque interviennent alors que le président américain George Bush est actuellement en visite d’Etat à Londres.
Les explosions, qui ont détruit une partie du consulat britannique et ravagé les bureaux de la HSBC, ont plongé Istanbul dans le chaos. Les chaînes de télévisions turques ont diffusé en boucle des scènes de dévastations montrant des personnes blessées courant dans les rues, des corps abandonnés près des carcasses de voitures carbonisées ou encore les façades des immeubles éventrés. Peu après les déflagrations, des ambulances et des voitures de police, sirènes hurlantes, se sont précipitées sur les lieux du drame, situés sur la rive européenne du Bosphore.
Le ministre turc de la Justice a très vite confirmé que les deux attentats avaient été provoqués par des attaques suicide à la voiture piégée, semblables à celles qui ont visé samedi dernier deux synagogues du quartier juif d’Istanbul. «Il semble que la méthode utilisée la semaine dernière ait également servi pour ces événements», a notamment déclaré Cemil Cicek. En visite à Stockolm, le ministre de l’Intérieur, Abdulkadir Aksu, a pour sa part estimé que ces nouvelles opérations suicide constituaient sans doute «une deuxième vague» d’attentats après les attaques antisémites du 15 novembre. «Il pourrait y avoir un lien», a-t-il déclaré en précisant que «cela pourrait être la deuxième vague d’un même événement».
Ses intérêts en priorité visés, la Grande-Bretagne a très vite réagi condamnant par la voix de son chef de la diplomatie des «actes terroristes effroyables». «Ce qui s’est passé à Istanbul ce matin est de toute évidence une série d’actes terroristes effroyables», a déclaré Jack Straw. Catégorique, le secrétaire au Foreign Office a fait porter la responsabilité de ces attentats à la nébuleuse islamiste d’Oussama ben Laden. «Cela présente tous les signes du terrorisme international pratiqué par al-Qaïda et des organisations associées», a-t-il également ajouté lors d’une brève allocution devant le 10 Downing Street. Selon lui, cette série d’attentats «remet l’accent sur le message central du président George Bush, du Premier ministre Tony Blair et de tous les autres dirigeants mondiaux selon lequel il faut désormais faire face à une menace très sérieuse de terrorisme international».
L’islamisme radical turc pointé
Ces derniers attentats, qui visaient très précisément les intérêts britanniques –la HSBC est le numéro un de la banque en Grande-Bretagne et le deuxième groupe bancaire mondiale–, sont intervenus alors que Londres accueillait le président américain George Bush en visite d’Etat. Le réseau terroriste al-Qaïda, qui avait revendiqué dimanche dernier les opérations suicide contre deux synagogues d’Istanbul, avait à cette occasion ouvertement menacé les alliés de Washington. «Nous disons au criminel Bush et à ses valets parmi les Arabes et les étrangers, et en particulier la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Australie et le Japon, ceci : les voitures de la mort ne se limiteront pas à Bagdad, Ryad, Istanbul, Djerba, Nassiriya, Jakarta, mais vous les verrez de vos propres yeux dans le centre de la capitale de la tyrannie», affirmait notamment un communiqué parvenu à deux journaux arabes publiés à Londres.
Jeudi matin, un interlocuteur anonyme, affirmant parler au nom de la nébuleuse islamiste d’Oussama ben Laden mais aussi en celui d’un groupe intégriste turc, le Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C) –également soupçonné d’avoir participé aux attaques de samedi contre les synagogues– a revendiqué les attentats qui ont visé les intérêts britanniques. «Ces attaques, a-t-il notamment affirmé, sont une action conjointe du IBDA-C et d’al-Qaïda. Nos attaques contre les cibles maçonniques vont continuer. Les musulmans ne sont pas seuls».
Les autorités turques, qui avaient estimé la semaine dernière qu’aucun groupe radical local n’avait les capacités d’organiser des attentats de l’envergure de ceux qui ont durement frappé le quartier juif d’Istanbul, devront sans doute revoir leur position avec cette nouvelle vague d’attaques terroristes. Car si le Front islamiste des combattants du Grand-Orient a bel et bien été décapité fin 1998 après l’arrestation de son leader Salih Izzet Erdis, il semblerait que ce groupuscule, qui considère la république turque «illégale» et vise sa destruction, soit aujourd’hui toujours actif. Les experts estiment en effet que l’originalité de ce mouvement réside dans sa structure éclatée, sans hiérarchie, faite de «fronts autonomes» dont les actions sont laissées à l’initiative de leurs membres pour qui l’idée d’un «Grand-Orient» est seule directrice.
D’autres groupes radicaux islamistes turcs ont été la cible ces dernières années de la répression policière, mais visiblement sans grand succès au regard de ces derniers événements. Le groupe d’origine d'origine jordanienne ayant pour but de «rétablir le califat», le Hizb-ut Tahrir, a ainsi fait l'objet d'une série d'arrestations en mai dernier, et ses responsables locaux ont été interpellés. Il y a trois ans le chef d'un troisième groupe clandestin, le Hezbollah, a été tué par la police. Ce mouvement actif depuis les années 1980 prônait lui aussi un Etat islamique. La plupart des militants de ces groupuscules ont été entraînés à l’étranger et nombreux sont ceux qui ont participé à des combats en Bosnie, en Tchétchénie et plus récemment en Afghanistan.
Dans ce contexte, l’erreur des autorités turques aura sans doute été de croire qu’une fois décapités ces mouvements auraient perdu leur capacité de nuire. Elles n’avaient sans doute pas imaginé que ces activistes pouvaient rejoindre la nébuleuse d’Oussama ben Laden et à ce titre lui offrir une base logistique pour des attentats en Turquie.
