Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Grippe aviaire

Partager les données pour avancer plus vite

Une conférence internationale sur la grippe aviaire se tiendra du 20 au 22 mars 2007, à Vérone en Italie, à l'initiative de l'OIE, la FAO et de l'institut de zooprophylaxie expérimentale italien de Venise. 

		(Photo : DR)
Une conférence internationale sur la grippe aviaire se tiendra du 20 au 22 mars 2007, à Vérone en Italie, à l'initiative de l'OIE, la FAO et de l'institut de zooprophylaxie expérimentale italien de Venise.
(Photo : DR)
Quelque soixante-dix chercheurs internationaux ont pris l’initiative de défier les idées défendues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Regrettant en effet que, selon un arrangement conclu sous les auspices de cet organisme international, seule une quinzaine de laboratoires dans le monde se partage confidentiellement des informations cruciales sur le virus H5N1, ils ont mis en place, à l’Institut suisse de bioinformatique (SIB) de Genève, une nouvelle base de données informatiques, qui devrait être accessible à tous les chercheurs d’ici mars. Le but ? Organiser le partage des séquences génétiques des différentes souches virales analysées à travers le monde, afin de gagner la course contre la pandémie qui menace toute la planète.

La connaissance des séquences virales conditionne la mise au point de vaccins. Qui parvient à déposer un brevet de vaccin gagne beaucoup d’argent. L’équation entre ces deux paramètres permet vite d’imaginer l’énormité des enjeux financiers qui entourent la course au vaccin contre la grippe aviaire humaine, laquelle menace de faire des millions de victimes humaines en cas de pandémie, si le virus venait à muter et à être transmissible d'homme à homme. Jusqu’à présent une quinzaine de laboratoires appartenant à un cercle très fermé de virologues spécialisés dispose d’informations confidentielles conservées au Nouveau-Mexique, au laboratoire national de Los Alamos. L’OMS considère qu’un réseau fondé, à l’opposé, sur l’ouverture et le partage se heurte à la question des droits de propriété intellectuelle des chercheurs.

Autre obstacle à la transparence de l’information, l’organisation onusienne ne peut diffuser les données concernant les souches virales qu’à la seule condition que le pays d’origine donne son accord. Et là, l'épidémiologie flirte avec le politique, comme l'illustre fort bien l'exemple de l'Indonésie. En effet, première touchée par la forme humanisée du virus de la grippe aviaire (63 décès humains), l’Indonésie, qui avait fait un pas vers plus de transparence, en août 2006, en autorisant le partage des souches virales en circulation sur son territoire, a reculé au début de la semaine dernière, en annonçant que, désormais, elle n’enverrait plus d’échantillons du H5N1 à l’OMS sans un protocole d’accord limitant leur utilisation commerciale. Le gouvernement indonésien demandait que lui soient concédés des vaccins à tarifs préférentiels en cas de besoins massifs. Puis, le 16 février dernier, ce même gouvernement s'est déclaré à nouveau prêt à continuer à envoyer des échantillons du virus de la grippe aviaire à l’OMS, tandis que cette dernière s'est engagée à aider le pays à renforcer ses propres capacités de production de vaccins.

«Mieux comprendre la dissémination et l’évolution du virus»

L’an dernier, la biologiste Ilaria Capua, directrice de l’institut de zooprophylaxie expérimentale de Padoue (Italie) -un laboratoire de référence de l’OMS- avait  déploré que des intérêts commerciaux puissent ainsi pénaliser dangereusement les progrès de la recherche, alors même que la santé publique mondiale est en jeu. En avril 2006, lors du 6e symposium international sur l’influenza aviaire, qui s’est tenu à Cambridge (Royaume-Uni), et devant 250 spécialistes venus de 45 pays, Ilaria Capua avait exhorté ses confrères à plus de désintéressement, rappelant que, face au risque d’épidémie mondiale, «le soutien total de la communauté scientifique internationale [était] de toute urgence nécessaire pour mieux comprendre la dissémination et l’évolution du virus». 

«Nous possédons de véritables trésors dans nos congélateurs. Nous devons sortir tous les échantillons de virus de grippe aviaire et rendre publics les résultats des séquençages des virus», avait plaidé, en avril 2006, la biologiste. Chose dite, chose faite, un consortium international, le Gisaid (*), ralliait à la cause d’Ilaria Capua quelque soixante-dix chercheurs internationaux partisans de cette mutualisation des informations. Aussitôt, Nancy Cox, directrice du département grippe aviaire aux Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d’Atlanta (Etats-Unis) s’était montrée favorable à l'initiative. Les CDC avaient alors accepté de mettre en accès libre les séquences génétiques de plus de 650 virus de la grippe, isolés sur le territoire américain.

Le projet de ce site de partage des  informations, libre et gratuit, devrait aboutir le mois prochain, appuyé par l’OIE et la FAO. L’usage des données sera, quant à lui, limité. Le projet a été piloté par un consultant en médias, Peter Bogner, qui, selon le quotidien Le Figaro, «a financé toute l’opération avec ses propres deniers». Ce dernier n’a pas encore divulgué le détail des clauses d’utilisation du site. Le Figaro rappelle que l’OMS, «qui n’a pas été impliquée dans ce projet, le voit d’un très bon œil», selon les déclarations de David Heymann, qui coordonne les efforts de lutte contre la grippe aviaire au sein de l’organisation.



par Dominique  Raizon

Article publié le 19/02/2007 Dernière mise à jour le 19/02/2007 à 08:43 TU

(*) Gisaid : Global initiative on sharing avian influenza data («Initiative mondiale de partage des données sur la grippe aviaire»)