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Côte d'Ivoire

L'Onu redéfinit les rôles

Le Premier ministre, Charles Konan Banny, pourra «<em>prendre toutes les décisions nécessaires, en Conseil des ministres ou en Conseil de gouvernement, par ordonnance ou décret-loi</em>» 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre, Charles Konan Banny, pourra «prendre toutes les décisions nécessaires, en Conseil des ministres ou en Conseil de gouvernement, par ordonnance ou décret-loi»
(Photo : AFP)
Le Conseil de sécurité de l’Onu a suivi les recommandations du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en adoptant la résolution 1721 qui proroge les mandats du président de la République et du Premier ministre pour une nouvelle transition d’un an. Le Conseil de sécurité veut que la nouvelle transition soit la dernière. La principale mission assignée au Premier ministre est de conduire la Côte d’Ivoire à des «élections libres, ouvertes, régulières et transparentes d’ici au 31 octobre 2007 au plus tard».

Le Conseil de sécurité de l’Onu a ouvert une nouvelle période de transition de douze mois qu’il a d’emblée qualifiée de «finale» pour marquer l’obligation faite à tous les acteurs politiques ivoiriens d’aboutir dans les délais impartis à des accords garantissant l’organisation et la tenue d’élections libres et transparentes en Côte d’Ivoire. C’est le mandat que la résolution 1721 assigne au Premier ministre. Le texte précise qu'il doit disposer de «tous les pouvoirs nécessaires, de toutes les ressources financières, matérielles et humaines requises et d’une autorité totale et sans entraves».

Le Premier ministre «doit pouvoir prendre toutes les décisions nécessaires, en Conseil des ministres ou en Conseil de gouvernement par ordonnance ou décret-loi», indique le texte, un peu moins directif que le document original rédigé par la France. Charles Konan Banny pourra par exemple tenir un «Conseil de gouvernement», avec des ministres de son choix pour faire valider ses décisions, plutôt que de passer par un «Conseil des ministres» présidé de droit par le chef de l’Etat.

Laurent Gbagbo : «Je suis à la barre»

Ces dispositions permettent en quelque sorte au Premier ministre de prendre à son compte la responsabilité de certaines décisions qui ressortissent de son champ de compétences. Reste que ce renforcement de ses pouvoirs peut être contrebalancé par son «autorité relative» sur les forces armées. Question d' interprétation, et c'est justement celle du camp présidentiel.

Pour leur part, les partisans du président Gbagbo rappellent que ce n'est pas le Premier ministre qui nomme les autorités militaires, «prérogative présidentielle» selon la Constitution.  Et cela, même si la résolution 1721 prévoit que le Premier ministre doit «avoir une autorité sur les forces de défense et de sécurité en Côte d’Ivoire». Laurent Gbagbo n'a pas manqué de le souligner dans une ntervention radio-télévisée très attendue ce 2 novembre. «Je suis à la barre», a-t-il lancé en invitant l’armée à défendre la Constitution et la République.

La question de «la prééminence des résolutions internationales sur la Constitution», un point du texte initial qui avait soulevé le plus de réticences parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, a disparu. La résolution 1721 se contente d'appeler toutes les parties ivoiriennes à n’invoquer «aucune disposition légale pour faire obstacle à ce processus» devant conduire aux élections. Le Conseil a voulu au moins prévenir les protagonistes qu'il ne les laisserait pas cette fois se livrer à leurs arguties politico-juridiques habituelles.

Non sans malice, le président Gbagbo s'est empressé de remercier le Conseil de sécurité d’avoir réaffirmé, à sa manière, la prédominance de la Constitution ivoirienne sur tout autre texte. «Toutes les atteintes contenues dans la résolution qui constituent des violations de la Constitution ne seront pas appliquées», a-t-il toutefois menacé.

Charles Konan Banny est «investi des pouvoirs nécessaires»

«Investi des pouvoirs nécessaires pour conduire le processus de paix, le Premier ministre, Charles Konan Banny devra lancer l'opération d'identification des électeurs», commente le Conseil de sécurité. Bien évidemment, il devra pour ce faire mener à bien le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), parvenir au démantèlement des milices, au redéploiement de l’administration et des services publics sur l’ensemble du territoire ivoirien et conduire par ailleurs la restructuration de l’armée.

En matière de refonte de l'armée dans un esprit républicain, l'Onu invite l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) «à organiser des séminaires (…) en vue de refonder des forces de défense et de sécurité attachées aux valeurs d’intégrité et de morale républicaine». Le Conseil de sécurité demande également au Premier ministre d’établir des groupes de travail avec toutes les parties concernées.

Par ailleurs, afin d’éviter des médiations «multiples et conflictuelles» le Conseil de sécurité de l’Onu a suivi l’avis de l’Union africaine (UA) pour reconnaître à une seule personne la qualité de médiateur attitré. C’est au président de la République du Congo et président en exercice de l’UA, Denis Sassou Nguesso, que revient naturellement cette charge. Il désignera un interlocuteur unique qui travaillera avec le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire.

Le Conseil de sécurité entend que cette nouvelle transition soit la dernière avant l’élection présidentielle déjà repoussée par deux fois. Il introduit une nouvelle notion, celle de la «responsabilité individuelle». Toute entrave au bon déroulement du processus de paix sera donc «sanctionnée», rappelle-t-il, conformément à sa résolution 1633 d'octobre 2005.

«Il ne faut quand même pas oublier que la population ivoirienne souffre depuis quatre ans et que la communauté internationale est aussi lasse de voir que les choses n’avancent pas suffisamment pour arriver à ces élections démocratiques et incontestables», explique la ministre française déléguée à la Coopération, Brigitte Girardin, qui considère que la nouvelle résolution a su tirer les leçons du passé. C'est aussi l'avis de l'ancienne rébellion des Forces nouvelles, qui estime que «les questions essentielles liées à la sortie de crise sont traitées» dans cette nouvelle résolution à laquelle elle dit «souscrire entièrement». 



par Didier  Samson

Article publié le 02/11/2006 Dernière mise à jour le 02/11/2006 à 19:45 TU