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Venezuela

Des alliés de Chavez se rebiffent

Le président vénézuélien Hugo Chavez 

		(Photo : AFP)
Le président vénézuélien Hugo Chavez
(Photo : AFP)
Le président vénézuélien rencontre des difficultés à former un parti unique socialiste. Trois de ses 21 alliés politiques ont refusé d’y adhérer. Ils craignent en effet d’être entièrement contrôlés par Hugo Chavez. Celui-ci a exigé alors leur départ immédiat du gouvernement et leur a demandé de quitter le courant politique officiel.

C’était le 15 décembre 2006, au Théâtre Teresa Carreño à Caracas. Le président vénézuélien Hugo Chavez faisait alors l’annonce suivante : «Je déclare aujourd’hui que je vais créer un nouveau parti. J’invite qui voudra m’accompagner à se joindre à moi... Que les partis qui le souhaitent se maintiennent, mais ils sortiront du gouvernement. Avec moi, je veux que gouverne un parti». Ainsi a été lancé publiquement l’idée d’un parti unique qui devrait remplacer l’alliance gouvernementale, consistant en 21 partis et mouvements politiques ayant soutenus jusqu’à présent la «révolution bolivarienne» de Hugo Chavez et lui permettant ainsi ses victoires électorales.

Depuis ce jour de décembre dernier, la formation du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) n’a pas rencontré de résistance digne de ce nom. «Le commandant ordonne, nous exécutons», avait commenté, par exemple, la militante Lina Ron, lors de la dissolution de son parti au mois de janvier. Ainsi devrait se fondre dans le nouveau parti unique le Parlement, complètement dans les mains des «Chavistas» depuis que l’opposition ait boycotté les dernières élections législatives. Mais ce processus d’auto-éviction du Parlement, que rien ne semblait pouvoir arrêter et dont la finalisation était prévue par le président d’ici le mois de décembre prochain, se trouve soudainement entravé :

Trois partis, jusque là fidèles compagnons de route d’Hugo Chavez, s’aventurent dans une révolte contre le leader tout puissant. Le Parti communiste, le parti ouvriériste Patria para todos (PPT) et le parti de gauche modérée Podemos, refusent en effet de se fondre tout simplement dans le grand parti unique. Plusieurs raisons expliquent ce refus des trois formations politiques qui ont réuni, à elles seules, 1,7 million de voix grâce auxquelles Hugo Chavez a pu accéder pour la troisième fois de suite au fauteuil de chef d’Etat.

Les trois partis ont justifié leurs refus par la crainte d’être entièrement contrôlés par le président et de perdre ainsi leur image et leurs électeurs. Ils se sont également déclarés effrayés par le désir de Chavez de rester au pouvoir pendant une période illimitée. Le Parti communiste a, quant à lui, laissé entendre qu’il pourrait revenir sur son refus d’adhésion au Parti socialiste uni du Venezuela. Son secrétaire général Oscar Figera  a laissé entendre que le PC pourrait prendre une décision définitive quand il aurait une idée claire de ce que représente exactement le nouveau parti unique. A cette fin, il a même proposé de former un groupe de réflexion sur la fondation idéologique et pragmatique du PSUV. Sans cette définition d’une ligne politique claire, les communistes vénézuéliens refusent, jusqu’à nouvel ordre, comme les deux autre formations, la dissolution de leur parti.

Mais il n’est pas recommandé de faire les difficiles avec Hugo Chavez. Le mécontentement présidentiel ne s’est pas fait attendre : «Le refus d’adhérer au Parti socialiste uni du Venezuela signifie leur passage à l’opposition», a fustigé ce dimanche celui qui se déclare l’héritier légitime de Fidel Castro. Et comme à chaque fois qu’un allié se permet une critique, le président vénézuélien le punit par une exclusion idéologique immédiate du courant révolutionnaire : «Ils ont le droit de prendre cette décision, mais qu’ils sachent que, s’ils souhaitent revenir, ils se heurteraient à un refus catégorique. Nous n’avons pas besoin de tels alliés».

Le chef d’Etat a donc exigé des trois résistants qu’ils quittent le gouvernement pour lui permettre de former, sans plus tarder, le parti unique, nécessaire, selon lui, pour permettre au Venezuela d’atteindre plus facilement son idéal du «socialisme du XXIème siècle».  

Amener le Venezuela vers le socialisme du XXI siècle

La fondation d’un parti unique n’est en effet qu’une partie du vaste plan, concocté par Hugo Chavez. Ce programme implique également les lois qui permettent au président de gouverner le pays par décret (leyes habilitantes), les nationalisations d’entreprises privées et la répression des médias d’opposition. C’est ainsi que se présente le socialisme du XXI siècle selon son inventeur vénézuélien. Beaucoup de ces points ont figuré dans sa dernière campagne pour les élections présidentielles. Mais la rapidité et la détermination avec lesquelles Chavez attaque la transformation de l’Etat, surprennent cette fois non seulement ses adversaires mais également ses partisans.

Concernant la formation du PSUV, le parti social-chrétien du Venezuela (CPOEI), a estimé que M. Chavez n’essayait pas de construire un parti politique mais un mécanisme autoritaire à l’idéologie et à la pensée unique. Même son de cloche au parti social-démocrate : l’Action Démocratique reproche au président de vouloir moins créer un nouveau parti que de vouloir éviter tout désaccord politique dans son camp. 

Mais c’est surtout au sein des chavistes mêmes que le bouleversement se fait ressentir cette fois-ci. Car même parmi certains inconditionnels de la ligne politique du «Presidente», on commence à se poser des questions. Le sociologue Edgardo Lander, un proche d’Hugo Chavez, a critiqué ainsi la décision autocrate en faveur d’un parti unique sans que des «expériences faites durant les socialismes réellement existants du XXème siècle» soient mises en question.

C’est finalement l’annonce de l’obligation de dissoudre les partis politique pour adhérer dans le PSUV qui a provoqué un véritable choc parmi les fidèles du président. L’incompréhension de ce dernier envers des partis qui refuseront leur dissolution, leur reprochant d’adhérer ainsi aux «idées de la droite et de l’impérialisme», n’a pas eu, cette fois-ci, l’effet escompté. Ni plus d’ailleurs que la devise «patrie, socialisme ou mort», que Hugo Chavez a collé sur sa nouvelle formation politique.    

C’est que cette fois, l’homme, qui prétend avoir collé son oreille 24 heures sur 24 à l’âme de son peuple, a sous-estimé l’attachement affectif qui lie la population vénézuélienne à des partis aussi traditionnels que le Parti communiste, le Podemos ou Patria para todos. De voir disparaître ces formations politiques aussi symboliques, car issues des grands courants populaires, a été la pilule de trop à avaler pour l’opinion publique et même celle qui soutient Chavez. 

A lui seul, l’éventuel départ des trois partis «résistants» du gouvernement et du Parlement ne fragilisera pas le leader tout puissant, car ils ne détiennent que 33 des 167 sièges à l’Assemblé Nationale.

Mais Hugo Chavez pourrait courir, pour la première fois, le risque que ses partisans descendent dans la rue contre lui. Reste à savoir si les trois partis auront assez de poids politique pour mobiliser les Vénézuéliens. Pour cela, il leur faudra déjà prendre le risque de vraiment rompre avec le courant officiel d’Hugo Chavez et de partir dans l’opposition.  



par Stefanie  Schüler

Article publié le 20/03/2007 Dernière mise à jour le 20/03/2007 à 17:09 TU