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Côte d’Ivoire

Gbagbo veut «sortir de la crise»

Mardi soir, lors d’un discours télévisé très attendu, le président ivoirien Laurent Gbagbo a annoncé cinq propositions de sortie de crise. Parmi elles : un dialogue direct avec les rebelles du Nord et la suppression de la zone de confiance sécurisée par les Forces impartiales.

En préconisant un dialogue direct avec les rebelles, Laurent Gbagbo semble vouloir mettre à l’écart les intervenants « extérieurs» comme la Cedeao. 

		(Photo : AFP)
En préconisant un dialogue direct avec les rebelles, Laurent Gbagbo semble vouloir mettre à l’écart les intervenants « extérieurs» comme la Cedeao.
(Photo : AFP)

«Rupture» pour les uns, «enfarinade» pour les autres… le discours de mardi soir du chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo est à la une de tous les quotidiens du pays. Le président y a annoncé cinq propositions pour sortir de la crise qui secoue le pays depuis 2002 : «l’instauration d’un dialogue direct avec la rébellion en vue du désarmement et de la réunification du pays», «la suppression de la zone de confiance», «la création d’un service civique national» qui devrait encadrer 40 000 jeunes dès la fin du mois de février 2007, «une amnistie générale» qui «ne couvrira pas les crimes contre l’humanité et les crimes économiques» et «la mise en place d’un programme d’aide au retour des déplacés de la guerre». Cette sortie télévisée était très attendue suite au vote par l’Onu de la résolution 1721, début novembre, qui a prolongé d’un an le mandat du président et a doté de «pouvoirs élargis» le Premier ministre Konan Banny, qui doit organiser des élections avant fin octobre 2007.

Du 7 au 21 novembre, les Ivoiriens ont pu faire des propositions à Laurent Gbagbo pour mettre fin à la crise. Parmi les «1 478 propositions faites par ses partisans», le quotidien 24 heures pointe «la mise sur la touche de la résolution 1721, la dissolution du gouvernement de Konan Banny et la formation d’un gouvernement FPI (le parti de Laurent Gbabgo), le départ des Forces impartiales et la libération par la force des territoires sous contrôle des Forces Nouvelles». Mais, de toutes ces revendications, il n’ a –quasiment– pas été question dans le discours présidentiel. Laurent Gbagbo n’a pas évoqué la résolution 1721 ni un possible limogeage de Konan Banny. En revanche, en affirmant que la zone de confiance, bande de territoire démilitarisée coupant le pays en deux, d’est en ouest, «n’a plus de raison d’être», il remet en cause la présence des Forces impartiales qui la sécurisent. C’est-à-dire les 7 000 Casques bleus marocains, déployés par l’Onuci (la force de l’Onu en Côte d’Ivoire) et les 3 500 soldats français de l’Opération Licorne dont les mandats respectifs viennent d’être prorogés par le Conseil de sécurité jusqu’au 10 janvier 2007.

Dialogue direct avec les Forces nouvelles

L’autre proposition marquante, et inédite, est celle du dialogue direct avec les Forces Nouvelles (FN) qui contrôlent la moitié nord du pays depuis leur tentative de coup d’Etat en septembre 2002. «J’entends, au cours de ce dialogue, demander directement à ceux qui ont pris les armes contre leur propre pays de les déposer et de libérer le pays. La nation leur tend une fois encore la main. Je suis prêt, dès ce soir même, à discuter avec eux», a affirmé mardi Laurent Gbagbo. Et si le journal Le Nouveau Réveil titre «Gbagbo légitime la rébellion», les Forces Nouvelles et leur chef, Guillaume Soro, n’ont pas encore réagi à cette main tendue du chef de l’Etat. D’ailleurs, «un dialogue direct est-il possible ?», s’interroge Le Patriote. Rien n’est moins sûr. En témoigne la première réunion manquée du groupe de travail sur le désarmement, mardi après-midi. Elle a été annulée après que la garde républicaine ait interdit l’entrée du Palais présidentiel aux représentants de la rébellion venus de Bouaké pour prendre part à cette rencontre exigée par la résolution 1721.

En préconisant un dialogue direct avec les rebelles, Laurent Gbagbo semble vouloir mettre à l’écart les intervenants « extérieurs» comme la Cedeao, l’Union africaine, ou encore le très décrié Groupe de travail international (GTI) de l’Onu, ainsi que les partis membres du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition de partis d’opposition dont le PDCI d’Henri Konan Bédié et le RDR d’Alassane Ouattara). «Devant l’impasse des solutions extérieures, il est temps que les Ivoiriens s’approprient eux-mêmes complètement, le processus de paix», a affirmé le président dans son discours. Précisant qu’il aimerait que les discussions avec la rébellion soient achevées «d’ici fin janvier au plus tard» et qu’elles «aboutissent au désarmement pour, que, enfin, les élections prévues puissent se tenir». «L’objectif de l’ensemble de ces propositions, c’est la sortie de la crise par les élections», qu’il a annoncé pour le mois de juillet 2007.

« Ouverture d’esprit »

«M Gbagbo a fait un discours rassembleur, avec des propositions qui ont peu de chances de voir le jour. Il conclut en s’engageant sur les élections, mais ne propose rien pour débloquer le processus électoral», observait mardi soir un responsable européen à Abidjan cité par l’AFP. Différents observateurs ont noté dans le discours du président une volonté d’apaisement. «J’invite chacun à l’ouverture d’esprit, à la tolérance envers les autres et à la détermination à obtenir la paix pour la Côte d’Ivoire», a-t-il notamment déclaré, tranchant avec ses sorties habituelles.

 «Dans un contexte national particulièrement lourd, marqué par une présumée tentative de coup d’Etat, les réformes politico-administratives dans le ‘Soroland’ et les manifestations de l’opposition, Gbagbo donne l’impression de faire profil bas», note Le Patriote. Le président ivoirien souhaitait peut-être donner quelques gages de bonne volonté, à deux jours du 31e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao, à Ouagadougou, où il sera essentiellement question de la crise ivoirienne. Mais avec ce discours, et ses propositions, Laurent Gbagbo aura surtout marqué sa volonté de se replacer au centre du processus de sortie de crise.



par Olivia  Marsaud

Article publié le 20/12/2006 Dernière mise à jour le 20/12/2006 à 16:55 TU