Ecoutez également
Mehmet Dülger, Président de la commission des affaires étrangères du Parlement turc (P. Ganz, 21/11/2003, 7'40")
Ecoutez Farida Ayari, l'invitée de la rédaction à 15H30 TU.(Ph. Lecaplain, 20/11/2003, 4'51")
Le ministre turc de la Justice a très vite confirmé que les deux attentats avaient été provoqués par des attaques suicide à la voiture piégée, semblables à celles qui ont visé samedi dernier deux synagogues du quartier juif d’Istanbul. «Il semble que la méthode utilisée la semaine dernière ait également servi pour ces événements», a notamment déclaré Cemil Cicek. En visite à Stockolm, le ministre de l’Intérieur, Abdulkadir Aksu, a pour sa part estimé que ces nouvelles opérations suicide constituaient sans doute «une deuxième vague» d’attentats après les attaques antisémites du 15 novembre. «Il pourrait y avoir un lien», a-t-il déclaré en précisant que «cela pourrait être la deuxième vague d’un même événement».
Ses intérêts en priorité visés, la Grande-Bretagne a très vite réagi condamnant par la voix de son chef de la diplomatie des «actes terroristes effroyables». «Ce qui s’est passé à Istanbul ce matin est de toute évidence une série d’actes terroristes effroyables», a déclaré Jack Straw. Catégorique, le secrétaire au Foreign Office a fait porter la responsabilité de ces attentats à la nébuleuse islamiste d’Oussama ben Laden. «Cela présente tous les signes du terrorisme international pratiqué par al-Qaïda et des organisations associées», a-t-il également ajouté lors d’une brève allocution devant le 10 Downing Street. Selon lui, cette série d’attentats «remet l’accent sur le message central du président George Bush, du Premier ministre Tony Blair et de tous les autres dirigeants mondiaux selon lequel il faut désormais faire face à une menace très sérieuse de terrorisme international».
L’islamisme radical turc pointé
Ces derniers attentats, qui visaient très précisément les intérêts britanniques –la HSBC est le numéro un de la banque en Grande-Bretagne et le deuxième groupe bancaire mondiale–, sont intervenus alors que Londres accueillait le président américain George Bush en visite d’Etat. Le réseau terroriste al-Qaïda, qui avait revendiqué dimanche dernier les opérations suicide contre deux synagogues d’Istanbul, avait à cette occasion ouvertement menacé les alliés de Washington. «Nous disons au criminel Bush et à ses valets parmi les Arabes et les étrangers, et en particulier la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Australie et le Japon, ceci : les voitures de la mort ne se limiteront pas à Bagdad, Ryad, Istanbul, Djerba, Nassiriya, Jakarta, mais vous les verrez de vos propres yeux dans le centre de la capitale de la tyrannie», affirmait notamment un communiqué parvenu à deux journaux arabes publiés à Londres.
Jeudi matin, un interlocuteur anonyme, affirmant parler au nom de la nébuleuse islamiste d’Oussama ben Laden mais aussi en celui d’un groupe intégriste turc, le Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C) –également soupçonné d’avoir participé aux attaques de samedi contre les synagogues– a revendiqué les attentats qui ont visé les intérêts britanniques. «Ces attaques, a-t-il notamment affirmé, sont une action conjointe du IBDA-C et d’al-Qaïda. Nos attaques contre les cibles maçonniques vont continuer. Les musulmans ne sont pas seuls».
Les autorités turques, qui avaient estimé la semaine dernière qu’aucun groupe radical local n’avait les capacités d’organiser des attentats de l’envergure de ceux qui ont durement frappé le quartier juif d’Istanbul, devront sans doute revoir leur position avec cette nouvelle vague d’attaques terroristes. Car si le Front islamiste des combattants du Grand-Orient a bel et bien été décapité fin 1998 après l’arrestation de son leader Salih Izzet Erdis, il semblerait que ce groupuscule, qui considère la république turque «illégale» et vise sa destruction, soit aujourd’hui toujours actif. Les experts estiment en effet que l’originalité de ce mouvement réside dans sa structure éclatée, sans hiérarchie, faite de «fronts autonomes» dont les actions sont laissées à l’initiative de leurs membres pour qui l’idée d’un «Grand-Orient» est seule directrice.
D’autres groupes radicaux islamistes turcs ont été la cible ces dernières années de la répression policière, mais visiblement sans grand succès au regard de ces derniers événements. Le groupe d’origine d'origine jordanienne ayant pour but de «rétablir le califat», le Hizb-ut Tahrir, a ainsi fait l'objet d'une série d'arrestations en mai dernier, et ses responsables locaux ont été interpellés. Il y a trois ans le chef d'un troisième groupe clandestin, le Hezbollah, a été tué par la police. Ce mouvement actif depuis les années 1980 prônait lui aussi un Etat islamique. La plupart des militants de ces groupuscules ont été entraînés à l’étranger et nombreux sont ceux qui ont participé à des combats en Bosnie, en Tchétchénie et plus récemment en Afghanistan.
Dans ce contexte, l’erreur des autorités turques aura sans doute été de croire qu’une fois décapités ces mouvements auraient perdu leur capacité de nuire. Elles n’avaient sans doute pas imaginé que ces activistes pouvaient rejoindre la nébuleuse d’Oussama ben Laden et à ce titre lui offrir une base logistique pour des attentats en Turquie.
Ecoutez également
Mehmet Dülger, Président de la commission des affaires étrangères du Parlement turc (P. Ganz, 21/11/2003, 7'40")
Ecoutez Farida Ayari, l'invitée de la rédaction à 15H30 TU.(Ph. Lecaplain, 20/11/2003, 4'51")
par Mounia Daoudi
Article publié le 20/11/2003