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Côte d'Ivoire

Un accord de partage du pouvoir à deux

Laurent Gbagbo (à gauche) et Guillaume Soro (à droite) ont conclu, tous les deux, un accord de réglement du conflit ivoirien avec la bénédiction du président burkinabè Blaise Compaoré. 

		(Photo : AFP)
Laurent Gbagbo (à gauche) et Guillaume Soro (à droite) ont conclu, tous les deux, un accord de réglement du conflit ivoirien avec la bénédiction du président burkinabè Blaise Compaoré.
(Photo : AFP)

Le président Laurent Gbagbo n’a jamais vraiment apprécié que «la communauté internationale» lui impose un cadre de conduite. Il a, de tout temps, brandi la Constitution de son pays, qui, n’étant pas suspendue, restait à ses yeux la référence absolue. Il a souvent opposé, aux différents accords et résolutions de l’Onu qui limitaient ses pouvoirs, les prérogatives et autorités que lui confèrent son poste de président de la République. Il tient aujourd’hui sa revanche à travers un nouvel accord, signé le 4 mars à Ouagadougou avec Guillaume Soro, l’ancien chef rebelle des Forces nouvelles, dans lequel le président a pris toute sa part.


Le cadre de négociation, n’a pas été Abidjan, ni Yamoussoukro, mais Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, dont le président Blaise Compaoré a été désigné par le camp présidentiel ivoirien comme le parrain de la rébellion. Mais, qu’importe, Laurent Gbagbo ne veut laisser nulle place à la communauté internationale de décider à la place des Ivoiriens eux-mêmes. En tout cas, quelles que soient les préoccupations divergentes de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro, tous deux ont montré leur habileté politique à s’opposer sur l’essentiel mais à l’évoquer ensemble pour avoir de bonnes raisons de partager le pouvoir.    

De fait, cet accord, présenté comme une réelle avancée, pose plusieurs questions à propos des acteurs passés et futurs du processus de paix nouvellement conclu. En effet, ont négocié, ceux qui avaient des troupes. Laurent Gbagbo au Sud avec les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), loyalistes, et au Nord, Guillaume Soro, avec les rebelles, rebaptisés Forces nouvelles. Le chapitre V de l’accord réserve à ces deux parties de définir un «cadre institutionnel d’exécution».  Laurent Gbagbo et Guillaume Soro se placent donc en acteurs majeurs de la vie politique en Côte d’Ivoire. Ils décideront ensemble, comme le prévoient les nouvelles dispositions, l’installation d’un nouveau gouvernement de transition d’ici à cinq semaines et mettront en place les organes de suivi du processus de paix et de réconciliation nationale.

Tourner la page

L’originalité de cet accord tient dans la capacité des deux belligérants à classer les choses qui fâchent au registre des pertes et profits. Très peu de références sont faites du passé. Les signataires ont visiblement cherché à tourner la page. Acteurs politiques principaux, auto-proclamés, ils ont toutefois daigné laisser des strapontins à Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’ivoire (PDCI) et à Alassane Dramane Ouattara, président du Rassemblement des républicains (RDR) au sein du Cadre permanent de concertation (CPC). On y veillera à la cohésion nationale. 

En instaurant un état-major bicéphale du Centre de commandement intégré qui devrait maîtriser la fusion des différents corps et leur répartition sur le terrain, l’accord demande aux forces impartiales, Licorne et ONUCI  la «suppression de la zone de confiance». Autrement dit, il leur est demandé de plier bagages. La France a tout de suite salué les progrès enregistrés à Ouagadougou et étudie «un retrait progressif» des troupes de l’opération Licorne. Le nouvel accord a aussi rendu caduques certaines dispositions mises en place par l’ONU pour le règlement du conflit.   

Exit, le GTI, (Groupe de travail international), le cercle de concertation et d’évaluation de la situation et qui était, sur place, les yeux et les oreilles du Conseil de sécurité de Nations unies. En remplacement du GTI, arrive le Comité d’évaluation et d’accompagnement, (CEA) composé essentiellement d’Ivoiriens.   

Que devient la résolution 1721 de l’ONU qui proroge le mandat présidentiel d’un an supplémentaire et qui donne, par ailleurs, des pouvoirs élargis au Premier ministre Charles Konan Banny dans sa mission de conduite du processus de paix devant aboutir à des élections en octobre 2007 ? Ignoré et considéré comme quantité négligeable dans le nouvel accord, le Premier ministre imposé par la communauté internationale perd de fait la maîtrise du processus de paix. Et, peut-être aussi sa légitimité. Le nouveau cadre d’action en Côte d’Ivoire n’est plus la résolution 1721 du Conseil de sécurité de l’ONU mais l’Accord de Ouagadougou qui semble emporter la faveur prudente de tous les acteurs politiques ivoiriens. Encore une fois, c’est l’épreuve du terrain qui dira si les bonnes intentions déclarées de cet aménagement à l’ivoirienne sont vraiment dignes de foi. 



par Didier  Samson

Article publié le 05/03/2007 Dernière mise à jour le 05/03/2007 à 18:03 TU

Audio

Laurent Gbagbo

Président de la Côte d'Ivoire

«C'est la paix en Afrique, c'est la paix par l'Afrique; Je suis fier de ça.»

[05/03/2007]

Guillaume Soro

Chef de la rebellion des Forces Nouvelles

«Les Forces Nouvelles, par ma voix, s'engagent à appliquer l'accord qui a été signé.»

[05/03/2007]

Djédjé Mady

Secrétaire général du PDCI

«Il faut toujours donner la chance à la réconciliation de se réaliser.»

[05/03/2007]

Brigitte Girardin

Ministre française déléguée à la Coopération

«C'est une très bonne chose que les protagonistes de cette crise s'engagent à ne pas perdre de temps.»

[05/03/2007]

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