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Turquie

Double attentat contre des synagogues à Istanbul

Des voitures piégées ont explosé à quelques minutes d’intervalle au cœur de la capitale turque, à proximité de deux synagogues. Ces attentats ont été revendiqués par une organisation islamiste radicale clandestine, le Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C) , qui affirme vouloir «mettre fin à l’oppression visant les musulmans». Le bilan de cette attaque contre la communauté juive de Turquie est déjà très lourd : le ministre de l’Intérieur Abdulkadir Aksu a fait état de 20 morts et plus de 250 blessés.
Au moins 300 personnes étaient réunies dans les deux synagogues visées samedi matin, jour de prière chez les juifs, lorsque des voitures piégées ont explosé. Les déflagrations ont été, selon les témoins, d’une violence terrible. La façade de la synagogue de Neve Shalom, dans le quartier de Beyoglu au centre d’Istanbul, l’un des principaux lieux de culte juif de Turquie, a été complètement détruite. Les vitres des bâtiments voisins ont été soufflées et des éclats de verre ont été dispersés dans toutes les rues situées à proximité. Un ouvrier qui travaillait dans un atelier à quelques mètres de là, a affirmé à l’Agence France Presse : «C’était une explosion à rendre sourd». La deuxième synagogue prise pour cible par les terroristes se trouve dans le quartier de Sisli, tout proche. Il s’agit aussi d’un lieu de culte important de la capitale turque. Après avoir annoncé 23 décès, les autorités turques ont revu le bilan à la baisse. Il y aurait donc 20 morts et plus de 250 blessés, dont un certain nombre semble avoir été intoxiqué par des vapeurs d’ammoniaque.

Les deux bâtiments étaient gardés en permanence par la police mais cela n’a pas empêché les terroristes d’agir. IBDA-C, le groupe islamiste radical qui a revendiqué les attentats très rapidement dans un appel à l’agence de presse Anatolie, a été fondé en 1985 et réclame l’instauration d’un Etat islamique en Turquie. Il a déjà organisé plusieurs attentats dans le pays contre des bars, des discothèques mais aussi des églises. Son activité avait, depuis quelques années, été réduite grâce à l’arrestation en 1998 de son leader, Salih Mirzabeyoglu, condamné à la prison à vie pour tentative de coup d’Etat. Pour le moment, le gouvernement turc n’a pas confirmé cette revendication et le ministre de l’Intérieur a déclaré que les autorités n’excluaient aucune piste, notamment celle d’une implication d’Al Qaïda, l’organisation terroriste d’Oussama Ben Laden.

Les autorités turques sont déterminées à lutter contre le terrorisme

A l’annonce de ces deux attentats simultanés contre les juifs d’Istanbul, le gouvernement israélien a proposé immédiatement son aide aux autorités turques et a installé une cellule d’urgence. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, a quant à lui déclaré : «Nous espérons que la communauté internationale ne se contentera pas de dénoncer ce qui s’est passé à Istanbul ». Il a ainsi appelé les Etats à lutter contre «les forces du mal» car «aucun pays n’est immunisé contre le terrorisme». La Turquie et Israël entretiennent de bonnes relations diplomatiques et ont même signé un accord de coopération militaire en 1996. La communauté juive qui regroupe 35 000 personnes est la deuxième minorité de Turquie derrière les Arméniens. Elle a toujours été plutôt bien intégrée dans le pays où les attaques antisémites sont assez rares. Même si un attentat à la bombe très meurtrier (21 morts) a déjà été perpétré en 1986 contre la synagogue de Neve Shalom, un souvenir traumatisant pour les juifs de Turquie.

La réaction des autorités turque a été très rapide et très ferme. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, actuellement en déplacement à Nicosie pour la célébration du vingtième anniversaire de la proclamation de la République turque de Chypre du Nord, a qualifié les attentats contre les synagogues d’Istanbul «d’acte terroriste perpétré contre l’humanité». Il a ajouté : «Je considère qu’il s’agit de bombes lancées contre la stabilité et la paix de la Turquie». Il a aussi annoncé que «toutes les mesures nécessaires» seraient prises. Le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gul a quant à lui réaffirmé que ces attentats ne modifieraient pas la détermination de la Turquie à lutter contre le terrorisme.

La communauté internationale a vivement réagi après l’annonce de ces attaques meurtrières. Paris a condamné «avec la plus grande vigueur l’odieux double attentat» perpétré contre les synagogues d’Istanbul. Jacques Chirac, le président français, a quant à lui tenu à exprimer «la sympathie et la solidarité» de son pays. Il a aussi déclaré : «De actes d’une telle barbarie ne peuvent provoquer que colère et indignation et renforcer la détermination des nations démocratiques à combattre ensemble l’antisémitisme et toutes les formes d’intolérance, ainsi qu’à lutter contre le terrorisme». Joschka Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères a pour sa part estimé que ces attentats «barbares» montrent «une nouvelles fois que la lutte contre le terrorisme international, mais aussi contre l’antisémitisme doit être un effort de la communauté internationale».



par Valérie  Gas

Article publié le 15/11/2003