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Turquie

Al-Qaïda revendique le carnage d’Istanbul

Quelques heures après les attentats dirigés contre deux synagogues d’Istanbul, un homme revendiquait ces attaques au nom d’un mouvement intégriste turc, le Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C). Une revendication qui n’a semble-t-il pas convaincu les autorités turques plus enclines à voir la main de l’étranger dans ce drame qui a coûté la vie à vingt-quatre personnes et blessé quelque trois cents autres. Faisant écho aux doutes exprimés par Ankara, l’organisation terroriste d’Oussama ben Laden a, une fois n’est pas coutume, revendiqué dès dimanche les deux attaques terroristes. Al-Qaïda a également menacé les pays alliés de Washington en Irak d’attentats sur leur propre sol.
Les autorités policières turques sont catégoriques. Aucune organisation radicale locale, clandestine ou non, n’avait les moyens d’organiser des opérations de l’envergure de celles qui ont si durement frappé les deux synagogues d’Istanbul. La plupart des experts s’accordent en outre sur le fait que le Front islamique des combattants du Grand-Orient, qui le premier a revendiqué les attentats de samedi, n’est plus aujourd’hui qu’une coquille vide, depuis notamment que les forces de police turques ont décapité ce groupuscule extrémiste il y a cinq ans. Trois de ses dirigeants, accusés d’avoir planifié dans les années 90 un attentat à la bombe contre la cafétéria d’un grand hôtel d’Istanbul, ont été condamnés à la prison à vie et purgent actuellement leur peine dans des prisons sous très haute sécurité.

Dans ce contexte et bien avant les revendications d’al-Qaïda de dimanche soir, les autorités d’Ankara n’ont pas hésité à pointer le réseau du milliardaire saoudien, mettant notamment en avant certaines similitudes avec d’autres attaques attribuées à cette organisation terroriste. Ainsi, pour la première de son histoire, la Turquie était confrontée à des attaques suicide, un mode opératoire cher à al-Qaïda. La signature de l’opération –deux attentats simultanés– évoque sans équivoque les deux attaques qui ont frappé les ambassades américaines du Kenya et de la Tanzanie, celles qui ont visé les deux tours jumelles de New York ou encore plus récemment celles qui ont pris pour cible des Israéliens à Mombassa. Quant aux intérêts visés, ils répondent sans doute possible aux appels à la guerre sainte lancée par la nébuleuse islamiste.

Une fois n’est pas coutume, al-Qaïda a donc revendiqué très vite les attentats qui ont frappé samedi la capitale turque. Dans deux communiqués différents adressés par courrier électronique à deux journaux arabes publiés à Londres, l’organisation terroriste a en effet clamé sa responsabilité et justifié son attaque. «Les brigades du martyr Abou Hafz al-Masri –du nom du chef militaire d’al-Qaïda tué en 2001 lors des bombardements en Afghanistan– ont asséné un coup mortel après avoir surveillé des agents des services secrets israéliens et s’être assuré que cinq d’entre eux se trouvaient dans deux synagogues du centre de la ville d’Istanbul», peut-on notamment lire dans ces communiqués.

L’enquête avance

Soucieuse de placer son action dans le cadre d’une guerre globale contre l’Occident, l’organisation terroriste a en outre ouvertement menacé Washington et ses alliés en Irak, affirmant notamment que «les opérations martyres ne s’arrêteront pas, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur des Etats-Unis». «Nous disons au criminel Bush et à ses valets parmi les Arabes et les étrangers, et en particulier la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Australie et le Japon, ceci : les voitures de la mort ne se limiteront pas à Bagdad, Ryad, Istanbul, Djerba, Nassiriya, Jakarta, mais vous les verrez de vos propres yeux dans le centre de la capitale de la tyrannie», poursuit également le texte qui appelle les partisans d’al-Qaïda à «aller en Irak pour aider les brigades qui se trouvent sur place».

Les communiqués exigent par ailleurs des Etats-Unis qu’«ils mettent un terme à la guerre qu’ils mènent contre l’Islam et les musulmans au nom de la lutte anti-terroriste et évacuent toutes les terres musulmanes profanées par les juifs et les Américains, dont Jérusalem et le Cachemire». Ils réclament enfin la libération de tous les détenus emprisonnés sur la base américaine de Guantanamo à Cuba et celle du cheikh Omar Abdel Rahmane, le guide spirituel du groupe radical égyptien de la Gamaa Islamiya.

Cette revendication d’al-Qaïda conforte donc les autorités d’Ankara qui avec l’appui d’experts des services secrets israéliens avancent à grands pas dans leur enquête sur les attentats d’Istanbul. «Nous disposons d'indices importants. Ne vous inquiétez pas. Notre police va résoudre cette affaire», a ainsi affirmé Muammer Guler, le gouverneur d’Istanbul, sans donner toutefois d'autres détails. Contrairement à la thèse d’une attaque commandée à distance, les enquêteurs ont pu déterminer qu’il s’agissait bien d’opérations suicide, croit savoir la presse. Les kamikazes auraient en effet fait exploser deux camionnettes piégées contenant chacune près de 400 kilos d’explosifs. Le quotidien Sabah affirmait en outre lundi que les plaques d'immatriculation des ces véhicules auraient permis d'identifier deux complices turcs, dont les proches ont brièvement été interpellés dimanche. L'un d'eux, Ayad Ekinci, aurait participé en tant que volontaire aux combats en Tchétchénie et en Bosnie, alors que l'autre, Feridun Ugurlu, aurait entretenu depuis plusieurs années des liens avec des organisations radicales islamiques.

Ces indices portent donc à croire, s’il en était encore besoin, à une large implication de l’organisation d’Oussama ben Laden dans les attentats d’Istanbul, même si aujourd’hui al-Qaïda est une société largement «franchisée» qui obéit beaucoup plus à une idéologie qu’à une direction structurée.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/11/2003