Zimbabwe
Morgan Tsvangirai remis en liberté

(Photo : Reuters)
Le chef de l'opposition, Morgan Tsvangirai, avait été arrêté dimanche, avec des dizaines d’opposants, pendant un rassemblement organisé par son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Ils voulaient protester contre le souhait du président Robert Mugabe, au pouvoir depuis vingt-sept ans, d’allonger son mandat présidentiel de deux ans, en reportant les élections de 2008 à 2010. Après avoir été présenté devant la justice hier, Morgan Tsvangirai a finalement été libéré ce mercredi matin. Retour sur un début de semaine difficile pour l'opposition zimbabwéenne.
De notre correspondante à Johannesbourg
«La police a attaqué des civils sans défense mais la lutte continue», a déclaré mardi Morgan Tsvangirai, blessé à la tête et le visage tuméfié. Le chef de l’opposition, âgé de 55 ans, a été battu après son arrestation, dimanche. Mardi, alors qu'il devait comparaître en justice, il a été autorisé par le procureur à se rendre, sous escorte policière, à l’hôpital – avec 49 autres opposants, dont 4 députés, également molestés – pour se faire examiner. Tous devront ensuite comparaître devant le tribunal, qui devrait soit les inculper pour participation à un rassemblement interdit, soit ordonner leur remise en liberté.
Manifestations interdites
Depuis février, toute manifestation politique est interdite au Zimbabwe. L’opposition avait donc convoqué «une assemblée de prières», dimanche, dans un stade d’Harare. La police est intervenue avec violence, en tirant sur les manifestants et en tuant une militante. Cette répression musclée n’est pas nouvelle. Mais c’est la première fois, dans les années récentes, que le chef de l’opposition en fait personnellement les frais. Selon un proche, Tsvangirai a changé de tactique. Depuis la formation du MDC fin 1999 et sa quasi-victoire aux législatives de 2000, il s’est toujours montré très prudent, en évitant de prendre part aux manifestations et de s’exposer aux brutalités policières. Mais cette prudence a fortement entamé la crédibilité de Tsvangirai, dont la stature a encore été affaiblie en 2005 par la division du MDC en deux factions rivales, l’autre faction étant dirigée par Arthur Mutambara, également détenu depuis dimanche.
Cette division est tragique, a reconnu le chef du MDC, jeudi dernier, lors d’un bref passage à Johannesburg. Mais nous sommes unis pour combattre l’extension du mandat du chef de l’Etat [dont le mandat s’achève normalement en mars 2008]. Notre capacité de mobilisation a augmenté. Cela dit, si j’invitais tous les Zimbabwéens à descendre dans la rue, je ne suis pas sûr qu’ils me suivraient car ce sont des gens pacifiques !» L’ancien syndicaliste mise donc toujours sur une solution négociée.
«Le Zimbabwe est à un tournant, affirme-t-il. La situation économique est devenue intenable et même au sein du parti au pouvoir [l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique, Zanu-PF], les gens veulent un changement. Il est temps que pays voisins interviennent. Les leaders régionaux soutiennent tacitement Mugabe sur certains dossiers [comme la redistribution des terres]. Mais s’ils prétendent créer un bloc régional qui compte sur la scène internationale, ils ne peuvent laisser l’un des leurs s’autodétruire ! Il faut aussi éviter le risque de l’aventurisme».
Mardi après midi, l’Afrique du Sud, habituellement, très silencieuse sur la crise Zimbabwe, a réagi en exhortant le gouvernement zimbabwéen à «faire respecter l'Etat de droit». De son côté, le président zambien Levy Mwanawasa a exprimé sa «grande inquiétude». L’Union européenne, les Etats Unis et le porte-parole du secrétaire général de l'ONU ont également condamné la répression de dimanche.
Guerre de succession
Selon un récent rapport de l’International Crisis Group de Bruxelles, «le Zimbabwe menace de sombrer dans le chaos et d'emporter de larges pans de la région avec lui». Avec l’effondrement de l’économie (l’inflation atteint 1 700 %, un record mondial), même l’élite au pouvoir – qui s’est fortement enrichie ces dernières années, grâce aux fermes saisies et au marché noir – commence à sentir l’impact de la crise. Selon de nombreux commentateurs, le président Mugabe aurait désormais plus à craindre de son propre entourage que de l’opposition.
«Il y a au moins trois factions qui se disputent sa succession mais jusqu’à présent aucun candidat ne commande le respect dont Mugabe jouit au sein de la Zanu-PF», estime Elphus Mukonoweshuro, professeur de sciences politiques à l’Université du Zimbabwe. Dimanche, alors que son départ du pouvoir était prévu en 2008, le chef de l’Etat, âgé de 83 ans, a annoncé qu’il briguerait un nouveau mandat, si son parti et le Parlement refusaient de reporter le scrutin présidentiel à 2010.
par Valérie Hirsch
Article publié le 13/03/2007 Dernière mise à jour le 13/03/2007 à 16:33 TU