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Guinée

Lansana Conté desavoué par les députés

Les députés ont rejeté la prolongation de l’état de siège. 

		(Photo : AFP)
Les députés ont rejeté la prolongation de l’état de siège.
(Photo : AFP)

Contre toute attente, les députés guinéens ont voté la levée de l’état de siège décrété le 12 février par le président Lansana Conté pour tenter de mettre fin à la contestation déclenchée par les syndicats contre son régime. L'Assemblée nationale, bien que dominée par le Parti de l'unité et du progrès (PUP) du chef de l'Etat, qui dispose de 90 députés sur 114, n'a pas donné suite à la demande du président guinéen qui, la veille, avait pourtant appelé les parlementaires à proroger la loi martiale. Satisfaits, les syndicats maintiennent la gréve générale illimitée jusqu’au remplacement du Premier ministre Eugène Camara, un proche allié du président Conté, récemment nommé alors que le chef de l’Etat s’était engagé à choisir une personnalité consensuelle pour ce poste.

Coup de théâtre. Le président Lansana Conté est désavoué par l’Assemblée nationale. Réunis en session extraordinaire au Palais du peuple, ce vendredi, à Conakry, les 86 députés présents au Parlement ont refusé, à l’unanimité, de prolonger l’état de siège, lors d’un vote à main levée.

Confronté depuis le 10 janvier à une grève générale illimitée et à des manifestations hostiles, violemment réprimées par les forces de l’ordre, le chef de l’Etat avait demandé jeudi au Parlement d’approuver une prorogation de l’état de siège instauré le 12 février dans l’ensemble du pays. La Constitution guinéenne prévoit que le décret proclamant l’état de siège cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée nationale n’en autorise la prorogation pour un délai qu’elle fixe.

«Le président (Lansana Conté) nous interpelle pour étudier la prolongation de l'état de siège (...) qu'il a été obligé de décréter suite aux désordres constatés après la nomination du Premier ministre Eugène Camara», avait déclaré le président de l'Assemblée nationale guinéenne Aboubacar Somparé à l’ouverture de la session plénière, en soulignant que le chef de l’Etat «a appelé les députés à prendre leurs responsabilités pour décider ou non de proroger l'état de siège».

Mercredi, le président de l’Assemblée nationale avait affirmé que l’état de siège serait prorogé si les grévistes ne mettaient pas fin au mouvement de contestation, les syndicats avaient refusé ce donnant-donnant.

Les dirigeants syndicaux ont maintenu la pression. Ils craignaient toutefois que fort de sa majorité au Parlement, le président Conté ne réussisse à prolonger la loi martiale, dans une «tentative pour bâillonner le peuple», ce qui risquerait de «radicaliser le mouvement». Une crainte exprimée par Boubacar Biro Barry, négociateur syndical, avant sa rencontre avec les médiateurs ouest-africains, arrivés jeudi à Conakry pour tenter de relancer le dialogue.

Les syndicats restent déterminés 

Tout en se déclarant «satisfaits» du rejet par les députés d’une prolongation de l’état de siège, les syndicats guinéens ont affiché leur détermination. «On n'a pas encore totale satisfaction. Maintenant, il faut qu'un nouveau Premier ministre soit nommé pour qu'on lève la grève», a déclaré Rabiatou Sérah Diallo, secrétaire générale du Conseil national des travailleurs de Guinée (CNTG), une des deux centrales syndicales à l’origine du mouvement de contestation contre le régime du président Lansana Conté.

Les syndicats maintiennent la grève illimitée, conditionnant sa levée à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Ils s’estiment trahis par la nomination d’Eugène Camara à ce poste alors que, dans l’accord conclu fin janvier avec les autorités, ils avaient obtenu la promesse de la nomination d’une personnalité consensuelle.

«Conté avait demandé aux députés de prolonger l'état de siège, ce qu'ils ont refusé à l'unanimité. C'est un désaveu cinglant pour lui», a déclaré le président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) Mamadou Bâ, porte-parole d'un groupe de 14 partis d'opposition. Selon lui, les députés ont «cédé aux pressions de leurs administrés, notamment en vue des prochaines législatives», prévues en juin.

Ce vote parlementaire intervient alors que se trouve à Conakry une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). A la tête de cette mission, l’ancien président nigérian Ibrahima Babangida s’était déclaré «très optimiste» en vue d’une résolution «politique» de la crise.

Préoccupée par une dégradation de la situation en Guinée qui menace l’équilibre régional, cette nouvelle mission de la Cedeao se trouve à Conakry depuis jeudi et jusqu’à samedi soir. Après avoir eu des rencontres avec des responsables du gouvernement, des diplomates, des religieux et des dirigeants syndicaux, cette délégation doit s’entretenir samedi avec le président Lansana Conté. Signe de l’inquiétude grandissante au sein de la Cedeao, qui rassemble quinze pays de la région, cette mission est la deuxième à Conakry en moins d’une semaine. Elle a reçu le soutien de la France et des Nations unies qui souhaitent voir le pays retrouver la stabilité.

Face à cette crise, les autorités françaises ont pris des mesures. Un bâtiment de la marine française, le Siroco, arrivé à Dakar mercredi soir, a appareillé ce vendredi pour le Golfe de Guinée. Ce navire de guerre spécialisé dans les opérations de débarquement doit renforcer le dispositif maritime français dans la région. Quelque 3000 ressortissants français vivent en Guinée, dont environ 2700 à Conakry.



par Elisa  Drago

Article publié le 23/02/2007 Dernière mise à jour le 23/02/2007 à 17:33 TU